Les retards s’accumulent dans l’organisation du dépistage. Selon la cellule investigation de Radio France, les livraisons d’écouvillons destinés aux robots chinois achetés par la France ont été temporairement suspendues.


 

Nouveau couac dans le dépistage massif du Covid-19 annoncé par le gouvernement. Selon les informations de la cellule investigation de Radio France (1), les livraisons des écouvillons (ces longs cotons-tiges utilisés lors des prélèvements) destinés aux vingt robots (2) achetés par la France à la société chinoise MGI sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.

Les autorités françaises viennent de réaliser que les stocks d’écouvillons destinés à ces machines chinoises ne sont pas les bons. Ils ne sont utilisables que pour des prélèvements dans la gorge (oro-pharyngés), mais pas dans le nez (naso-pharyngés), comme c’est le cas pour la plupart des tests utilisés en France dans le dépistage du Covid-19.

Selon les informations recueillies par la cellule investigation de Radio France qui fait preuve de moins de servilité que les journaux de France Inter, un stock d’un million d’écouvillons oro-pharyngés est ainsi en attente de livraison dans les différents CHU.

« Des avis d’experts, réglementaires et scientifiques, ont été sollicités pour instruire d’une part les possibilités d’utilisation de ces écouvillons dans le cadre du dépistage Covid, précise la DGOS (3) dans son mail du 13 mai 2020, et d’autre part les autres pistes permettant de diminuer cette tension. Nous nous engageons à revenir très rapidement vers vous pour vous faire part dès que possible des nouvelles avancées sur ce sujet. » Contactée, la Direction générale de la santé ne fait aucun commentaire.

Cette affaire est d’autant plus épineuse pour les autorités sanitaires françaises que dans un arrêté publié le 12 mai 2020 au Journal officiel, cosigné par le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, il est clairement indiqué que « le prélèvement à privilégier est un prélèvement naso-pharyngé profond des voies respiratoires hautes par écouvillonnage ou un prélèvement des voies respiratoires basses (crachats ou liquide brochoalvéolaire) ».

En attendant de connaître la décision des autorités sanitaires françaises, les CHU vont donc continuer à fonctionner avec leurs stocks actuels d’écouvillons. « Il n’y a pas de problème, pour le moment, concernant le bon fonctionnement de notre robot chinois, assure une source au sein d’un important CHU. Mais la fourniture en écouvillons est globalement très tendue ».

« Cette histoire est une preuve de plus d’un mélange de manque d’anticipation et d’excès de précipitation, commente au journaliste de Franceinfo le professeur Éric Caumes, chef du service de maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière à Paris qui plaide, lui, pour des tests salivaires comme les Italiens et les Espagnols. »

Le 28 avril 2020, le Premier ministre avait annoncé « 700.000 tests virologiques à partir du 11 mai » et la mise en place de « brigades » dans chaque département, chargées d’identifier les contacts des personnes présentant des symptômes du Covid-19.

Pendant plusieurs semaines, lors de son point quotidien sur la progression de l’épidémie, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, évoquait le nombre de tests réalisés à l’hôpital et dans les laboratoires de ville. Puis cette mention a disparu…

Il suffit de se rendre sur le site de Santé publique France pour constater des carences en matière d’information. Pour la région Occitanie par exemple, le point épidémiologique n’a pas été renouvelé depuis près de 10 jours et aucune mention n’est faite du nombre de dépistages opérés.

La communication gouvernementale tourne à plein régime mais elle ne masque pas les faits et les tergiversations permanentes de l’exécutif qui souhaite répondre à plusieurs objectifs contradictoires en même temps. Les exercices de « pédagogie » à grand renfort d’exposés en direct n’y changent rien dans le sondage Odoxa paru le 11 mai 2020 ; les Français sont 25 % à juger que leur gouvernement  « dit la vérité aux habitants » contre 46 % parmi les Européens.

 

Note. Cet article reprend des éléments de l’enquête menée par Benoit Collombat de la cellule d’investigation de Radio France.

(1) La cellule investigation de Radio France est le nom générique de la direction des enquêtes et de l’investigation de Radio France (qui comprend trois pôles : pôle production de l’émission Secrets d’Info @franceinter ; pôle numérique assurant la multiplicité des formats et des supports ; pôle investigation qui enquête sur le terrain). Elle est constituée de cinq enquêteurs et dirigée par Jacques Monin.

(2) Ces robots chinois sont des machines haut-débit MGISP-960 qui permettent d’effectuer plus de 2 000 tests de dépistage par jour en augmentant le débit d’extraction des acides nucléiques dans les échantillons à analyser.

(3) Organisation de la Direction générale de l’offre de soins