G7 et alternatifs
Plus de 10 000 agents mobilisés

Ce n’est sans doute pas un hasard si le club des pays super riches du G7 a choisi Biarritz pour y tenir son prochain sommet du 24 au 26 août 2019. Avec ses 25 000 habitants, dont plus de la moitié sont séniors, la cosy station balnéaire depuis Napoléon, nichée entre côte landaise et pointe du Grave, a tout pour faire reluire ses luxueux artifices.


Aéroport apprêté, grandes enseignes, Casino de jeux, hôtels à plus de 4 étoiles et belles voitures font partie des signes ostensibles de richesses de ce bourg bordé d’océan atlantique, qui a de tout temps voté plutôt à droite, tournant même le dos au parti indépendantiste basque malgré la province du Labour qui le caractérise.


A quelques jours de l’ouverture du sommet international, c’est une armada sécuritaire inédite qui est déployée pour accueillir les sept dirigeants des pays qui pèsent sur l’orientation de la planète – Donald Trump (États-Unis), Justin Trudeau (Canada), Angela Merkel (Allemagne), Shinzo Abe (Japon), Boris Johnson (Royaume-Uni), Giuseppe Conte (Italie), Emmanuel Macron (hôte français)- ainsi que 24 délégations étrangères composées du G7 et des pays invités, des représentants du FMI, de l’ONU, de l’OCDE, etc. Avec au menu, des thèmes « La lutte contre les inégalités » ou encore « Le climat et la lutte contre le terrorisme », adaptables à souhait et stratégiquement choisis comme pour mieux maquiller les premiers objectifs des décideurs qui ont tous pour dénominateur commun, la finance.

Un dispositif sécuritaire digne de Niihau

Panneau Biarritz
La ville, scrutée depuis plusieurs semaines déjà, va être encore plus sous tension la semaine prochaine.

On ne saura jamais exactement le coût engendré, mais en plus des CRS et Gardes mobiles, 3 000 policiers de toute la France sont réquisitionnés, renforcés par un gros contingent de la ville de Pau et de 4 000 agents de la Ertzaintza (police autonome basque), etc.

Au total, plus de 10 000 personnels de maintien de l’ordre seront sur place (police, armée et forces de sécurité des délégations étrangères), bunkers, bâtiments de guerre au large et batteries antimissiles prévues au sol.

Alors que l’évènement, très contesté, entraîne de sérieuses polémiques, la ville déjà assiégée, entend redoubler de surveillance dès le 17 août à quelques encablures de Urrugne, Hendaye et Irun où se tient parallèlement un contre sommet au Ficoba, du 21 au 23 août.

Aujourd’hui, le maire de Biarritz (Modem) qui tutoie E.Macron, se gargarise déjà des retombées économiques rappelant que « Biarritz sera certainement l’endroit le plus protégé de la planète pendant 4 jours » dans un dispositif en place hautement sécuritaire, qui relève plutôt de celui de l’île de Niihau à Hawaii.

G7
Les voitures officielles du G7 sont déjà là, garées sur un parking en front de mer à Anglet

Difficile de rentrer chez soi entre zone rouge et zone bleue

Et pour cause. Le schéma en vigueur dévoilé par la préfecture, sépare de la ville en deux parties. Le long des 20km de côte, une zone renforcée (rouge) n’est ouverte qu’aux biarrot.e.s. résident.e.s, forcés de circuler à pied, qui ont fait la demande préalable d’un badge spécifique (Z1). Un peu plus dans les terres, une seconde zone à protection (bleue) soumet également chaque habitant, à un contrôle de badge (Z2), pièce d’identité à l’appui.

Dans la zone rouge sanctuarisée autour de la mairie, du centre de congrès et des grands hôtels, la réglementation est encore plus stricte avec interdictions de circulation des voitures, et d’accès à la grande plage. A cela, il faut ajouter des sous zones A, B, C, D, bien plus surveillées. Un véritable cauchemar pour les habitants du centre ville qui ont jusqu’au 14 août pour faire leur demande de « laisser-passer », délivrés au compte-goutte depuis le 1er août seulement.

La zone bleue quant à elle ne sera ouverte qu’aux véhicules préalablement équipés d’un macaron, pour une circulation et un stationnement qui restent sévèrement réglementés.

Annexion de tous les espaces publics

Idem, tous les parkings souterrains seront vidés et inaccessibles alors que la période estivale engendre le plus haut chiffre d’affaires pour nombre de commerçants et restaurateurs, très très en colère.

