Le Secours populaire a dû s’organiser pour faire face à la situation d’urgence. À Montpellier, il a fermé ses antennes et intervient désormais à partir d’un dispositif mobile. Cette crise a fait surgir une partie de la population qui ne venait pas à la rencontre de l’association auparavant. L’ampleur de ses effets sur les populations pauvres de la ville va augmenter avec le temps. Il importe de prévenir les besoins dès à présent en se rapprochant du terrain.


 

Après la contamination d’un membre de ses équipes par le Covid-19 dans un de ses lieux d’accueil à Montpellier, le Secours populaire 34 a très vite compris qu’il fallait repenser son organisation. Il a fermé ses antennes trop exposées aux contacts. « Elles ne permettaient pas d’assurer les mesures de sécurité. Deux semaines de préparation ont été nécessaires pour nous organiser et nous mettre en place, explique Vincent Laurente, le bénévole expérimenté qui supervise l’opération de distribution dans la cité Paul Valéry à Montpellier. Dès le début de la crise, nous avons considéré qu’il ne fallait pas que la solidarité marque le pas, tout en respectant le dispositif de sécurité, que ce soit pour les gens qui arrivent ou pour les bénévoles ».

La Fédération de l’Hérault du Secours populaire s’inscrit dans une démarche d’éducation populaire pour favoriser le vivre ensemble et le développement personnel. « On se forme les uns les autres à partir des compétences en présence », précise Vincent Laurente. L’association ne se définit pas comme une organisation caritative mais une association de pratique. C’est une structure généraliste qui gère le développement des individus à travers l’éducation, la culture, le sport, les vacances, etc. mais le contexte de crise sanitaire a contraint l’association a recentrer son activité : « Nous nous concentrons sur la gestion de l’urgence, et l’urgence c’est l’alimentaire ».

Sur place, l’opération se déroule dans le calme. Le stress très perceptible au sein des populations urbaines semble maîtrisé. Chacun a sa mission : signalétique, contrôle, enregistrement, distribution, quart de pause. « Nous avons du savoir-faire en matière de gestion de crise, certains d’entre-nous ont l’expérience de terrain comme Haïti, la Louisiane ou les inondations dans l’Aude ».

 

Des territoires de pauvreté divers et nombreux

Le dispositif mobile compte trois solidaribus chargés de denrées alimentaires emballées dans des cartons. « Pour limiter les manipulations au maximum, les préparations ont lieu dans un entrepôt, explique Vincent. Ici, on applique les gestes barrières. » Le contenu des colis est constitué de denrées non périssables : huile, purée, pâtes, riz, farine, shampoing, etc. « Chaque colis est prévu pour assurer les besoins minimums d’une personne pendant quinze jours. » Il y a deux types de colis : les colis enfants avec des céréales et quelques sucreries et les colis adultes. Un carton est distribué par personne.

Serge Caudullo, médecin au Secours populaire. Photo Dr altermidi

Des barrières métalliques fournies par la ville balisent le parcours des familles pour la distribution. Elles assurent un périmètre de sécurité avec les bénévoles qui ne portent pas de masque. Un médecin présent sur place observe le déroulement des opérations, prêt à conseiller les familles ou à intervenir si nécessaire. Il rappelle parfois l’équipe à l’ordre quand les bénévoles relâchent leur attention sur les règles de distance. « Ici, il n’y a pas de distanciation sociale, expose Serge Caudullo qui compte parmi les trois médecins de l’association sur le département, nous travaillons dans l’empathie et la solidarité mais il y a une distanciation physique nécessaire qu’il faut respecter ».

« Outre le matériel nécessaire aux opérations ponctuelles, nous avons dû avoir recours à une campagne de recrutement qui est toujours ouverte, précise l’élu confédéral de l’association, Vincent Laurente. Une bonne part de nos équipes régulières se composent de personnes à la retraite. Il y a beaucoup de septuagénaires à qui nous avons fortement conseillé de respecter le confinement à domicile ».

Sur la petite dizaine de bénévoles qui œuvrent sur le point de distribution, on croise beaucoup de jeunes. « C’est la première fois que je fais ça, confie l’un d’eux. Il y a un bon état d’esprit entre nous. J’ai répondu à l’appel du Secours populaire parce que je pense que c’est important de s’impliquer collectivement face à ce qui arrive. On m’a mis au chômage partiel, alors j’ai du temps. J’ai souvent pensé m’impliquer de la sorte, mais quand je travaille, mes week-ends sont bien remplis ».

