L’emblématique cathédrale héraultaise accueille la 42e édition du Festival de Musique Ancienne, du 3 au 12 juin, entre Italie et Espagne.


 

Depuis l’an dernier Sylvain Sartre est le directeur du Festival de Maguelone, qu’il a déjà codirigé avec son fondateur Philippe Leclant pendant deux ans. Il garde confiance malgré les difficultés financières qui se présentent actuellement (et pas seulement pour ce festival, on le sait bien…), et le projet prend un nouveau tournant, poursuivant l’idée d’une « émergence » qui avait déjà attiré l’attention l’an dernier.

Émergence de l’excellence

Il ne s’agit pas de garder la tête hors de l’eau quand les subventions et aides se réduisent, mais de sortir de nouveaux talents de l’anonymat. Sylvain Sartre et l’ensemble Les Ombres, ainsi que d’autres partenaires et la Fondation Singer-Polignac, travaillent à cette mise en valeur d’artistes exceptionnels. « On crée un pont entre les générations », explique-t-il. Ainsi, jeudi prochain, c’est le groupe The Banshies qui est convié. Ce quatuor féminin de musique ancienne réunit des magiciennes venues d’ailleurs, car dans la mythologie celtique irlandaise la “banshee” est une créature dotée de pouvoirs surnaturels. Ces musiciennes déjà connues ont préparé un 47 degrés nord qui retrace le périple du célèbre compositeur Antonio Caldara entre Venise et Vienne. « Ce n’était pas un petit déplacement ! Des échanges… Le voyage d’une âme aventureuse », commente Sylvain Sartre.

Professeur de flûte au Conservatoire de Perpignan, Sylvain Sartre, qui est codirecteur de l’ensemble Les Ombres avec Margaux Blanchard, mène aussi les projets du Jeune Orchestre Baroque Européen pour favoriser l’émergence des artistes amateurs. Il pense toujours à s’adresser aux jeunes, et les élèves du collège Pierre Bouissinet de Villeneuve-lès-Maguelone ne sont pas oubliés, ils vont, mardi 10, découvrir la musique baroque avec la super violoniste Françoise Duffaud, qui collabore à de nombreux projets pédagogiques. C’est un lien qui s’est noué avec la commune, un projet qui envisage un spectacle l’an prochain, car ce festival est pour le directeur artistique « une invitation à plonger dans un univers où l’art et l’histoire se rencontrent ». La tradition de découverte continue et le président de l’association Les Muses en Dialogue, Philippe Leclant, s’en réjouit : « Dans un contexte où la culture est souvent mise à mal, le Festival de musique ancienne à Maguelone se positionne depuis 42 ans comme un phare, pour affirmer les esthétiques anciennes auprès de tous les publics. » Il projette d’organiser une collecte de dons pour un soutien financier, et il peut compter sur les amateurs de musique ancienne qui sont fidèles au festival depuis des années.

Entre terre et mer, Viva Vivaldi !

Maguelone est un lieu unique dans l’Hérault, une presqu’île où la cathédrale romane emblématique émerge entre mer et étang, et il s’y est inscrit une identité culturelle à laquelle la musique ancienne a depuis 1984 ajouté ses lignes de vie. Tant de saisons ! C’est aussi bien plus qu’une salle musicale classique, et cette année le festival va commencer mardi par fêter les 300 ans des célèbres Quatre Saisons. L’œuvre de Vivaldi fait partie des plus connues, comme le Boléro de Ravel, et ses diffusions sur ascenseurs et répondeurs téléphoniques ont bien suscité des polémiques… Mais le concert d’ouverture du programme est une vraie redécouverte avec l’Ensemble Gli Incogniti. À sa tête la violoniste Amandine Beyer est l’auteur d’un « renouveau » de cette œuvre-culte, dont elle a travaillé manuscrits et historique, et son enregistrement en 2008 est devenu une version de référence. À découvrir aussi dans ce concert le beau concerto pour violoncelle du « Prêtre roux1 » !

Samedi, Vivaldi invite aussi un spécialiste, Olivier Fourès. Ce danseur, musicologue, violoniste, passionné de manuscrits et partitions, interroge sur les causes de la popularité de l’œuvre : « Les quatre saisons de Vivaldi, une histoire sans fin ». Sylvain Sartre conseille cet échange avec le public : « J’aime l’idée de cette rencontre en écho au concert. On pousse la porte du compositeur, et c’est une approche du contexte, du vécu, des anecdotes. »

 

« El Fenix de Paris » réunit la mezzo Isabelle Druet et Le Poème Harmonique. Crédit Photo Gary Pane

 

 

Chant du cello et soleil de la voix

Autre nouveauté du festival, Voyage vers la Cité des Ponts fait escale à Venise, dimanche matin, et célèbre aussi Vivaldi, Gabrielli et d’autres compositeurs du XVIIIe siècle. Mais surtout il fait connaître le parcours du violoncelle, qui parmi les violes a construit son identité. Cette aventure est vécue et incarnée par la celliste « vivaldiste » Hanna Salzenstein qui a déjà sorti plusieurs CD (Mirare), en compagnie de Thibault Roussel au théorbe2, qui lui aussi vient de sortir un enregistrement mettant en valeur les instruments historiques du Musée de la Musique. Un concert peu « classique », et deux interprètes exceptionnels à découvrir.

Pour conclure, direction l’Espagne, même si ce dernier concert s’intitule El Fenix de Paris. Jeudi 12, Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre occupe la Grande Nef pour partager avec la mezzo Isabelle Druet un programme festif, avec canario et folia. « C’est un concert du Sud, ensoleillé !, annonce Sylvain Sartre. Très joyeux et vivant ! » Il s’agit de mettre en valeur la fusion des danses françaises et ibériques (Louis XIII a épousé l’infante Anne d’Autriche…), principalement les airs de Luis de Briceño, enregistrés en 2011. Un grand récital vocal, où les percussions ont beaucoup à dire : la musique ancienne entre en danse !

Michèle Fizaine

Festival de Musique Ancienne à Maguelone (34)
Mardi 3 à 21 h : Vivaldi par l’ensemble Gli Incogniti (grande nef).
Jeudi 5 à 21 h : The Banchies (tribune).
Samedi 7 à 17 h, Médiathèque Emile Zola à Montpellier : conférence d’Olivier Fourès (accès libre).
Dimanche 8 à 10 h 45 : Duo violoncelle Théorbe (tribune).
Mardi 10 juin : animation scolaire à Villeneuve-les-Maguelone.
Jeudi 12 juin à 21 h : Le poème Harmonique (grande nef).

Tarifs de 20 à 45 €.

Une nouveauté : covoiturage pour les festivaliers ! Pour simplifier votre venue aux concerts, prolonger la convivialité du moment et faire un geste pour l’environnement, partagez vos déplacements en voiture, avec Festicar.

 

Photo 1. Deux violons, un violoncelle et un clavecin : l’étonnant quatuor The Banshies. Crédit Photo  Alexia & Ferdinand

 

 

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Notes:

  1. Antonio Vivaldi, également prêtre catholique, à la chevelure rousse, le fit surnommer « Le Prêtre roux ».
  2. Le Théorbe est une espèce de grand luth au son grave et puissant, utilisé pendant l’époque baroque et particulièrement adapté à l’accompagnement du chant et au jeu orchestral.
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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.