Attentat à Nice, et un homme tué le même jour à Avignon alors qu’il attaque la police. Un lien ? Celui d’idées haineuses, excluantes et d’esprits déséquilibrés excités par ces dernières.


 

Ainsi, on est arrivé à la terreur, l’attaque contre une église qui a fait trois morts à Nice dans des conditions particulièrement atroces — attaque au couteau — serait le fait d’un djihadiste tunisien d’une vingtaine d’années arrivé en France par l’Italie il y a quelques mois.

Le tueur ayant essentiellement prononcé  la phrase « Allahou akbar », il ne fait aucun doute pour les enquêteurs qu’il s’agit d’un nouvel attentat islamiste qui rajoute à l’horreur du professeur décapité. Il n’en faut pas plus aux médias, en éveil jeudi 29 octobre au matin-et alors que le premier ministre doit préciser les mesures du confinement 2.0- pour assimiler un autre fait, se déroulant à peu près en même temps à Avignon, à une nouvelle  attaque  islamiste.

 

Avignon:  un déséquilibré identitaire

 

Mais que s’est-il passé à Avignon ? Plus que l’information brute, c’est le cheminement de celle-ci, durant toute la matinée, à propos de cette deuxième attaque qui est intéressant mais voyons d’abord les faits tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Un homme, errant dans le quartier de Montfavet, près de l’INRA et non loin de l’hôpital psychiatrique, vêtu d’une veste bleue siglée « Defend Europe », a divagué dans les rues une arme de poing à la main. Il a agressé un commerçant maghrébin, puis la police qui avait été appelée. L’homme, refusant d’obtempérer aux sommations et se relevant après des tirs de LBD a finalement été abattu par les policiers. On a appris depuis qu’il s’agissait d’un militant identitaire souffrant de troubles psychiatriques.

 

De « Allahou akbar » aux « propos incohérents »

 

L’information circule en matinée du jeudi 29 octobre, alors que l’on venait d’apprendre qu’à Nice un homme avait assassiné de manière atroce trois personnes dans la basilique de Notre-Dame de l’Assomption et que vraisemblablement ses mobiles étaient « religieux », que l’assassin s’était revendiqué du djihadisme.

Europe 1 commence à diffuser l’information,  un homme a attaqué des policiers après avoir menacé des passants avec un couteau, en criant « Allahou akbar » ; il a été abattu par la police. Très vite, des réactions émergent, dont celle d’Olivier Faure, le secrétaire national du PS, qui verra dans les deux événements, celui de Nice et celui d’Avignon, « des attaques coordonnées » et appellera à un sursaut national contre le djihadisme.

Mais rapidement les premières informations sont démenties, par Midi Libre en premier lieu qui a pris la peine de vérifier auprès de la police et annonce que le forcené a prononcé des mots incohérents et en aucun cas de revendication djihadiste. On apprend d’ailleurs qu’il aurait d’abord agressé un commerçant maghrébin, qu’il n’avait pas de couteau mais une arme de poing et qu’il se serait jeté sur les policiers, refusant de jeter son arme malgré les sommations.

France Bleu précisera que les pandores ont fait usage de leur LBD avant d’utiliser leurs armes de service, La Provence et Le Dauphiné reprendront avant tout la thèse du djihadiste avant de rectifier, et c’est finalement Mediapart qui, en fin de journée, délivrera les informations de l’enquête.

 

Du PCF aux Identitaires

 

Promptement, la fachosphère qui tentait de surfer sur un deuxième attentat djihadiste a obliqué sur le fait que l’homme était vraisemblablement un déséquilibré — comme si les tueurs qui décapitent des personnes au couteau n’étaient pas quelque part déséquilibrés — et s’est surtout réjouie que l’homme ait été un ancien militant communiste, information révélée par Marianne et confirmée par la section locale du PCF.