 

L’aide alimentaire est une porte d’entrée

Ce jour là, le dispositif est installé rue Robespierre mais à Montpellier l’association dispose de plusieurs équipes et assure des distributions dans la mosaïque des quartiers pauvres de la ville : Cité St Martin, La Paillade, Paul Valéry, Petit bard, Figuerolles, Pompignane, etc. « Les publics concernés sont à la fois nombreux et divers, indique Vincent Laurente, cela concerne les gens en difficulté financière répartis aux quatre coins de la ville mais aussi les personnes qui vivent dans les squats et les bidonvilles (1), les camps de Rom, les demandeurs d’asile et les étudiants. La précarité gagne chez les jeunes notamment parmi les étudiants, beaucoup ne mangent pas à leur faim et ne se soignent pas (2). En partenariat avec une association étudiante nous avons mis en place un rendez-vous hebdomadaire qui propose une écoute médicale et une assistance sociale qui leur est spécifiquement destinée ».

La plupart des familles qui viennent chercher de quoi se nourrir ont déjà été identifiées et fidélisées à travers les activités que propose le Secours populaire. Aucune précipitation mais un flux régulier (3) favorisé par les rendez-vous fixés par l’association pour limiter les risques que présentent les files d’attente. « À la réouverture nous avons constaté un afflux dû à notre indisponibilité temporelle mais aussi à l’arrivée de nouvelles personnes. Cette crise fait apparaître une partie de la population qui ne venait pas à notre rencontre auparavant, souligne Vincent Laurente, l‘alimentaire est une porte d’entrée. En premier lieu on reçoit les gens et on répond au besoin, puis on accueille de manière plus formelle, on parle famille, santé, école, alphabétisation, on établit un budget, on voit ce qu’on peut faire en terme d’accompagnement ».

 

Difficultés en perspective si la crise se prolonge

Difficile de savoir comment va se poursuivre la gestion de la crise dans la durée. Au-delà de la priorité alimentaire, d’autres besoins vont émerger avec le temps. « Nous pouvons avoir à faire face à des problèmes qui touchent à la santé. Si elle se prolonge, l’isolation sanitaire sera difficile à vivre dans les appartements souvent petits et insalubres, prédit le bénévole. La gestion des enfants peut aussi plonger les parents dans l’inquiétude. La plateforme éducative et le suivi pédagogique lancé par le ministère, c’est bien, mais cela pose des difficultés pour les gens qui ne disposent pas des conditions spatiales et matérielles. Nous avons lancé une collecte de palettes numériques pour favoriser le suivi ».

À l’heure où en haut lieu s’élaborent les stratégies politique et économique, l’acteur de terrain mesure, lui, les conséquences directes de la crise sur les femmes et les hommes de la rue. Cette expertise est-elle audible aux oreilles des décideurs ?

« Nous sommes en bons termes avec les collectivités, nous travaillons bien avec le Conseil départemental. Avec la Métropole aussi, d’autant que nous sommes en période électorale. Le Secours populaire ne fait pas de politique, il aiguille les politiques en produisant des rapports. Les mesures prises au niveau national sont souvent en décalage avec les besoins du terrain. Nous n’avons pas besoin d’une plateforme à l’échelle nationale, nous devons trouver 10 millions pour répondre aux besoins. Ici nous n’utilisons pas le terme de « bénéficiaire », comme on entend souvent à la télé, les personnes qui viennent à notre rencontre ne profitent d’aucun bénéfice ».

Jean-Marie Dinh

 


Notes:

1) À Montpellier, la population vivant dans les bidonvilles est estimées à 800 personnes.

2) En France, un étudiant sur cinq vit en-dessous du seuil de pauvreté. Suite à l’immolation d’un étudiant à Lyon en novembre dernier, plus de 250 étudiants se sont rassemblés à Montpellier pour dénoncer la précarité des étudiants.

3) Ce jour là, 80 familles ont été accueillies, 160 colis adultes et 120 colis enfants ont été distribués. Au total, le Secours populaire a préparé 10.000 cartons dont 1600 ont été distribués.

4) Le Secours populaire a lancé un appel aux dons.

La solidarité est indispensable pour faire face à la situation et ne pas oublier les personnes les plus précaires durant cette crise sanitaire. adressez vos dons à Spf34 : 3 rue des catalpas 34 075 Montpellier cedex https://www.secourspopulaire.fr/34/ précisez Hérault pour que votre don soit utilisé localement.
Pour suivre et soutenir les actions de la Fédération de l’Hérault du Secours populaire : https://www.facebook.com/pg/SPF34


 
Voir aussi : Rubrique Montpellier, Les quartiers et le cloisonnement : La Paillade, Figuerolles,
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.