Une entreprise de service à la personne aurait même été contrainte de mettre 36 de ses employés en congés forcés parce que ceux-ci n’auraient jamais pu passer la zone de contrôle. Résultat, des personnes âgées livrées à elles-mêmes durant plus de 4 jours et un élan citoyen qui a permis de créer un lien d’entraide (https://www.facebook.com/groups/entraide.g7.biarritz/) pour tenter de pallier la situation.

Avec cette véritable colonisation des lieux, le G7 suscite tant l’indignation et l’exaspération des habitant.e.s qu’une page facebook « SOS G7 Biarritz » a été créée et ne tarit de doléances et de critiques depuis plusieurs semaines.

Parmi les aberrations logistiques imposées, le Centre Communal d’Action Sociale d’Anglet et celui de Biarritz se voient contraints de limiter leurs interventions en raison des difficultés de circulation entraînées par le dispositif de sécurité. « Seules les personnes les plus dépendantes seront assistées, et encore, seulement pour l’aide au lever, aux repas et au coucher, à l’exception de toute autre prestation. Les autres attendront la fin du sommet », commente un des habitants via facebook.

De même, le phare de Biarritz est fermé au public jusqu’au mercredi 28 août inclus, 45 conteneurs à déchets ménagers et recyclables seront retirés du 19 août au 2 septembre dans la zone rouge sans autre solution pour les habitants, les marchés de Quintaou à Anglet (dimanche 25 août) et du centre-ville (samedi 24 août) sont annulés, même la gare de Bayonne pourtant à plus de 10kms, sera fermée au public du 23 au 26 août.

Une longue liste de restrictions à laquelle il faut ajouter le réseau de transports en commun Chronoplus, perturbé du 22 au 26 août avec des lignes supprimées, déviées, des arrêts non desservis et aucune circulation d’aucune sorte en zone rouge (https://www.chronoplus.eu/ete-2019/deviations-g7.html), des bars et cafés priés de ranger leur terrasses ou encore des infirmières contraintes de parcourir à pied 5 ou 6 km (45 mn) avec un sac de 10 kilos sur le dos pour pouvoir soigner leurs patients, lorsqu’elles ne sont pas tout bonnement, interdites d’accès.

Un centre de rétention transformé en cour judiciaire

Dans la foulée, un dispositif judiciaire est soumis par Christophe Castaner dans l’objectif de régler d’éventuels débordements. Motif ? « Les effectifs du Tribunal de Bayonne ne seraient pas suffisants »… Plus d’une trentaine de fonctionnaires sont donc temporairement en poste à Bayonne dont une dizaine de procureurs, greffiers et juges ainsi qu’une centaine de policiers. Et, pour créer cette éphémère cour de justice, le centre de rétention administrative d’Hendaye fermé pour sa mission initiale, est transformé durant tout le mois d’août pour accueillir en garde à vue, de potentiels trouble-fêtes !

En face, un Forum social rassembleur à Urrugne, Irun et Hendaye

A quelques battements d’ailes, à Urrugne, Irun et Hendaye, citoyens alternatifs, associatifs engagés, opposants ou curieux s’apprêtent, quant à eux, à ouvrir ce qui inquiète tant le G7, soit un grand forum social destiné à permettre la construction d’autres perspectives, plus humaines, environnementales et sociales face aux décisions ultralibérales annihilantes des « grands » dirigeants de ce monde.

Dévoilant un programme haut en couleurs, l’association Attac rappelle : « Ces 7 chefs d’État défendent un même système au service des plus riches et des multinationales, nourrissant les crises écologique et sociale. Face à ce système, l’organisation de ce contre-G7 est essentielle pour porter haut et fort nos résistances et nos alternatives ».

Sans armada policière mais avec réflexion visionnaire dans l’objectif d’une agora populaire participative, le collectif porté par Attac rassemble déjà plus de 90 associations basques, françaises et espagnoles, impliquées dans la construction d’un présent et d’un avenir, salutaires pour tou.te.s (Action Aid France, Adéquations, Amis de la Terre, Artisans du Monde, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Droits des Femmes, Confédération Paysanne, CRID, Emmaus International, Fondation Copernic, Fondation France Libertés, FSU, Ingénieurs sans frontières, Ipam, Marche Mondiale des Femmes, Mouvement de la Paix, Ligue des droits de l’Homme, Oxfam, Sherpa, Solidaires, Ritimo, Réseau Foi et Justice Afrique – Europe, etc.).