Fabien Badaroux, dont c’est l’identité, a donc été membre du PCF de 2006 à 2015 avant de faire état de ses désaccords sur les positions du parti en matière d’immigration. Il était à la fois connu pour être quelqu’un de posé et souffrant en même temps de troubles psychiatriques. En 2018, il avait fait savoir à ses anciens camarades qu’il s’était rapproché de la mouvance identitaire.

Les membres de ce mouvement ont-ils nourri le jeune homme de 33 ans avec leurs idées d’exclusion et de haine ? Les identitaires, évidemment interpellés sur cette affaire, tentent depuis de faire contre-feu en prétendant que la veste dont le jeune homme était affublé était disponible à l’achat public sur leur site, ou que n’importe qui aurait pu se la fournir sur Le Bon Coin…

Encore faut-il le vouloir. Car Génération Identitaire est bien une organisation marquée à l’extrême droite, dont les cadres sont candidats ou ont des fonctions au sein du RN, pour certains, et qui entretient des liens avec des organisations anti-immigrés en Europe. Parmi leurs faits d’armes, l’occupation du chantier d’une mosquée à Poitiers en 2012 alors qu’ils se réclamaient de Charles Martel, l’opération d’occupation du siège de l’ONG SOS Méditerranée qui porte secours aux migrants en mer, en 2018, ou encore la tentative de « fermeture » de la frontière franco-italienne.

Affidés de l’idéologie du « grand remplacement »1 théorisée par Renaud Camus — la population « européenne de souche » serait en passe d’être remplacée par les immigrés, notamment musulmans — leur obsession de l’islam et de « l’islamisation de la France » tourne aux idées haineuses.

 

Les héritiers de « nationalistes révolutionnaires »

 

Mais d’où vient cette organisation qui a pris la suite de « Les identitaires » ou de « Jeunesses identitaires en 2012 ? Ces deux organisations ont été créées notamment par un militant connu à Nice, Philippe Vardon. Ce dernier était, avec Christian Bouchet avant 2002, le dirigeant d’un groupe « nationaliste révolutionnaire » appelé Unité radicale, alliance du Groupe union défense (GUD), de Jeune Résistance et de l’Union des cercles de résistance.

Ce groupe est sorti d’un relatif anonymat lorsque le 14 juillet 2002, un de ses membres,  Maxime Brunerie, tente de tirer sur Jacques Chirac alors président de la République. Arrêté, l’auteur des faits purgera une peine de 7 ans de prison. Loin d’être reconnu comme déséquilibré, ce dernier affirmera plus tard avoir « pété les plombs ». Si Génération identitaire d’aujourd’hui tranche un peu avec ses prédécesseurs, la proximité idéologique reste.

Thèse du « grand remplacement », discours violemment anti-immigration, et anti-Islam, l’invite sur leur site propose aux impétrants de s’engager pour sauver la civilisation européenne. Ici, point de lutte des classes, si les élites sont complices du « grand remplacement », le capitalisme est évoqué à la marge. L’engagement social s’en tient à défendre « les nôtres avant les autres » et séduit une frange importante d’une jeunesse dépolitisée en rupture avec la classe politique qui souffre de conditions de vies qui se dégradent.

Plus simples, voire plus simplistes, les solutions proposées (refus de l’immigration, guerre ouverte à l’Islam, « remigration » des populations halogènes), sont en tout cas plus faciles à comprendre que les contradictions façon capitaliste, ou réflexions sur le devenir d’une société basée sur le vivre-ensemble.

Cette dernière idée fait horreur, tant aux fanatiques se réclamant de l’Islam, qu’aux nationalistes pétochards.

Christophe Coffinier

Notes:

  1. La théorie est d’essence raciste, puisqu’elle se fonde sur la question de la couleur de peau et de l’ethnie comme critère d’appartenance. Peu importe qu’une personne soit née en France de parents français depuis plusieurs générations, si elle n’est pas « caucasienne », elle est donc un élément du « remplacement ».
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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.