Emmanuel Macron a pris l’initiative d’échanger avec les « forces morales et religieuses » à propos de la crise du covid-19. Une manière de souligner le rôle des cultes en plein cœur de la crise. Des représentants catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans ou encore francs-maçons ont notamment évoqué la possibilité de créer un numéro vert pour répondre aux questions spirituelles des Français.


 

« C’est le Président lui-même qui a voulu cette réunion » confie Mgr Éric de Moulins-Beaufort à Famille Chrétienne, qui a été prévenu la veille de cette initiative de dernière minute. Alors que le Parlement venait à peine de voter l’état d’urgence sanitaire, Emmanuel Macron a voulu symboliquement convoquer autour de lui les « forces religieuses et morales » par audioconférence. Il a écouté les représentants des cultes, des francs-maçons et d’associations laïques « sur la manière dont les Français peuvent faire face et résister à cette crise qui ne fait que commencer ».

 

« Je crois que la volonté du Président était clairement de remercier l’investissement des cultes face au Covid-19, explique Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France. Il était reconnaissant de la manière dont ils avaient sur réagir face à la menace. De notre côté, nous avons su embrayer très vite sur les consignes sanitaires. » Le but était aussi de « prendre le pouls de la nation » selon l’archevêque de Reims qui précise encore : « Emmanuel Macron voulait savoir quel était notre état d’esprit. Il voulait nous entendre à propos de la détresse des Français confrontés à la mort et au deuil. Il sait que les familles sont privées d’obsèques et que cela est très dur. On ne peut plus se réconforter, se serrer dans les bras… Nous avons insisté sur le fait qu’il faudrait organiser des cérémonies dignes après coup. »

 

Un rôle de consolation

Pour Mgr de Moulins Beaufort : « L’Église catholique a un rôle de consolation en ces moments de crise. Nous devons entendre les cris de détresse qui montent de partout. » Il ajoute : « ce que l’Église peut apporter aux Français, c’est les aider à traverser ce drame de la manière la plus paisible possible… Cette crise nous redit que nous sommes responsables les uns des autres. Le confinement est souvent dur à vivre et les catholiques doivent montrer le chemin de la paix du cœur. »

Un message partagé par François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France : « Pour Emmanuel Macron, les confessions religieuses sont porteuses de cohésion sociale. Face à cette crise sanitaire mondiale, il est décidé à faire appel à toutes les ressources, y compris les ressources spirituelles. »

 

« Emmanuel Macron a un fond spiritualiste un peu flou »

Outre François Clavairoly et le président de la Conférence des évêques étaient aussi présents le grand rabbin de France Haïm Korsia, le président du Conseil français du culte musulman Mohammed Moussaoui, et le métropolite orthodoxe Emmanuel Adamakis. Sans oublier le secrétaire général de la Fédération nationale de la Libre-Pensée Christian Eyschen, ou le Grand Maître du Grand Orient de France Jean-Philippe Hubsch.

De l’extérieur, cette réunion quelque peu hétéroclite n’a pas convaincu tout le monde, à commencer par l’essayiste orthodoxe Jean-François Colosimo auteur de « La Religion française » (Cerf). « Emmanuel Macron a un fond spiritualiste un peu flou. Cette particularité va chez lui de pair avec une pensée libérale et communautariste. En faisant cette opération, le Président a voulu sans doute palier la faiblesse de son parti en suscitant un front sociologique avec les religieux et les humanistes. L’erreur, c’est que ce front est naturellement et historiquement divisé de l’intérieur. Ce front est selon moi une illusion. On attend de la République des mesures appropriées contre l’épidémie et non des discours. »

 

Un numéro vert pour les questions spirituelles ?

Cela dit, les participants ont évoqué la possibilité de créer un numéro vert pour répondre aux questions spirituelles des Français. « Ce n’est pas évident à monter dans le cadre d’une République laïque, précise François Clavairoly. Mais cette idée a été bien reçue. »  Mgr de Moulins Beaufort note cependant : « L’idée de ce numéro vert est difficile à mettre en œuvre. Ce n’est pas l’État qui le fera à notre place. Et il faudra trouver le moyen d’orienter les appels en fonction des convictions de chacun… » Pour le président de la conférence des évêques de France l’essentiel est d’assumer ce rôle d’une Église « à l’écoute » des Français. « Les paroisses et les diocèses le font déjà mais ceux qui ignorent les circuits habituels sont un peu perdus. Ils ne peuvent se déplacer à l’église ou au presbytère pour discuter. Nous devons leur faire signe. »

De toute manière, cette pandémie oblige à une conversion pour tout le monde. Y compris pour les catholiques, conclut Mgr de Moulins Beaufort : « Cette pandémie nous remet devant la nécessité de changer nos modes de vie. La crise climatique nous y oblige déjà pour notre bien et celui de l’humanité. »

Samuel Pruvot