« Le but est de créer un événement pacifique, familial et calme », déclare Aurélie Trouvé, porte-parole d’ATTAC pour qui « il n’y a pas de G7 sans contre G7 ». Et de préciser : « Ce que nous craignons le plus, ce sont les répressions policières et le fait que des groupes plus violents se mêlent au mouvement, et ce n’est pas ce que nous souhaitons ».

Débats, échanges, villages alternatifs et manifestation pacifiste sont prévus pour tenter de lutter et d’éradiquer la pensée unique qui cause tant de dégâts. A Urrugne, les terrains d’un ancien centre de loisirs ont été aménagés, un peu plus loin à Irun et Hendaye, c’est une terre de résistance ouverte à tou.te.s à travers un village des alternatives qui accueillera les citoyens.

« Ensemble, éteignons les sept brasiers du capitalisme »

Avec un programme qui se précise au fil des jours, le collectif en appelle à la participation de tous les volontaires. Le montage du camp à Urrugne et du Village des alternatives à Irun-Hendaye auront lieu lundi 19 et mardi 20 août. Le village des alternatives avec conférences, débats et ateliers (centre-ville de Hendaye et Centre de congrès du Ficoba à Irun), ouvrira ses portes du mercredi 21 au vendredi 23 août. Une manifestation constructive est prévue samedi 24 août à 11h à Irun-Hendaye. Dimanche 25 août à 12h la constitution d’une zone arc-en ciel par des rassemblements pacifiques sur 7 places autour de la zone d’exclusion du G7, clôturera ce contre-sommet très attendu.

Forums, débats et coordinations sont déjà prévus autour de 7 thèmes principaux durant les 3 jours (21, 22, 23 Aout 2019). A ceux-ci, s’ajoutent de nombreux ateliers organisés par les mouvements basques. Au menu :

  • Pour un autre monde, sortons du capitalisme et de la dictature des multinationales (Stop à l’impunité des multinationales, Dette publique, Justice fiscale et gilets jaunes, Lutte contre la privatisation des Aéroports de Paris, pour les services publics et les biens communs, Campagne Stop TAFTA/CETA)
  • Contre la destruction de notre planète, protégeons la terre, défendons le vivant (Justice environnementale et marche climat, Souveraineté alimentaire, Désinvestir des énergies fossiles pour ouvrir l’horizon d’un avenir soutenable)
  • Pour un monde radicalement féministe, à bas le patriarcat (8 mars, Grève des femmes)
  • Respectons la diversité et la liberté des peuples, pour un monde décolonial et sans discriminations (Processus de paix au pays Basque)
  • Pour une démocratie sociale et les mêmes droits pour toutes et tous, à bas l’autoritarisme (Conférence sur la répression, Atelier/débats sur la spéculation foncière, Tribunal du Service Public, Gratuité des transports publics)
  • Pour un monde juste et basé sur la solidarité entre les peuples, à bas les guerres et l’impérialisme (Crise dans la mondialisation/Nouvel autoritarisme/Militarisation)
  • Personne n’est illégal sur cette planète, abolition des frontières pour les êtres humains (Liberté de circulation et d’installation, Quelles stratégies face aux politiques migratoires pour les mouvements sociaux au niveau européen ?)

Enfin pour mieux gérer les besoins et pour l’organisation des repas à prix libre, du bar, des sanitaires, des animations le soir et du campement (camping possible), le collectif invite vivement chaque participant.e à s’inscrire en amont : 

H.B.


Pour se rendre au contre G7 :

Le camp du contre-sommet se situera à côté du centre Pierre et Vacances, Le Domaine de Bordaberry, Route De La Corniche, Lieu Dit Bordaberry, 64122 Urrugne.


Renseignements :

 site de la Plateforme AlterG7programme du contre-sommet, site de la Plateforme G7EZ (Au Pays basque Sud et Nord), page d’accueil avec l’ensemble des informations logistiques, Lévénement Facebook du Contre-Sommet


H.B
Journaliste de terrain, formée en linguiste, j'ai également étudié l'analyse du travail et l'économie sociale et solidaire. J'ai collaboré à différentes rédactions, recherches universitaires et travaillé dans divers domaines dont l'enseignement FLE. Ces multiples chemins ailleurs et ici, me donnent le goût de l'observation et me font aimer le monde, le langage des fleurs et ces mots d'André Chedid : «Cet apprentissage, cette humanité à laquelle on croit toujours».