La Ligue des droits de l’Homme Montpellier communique


Les ordonnances décidées par le gouvernement dans le cadre de l’ « état d’urgence sanitaire » comprennent de nombreuses mesures, dans de multiples domaines. Ce document met en perspective un des aspects qui appellent la vigilance citoyenne : les sanctions en cas de non respect des règles de confinement au regard du droit, tel qu’il doit rester appliqué. Il a été élaboré par la Ligue des droits de l’Homme, l’Observatoire parisien des libertés publiques et le Syndicat des Avocats de France.


 

Cette synthèse de presse permettra de mettre en lumière les possibles atteintes aux droits fondamentaux dans la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire, dérives que la cellule de veille créée par la section de Montpellier de la Ligue des droits de l’Homme va, si nécessaire, identifier et analyser.

 

L’usage de la force par la police est strictement limité

Même dans la situation actuelle, la police et la gendarmerie ne peuvent recourir à la force qu’en cas de légitime défense (art. 122-5 du code pénal), lorsqu’un danger actuel ou imminent nécessite un acte (strictement proportionné) destiné à protéger le bien ou la personne en danger (art. 122-7 du code pénal), ou dans le but de maîtriser une personne lors d’une interpellation (art. 73 du code de procédure pénale). En outre, les forces de l’ordre ne peuvent faire usage de leurs armes qu’ « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée » (art. L.435-1 du code de la sécurité intérieure).

Par ailleurs, en matière de contraventions, l’article 73 du code de procédure pénale ne permet pas de recourir à l’emploi de la force. De façon générale, les dispositions relatives à la déontologie des forces de l’ordre, notamment l’article R. 434-18 du code de sécurité intérieure, rappellent que « [l]e policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace, selon le cas ». Seule la rébellion1 (faire de grands gestes, se débattre), qui est un délit passible d’emprisonnement, peut conduire à placer la personne en garde à vue.

 

Les sanctions pour un nouveau délit

Le Parlement a voté une loi 2 créant un nouveau délit en cas de répétition de quatre contraventions pour non-respect du confinement dans le délai d’un mois. Dès la 2ème violation, dans les 15 jours, des règles édictées par le gouvernement ou le préfet, l’amende passe à 1.500 €. À partir de la 4ème violation dans un délai d’un mois, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende, ainsi que (éventuellement) de la peine complémentaire de travail d’intérêt général et celle de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule 3.

Or, l’imprécision des obligations actuelles donne déjà tout pouvoir à l’arbitraire policier. On ne peut que s’étonner que, dans le cadre de mesures à vocation sanitaire, soient prévues des emprisonnements, alors que la promiscuité dans des prisons surpeuplées menace gravement la santé des détenus.

Par ailleurs, la police nationale a apporté des précisions sur le contrôle par les forces de l’ordre 4 de « l’attestation de déplacement dérogatoire » relative aux « achats de première nécessité » : « La vérification des denrées alimentaires et la désignation des biens de première nécessité sont des critères subjectifs et incontrôlables.

Il suffit de présenter son attestation correspondant au motif de la sortie temporaire du confinement et de l’achat de denrées. » Donc les policiers ne peuvent pas déterminer subjectivement ce qui est ou non de première nécessité.

 

Forces de l’ordre et illégalité

Rappelons que les forces de l’ordre sont tenues de désobéir lorsqu’un ordre manifestement illégal leur est donné (art. 122-4 du code pénal) ?

Si les enjeux actuels sont graves et nécessitent des interdictions de déplacement, les mesures et sanctions prises doivent demeurer légales, proportionnées et dictées par une « approche fondée sur les droits de l’Homme pour réguler cette pandémie »5

 

État d’urgence sanitaire la LDH crée une cellule de veille

Nos devoirs… et aussi nos droits. Les citoyens doivent respecter les consignes de sécurité sanitaire édictées par le gouvernement. Mais ils attendent que leurs droits soient pleinement respectés. Or, l’ « état d’urgence sanitaire » restreint les libertés publiques, individuelles et collectives, fragilise la justice, dérégule le droit du travail, donne au gouvernement, sans contrôle effectif, des pouvoirs considérables et sans précédent, donc avec un risque d’arbitraire, tandis que le droit à la santé des précaires – sans abri, détenus, habitants des bidonvilles et des squats – est très insuffisamment pris en compte.

Voilà les raisons pour lesquelles la section de Montpellier de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) crée une cellule de veille sur l’état d’urgence sanitaire. « Nous mettons en œuvre localement une démarche nationale, explique son président, Jean-Paul Vogel. Nous allons collecter les informations sur les mesures et les pratiques des pouvoirs publics, nationaux et locaux (administrations, police, justice) qui seraient contraires aux droits fondamentaux, comme les violences de la police. Notre vigilance à l’égard du virus ne doit pas exclure notre vigilance sur notre République, notamment dans le sort fait aux étrangers. »

Cette cellule va s’appuyer sur l’expérience, les méthodes et l’encadrement juridique de la « Legal Team » (l’Equipe Légale), constituée en 2018 pour observer les pratiques policières dans les manifestations : recueil scrupuleux des témoignages, recherche de compléments d’information, vérification des faits et publication de rapports documentés.

Les Montpelliéraines et les Montpelliérains et les associations et organisations soucieux de défendre les libertés démocratiques dans cette période difficile sont invités à transmettre les informations à la section de Montpellier de la LDH :

montpellier@ldh-france.org
Facebook.com/ldhmontpellier


Notes:

1 Article 433-6 du code pénal
2 Synthèse de la loi : https://www.cnb.avocat.fr/sites/default/files/synthese_loi_covid19_22.03.20.pdf
3 Article L. 3136-1 code la santé publique
4 Les sorties « à proximité du domicile » ; actuellement 1 km et une heure seulement (décret n°2020-293 du 23 mars 2020)
5 ONU Info, 16 mars 2020, Covid-19 : les États ne doivent pas abuser des mesures d’urgence pour supprimer les droits humains (https://news.un.org/fr/story/2020/03/1064132).

Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe : respect-human-rights-and-stand-united-against-the-coronavirus-pandemic