Elle a trouvé refuge à Rosmerta, le centre social autogéré d’Avignon, réquisitionné en décembre dernier. Marie* a fui le Cameroun en avril 2016, pour un périple qui l’a fait traverser le Niger, le Nigeria, l’Algérie, la Lybie, ou après cinq mois de prison, elle a pris un bateau, pour Lampedusa. Reçue comme demandeuse d’asile en Italie, elle est finalement venue en France. Rencontre avec une histoire singulière.


Vous avez pu enfin vous poser ici. Pouvez vous nous raconter le voyage que vous avez fait pour arriver ?

Je suis partie du Cameroun, ai traversé Niger, Nigeria et Algérie, avent d’arriver en Lybie. La-bas, parce que je n’avais pas d’argent, j’ai été jetée en prison pendant cinq mois, alors que j’étais enceinte, jusqu’à ce que je parvienne à m’évader, et finalement à embarquer sur un bateau. La traversée s’est bien passée pour moi, puisque je suis finalement arrivée, mais sur les sept bateaux qui ont été lancés en même temps des côtes libyennes, seuls trois ont touché les côtes italiennes. Nous, nous avons été récupérés par un grand bateau, et amenés dans un hôtel. Un mois après notre arrivée j’ai accouché. Nous avons ensuite été logés dans un camp ou il n’y avait que des femmes et des enfants. La-bas on nous laissait livrés à nous-même, et on nous demandait tout le temps de rentrer dans notre pays. On nous disait que tous les enfants comme le mien qui étaient nés là, devraient repartir.

 

Mais vous avez obtenu l’asile en Italie ?

Oui, je l’ai demandé à cinq reprises, et on me l’a finalement accordé. Tant que j’étais demandeuse d’asile, je touchais chaque mois pour moi et mon enfant quelque chose comme 200 euros. Quand ma demande a été acceptée, on a arrêté de nous donner à manger et le pécule est passé à 75 euros par mois…

 

C’est pour ça que vous êtes partie d’Italie ?

Je suis partie à cause du racisme. C’était tous les jours, soit le chauffeur de bus qui refusait de nous prendre alors que je payais mon billet, des personnes qui changeaient de place pour ne pas être assises à côté de nous. Et même un pédiatre que j’ai été voir avec mon enfant, et qui ne voulait pas l’examiner, alors que je lui disais qu’il n’arrivait plus à dormir depuis plusieurs jours. Et puis rester là avec 2,5 euros par jour, alors que tout est payant, j’ai tenté ma chance vers la France.

 

Vous aviez des connaissances en France ?

Je ne connaissais personne, mais les manifestations de racisme au quotidien en Italie, je n’en pouvais plus. Je suis arrivée en France en bus, et j’ai pris le premier train. C’est le contrôleur qui m’a fait descendre à Avignon, parce que je n’avais pas de billet. Là, je me retrouvais dans la rue et je ne savais pas ou j’étais. J’ai finalement été placée par le 115 dans un foyer de jeunes travailleurs, et je suis encore restée deux jours sans manger. Et j’ai rencontré des bénévoles de Rosmerta qui m’ont aidé pour avoir des places via le 115. Mais après cinq nuits en foyer, je me suis retrouvée de nouveau sans solution, et c’est là qu’on m’a proposé d’intégrer cette grande maison. Ici j’ai trouvé une grande famille, de gens dans des situations comme la mienne. ET pour tous, c’est la même impression, on peut enfin se poser.

Recueilli par Christophe Coffinier

 

pour tous ceux qui sont arrivés sur les rives de l’Europe, combien morts en mer?

 


* le prénom a été changé

 

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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.