Autour des mille visages de l’art contemporain vont s’ouvrir ce vendredi 8 Novembre les portes de Sud de France-Arena. Un évènement de taille au cours duquel galeristes et exposants vont démontrer la diversité et la qualité des formes défendues, le très haut niveau de leur professionnalisme.


 

Didier Vesse, directeur artistique, toujours animé de solides convictions, en développe les contours et la philosophie :

Didier Vesse - Arts Montpellier 2019
Didier Vesse – Arts Montpellier 2019
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Dans une société plutôt en crise, comment l’art peut-il se frayer une place ?

« L’art, la création sont des pulsions essentielles, fondamentales, facteurs d’épanouissement qui imprègnent, font trace dans un monde devenu en effet plutôt matérialiste et individualiste où l’imaginaire, le symbolique sont en perte de vitesse lorsqu’ils ne sont pas dans certains pays battus en brèche. La vitalité des arts plastiques, son foisonnement créatif dans un bouillonnement d’humanité, signe ce besoin interne, cet appel inextinguible vers les formes et les couleurs.

 

L’art comme thérapie, valeur refuge ?

L’art fait indéniablement lien. Les galeristes sont en quelque sorte des passeurs, bâtisseurs de ponts vers la passion et le mystère mais aussi vers la rencontre de l’autre, d’un autre, le partage de la connaissance et plus joyeusement de la fête. Par ailleurs, une sculpture, un tableau insufflent de l’énergie, éclairent le sentiment, développent l’esprit critique. On ne souligne pas assez le rôle fédérateur de la culture. C’est en parcourant musées, galeries et foires que celui qui n’est ni collectionneur ni exégète forme son regard. On dit que « l’être humain est une métaphore » Hé bien, l’art possède cette capacité d’en dire plus sur les sujets, les humains, animaux ou végétaux ainsi que sur la matière.

 

Le public est-il prêt à passer à l’acte pour un achat qui financièrement n’est pas anodin ?

L’achat d’un tableau ou d’une sculpture, geste qui marque une profonde complicité avec un créateur ne doit pas être anodin, même s’il peut être, doit être même, coup de cœur. L’art reste sûrement une valeur refuge sur le plan économique et les français qui par rapport aux gens du Nord, grands acquéreurs, étaient plutôt frileux dans le domaine, sont de plus en plus intéressés. Mais je tiens à préciser que sur le plan humain et on le réalisera sans doute, ce qui est plus enrichissant, c’est d’avoir sous les yeux, à demeure, l’œuvre, l’âme d’un créateur qui insiste sur le désir de relation, de tentative de compréhension d’une autre forme de créativité, de pensée. Cela devrait rendre plus heureux que d’avoir un petit portefeuille de valeurs qui peut fondre au rythme des hoquets de la bourse. Une œuvre tient, possédant sa propre solidité.

Ces deux dernières années, comment avez-vous ressenti l’ambiance, les réactions du public ?

L’ambiance était chaleureuse, curieuse, à l’écoute. Les gens, amateurs, collectionneurs ou pas, sont de plus en plus tenaces et fidèles. Ils ont de plus en plus l’œil et les sens aguerris. Ils se connaissent mieux en découvrant leurs goûts, leurs préférences. Ils participent à la manifestation pour rencontrer, échanger, expliquer. Un premier achat est souvent vécu comme un geste audacieux, ambivalent. Mais chacun sait au fond que tout travail, toute œuvre inspirée a un prix justifié. Que cet achat peut devenir non seulement un patrimoine « sonnant et trébuchant » qui n’a pas besoin d’être conservé dans la noirceur d’un coffre, mais qui continue de vivre et qu’il faut faire vivre au grand jour. Un patrimoine des plus sensibles, donc, dont on peut jouir en permanence et qui régale parentèle, amis et invités.

 

Pour Montpellier, une manifestation qui valorise et envoie son rayonnement dans toute la région, le terme de foire n’ouvre-t-il pas toutefois quelques polémiques ?

C’est évident. Le chemin est tracé depuis deux ans et Montpellier est déjà positionné comme un grand rendez-vous de l’art contemporain dont on souligne la qualité d’imagination, de création, de mise en perspective. En Languedoc, le commerce de l’art s’est développé dès le moyen Age, ainsi que les échanges entre le Nord et le Sud. Cela continue avec cette vitrine aujourd’hui. On savait déjà la richesse et la diversité artistique en région Languedoc Roussillon sur le plan de l’art contemporain. On comprend donc l’intérêt des amateurs d’art pour ces jours de rencontres avec les artistes et les galeristes.

Art Montpellier fait donc partie du paysage culturel et artistique. Dans la région et au-delà, la ville possède une large caisse de résonance sur le plan intellectuel et artistique. Chaque ville détient sa signature identitaire. Perpignan pour la photo, Lodève ses expos, Montpellier pour ce qui touche à la danse et la musique. Aujourd’hui le sillon se fait plus profond encore avec Art Montpellier, foire de l’art vivant. Une foire qui a rencontré son « sitio ». Quant aux polémiques, peut-être mais les collectionneurs sont nécessaires aux artistes car sans eux y aurait-il des artistes ? Sans marché de l’art (galeristes, éditeurs, marchands d’art) il n’y aurait pas de collectionneurs. Sans marché ni mécènes, l’art tendrait à devenir art officiel sinon art de propagande. Cela s’est hélas tristement affiché dans de nombreux totalitarismes.

Et pour l’avenir ?

Après une belle lancée, force est d’atteindre la vitesse de croisière. Art Montpellier pourrait devenir dans les prochaines années aussi importante et suivie que les plus grandes foires de France et d’Europe. La majorité des présents aujourd’hui sont inscrits dans le métier et ses réseaux, dans une reconnaissance plus affirmée de la teneur et de la hauteur de leurs compétences. Quant aux plus jeunes, il faut les mettre en situation de foire pour leur permettre de gagner empiriquement des années précieuses. On n’a pas besoin de Paris pour créer un marché de l’art. Il y a dans cette ville et dans la région une vraie dynamique. Mais, il faut aller à son rythme, parier sur un art qui gagne du terrain parce que j’y reviens, contrairement à d’autres champs sinistrés, dévastés, il ne quitte pas l’humain des yeux, de l’intelligence et du cœur. Il faut ajouter d’autres pierres à l’édifice et cette année, la sculpture va donner une forme supplémentaire. Cet évènement est comme un iceberg, Il montre sa face émergée mais ne révèle pas les réussites d’artistes qui ont, grâce à Art Montpellier, pu faire reconnaître ici et ailleurs leur talent.

En conclusion ?

Il faudrait donner une dimension plus forte en direction de la Méditerranée mais nous n’avons pas fini de rêver, de donner de nouvelles cartes blanches L’ambition n’est pas la prétention donc les limites ne sont pas de mise. Tout peut faire « signe » ..

Propos recueillis par Mariejoe Latorre


PRATIQUE :

DU 8 au 11 novembre à Sud de France Arena Montpellier, Renseignements Billeterie .WWW.ART-MONTPELLIER.COM


 

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Journaliste, ancienne responsable Culture du titre La Marseillaise (Nîmes). Marie-joe Latorre a joint le peloton fondateur du média altermidi. Voyageuse globe-trotteuse, passionnée par les arts, les gens, les lettres et le cinéma. Passés ses carnets de voyage et ses coups de coeur esthétiques, cette curieuse insatiable est également spécialiste du cinéma d' Ingmar Bergman. Marie-joe a également contribué à de nombreuses monographies d'artistes (Colomina.2017, Ed Le Livre d'Art - Edlef Romeny.1997, Edisud.)