Voyager, rassembler, révéler, partager, offrir, surprendre, mission accomplie pour le festival Fiest’A Sète 2019 qui vient de se clôturer dans un climat surchauffé par les Sud-africains de BCUC feat accompagnés par le nigérian Femi Kuti.

La recette fait la différence, à Fiest’A Sète on ne réfléchit pas la programmation en terme de mode mais d’ouverture. Lors de chaque soirée, émerge une proposition entre les styles, les générations, et les cultures. Voilà comment en queue de comète de son édition 2019, Fiest’A Sète nous amène BCUC feat, un ovni qui a enflammé les 1 800 spectateurs du Théâtre de la Mer.

Le feu des musiques noires

C’est le dernier concert du festival, lorsque le combo prend position sur scène en position frontale, on comprend dès les premières secondes qu’on ne va pas faire dans la tarte à la crème. C’est simple comme un pain dans la gueule, ça fait tout de suite boum. « Nous sommes là pour vous donner tout ce que nous avons. » énonce comme une évidence Jovi Zithulele le tellurique chanteur du groupe. Une énergie de vie qui part des lointaines voix ancestrales, s’attarde sur le Blue, se colore de Soul, vire au rock en se calant plutôt sur le Punk, bifurque sur le Rap, et boucle la boucle en rejoignant le rythme accéléré et continu de la Techno.

Ceux qui restent assis ne tiennent plus dans la posture immobile, tandis que les nouveaux venus, ceux qui du haut de leur système capillaire ignorent les inconditionnels déplumés, perdent dans la fosse un bon tiers de leur réserve en eau. Il faut croire que par-delà le strict aspect musical, quelque chose nous touche, si ce n’est pas précisément un peu de nous même qui se connecte indépendamment de toute ingérence numérique. Le théâtre en flamme forme un seul corps d’énergie brûlante.

 

Fiest’A Sete 2019 Photo JMDH

 

Sur fond d’émeutes en noir et blanc

Que nous dit la prose vindicative Jovi Zithulele ? Rien de neuf à Soweto. La réalité sociale des townships n’a pas plus changé que celle des quartiers en France. On le sait, L ‘Afrique du Sud post-apartheid détient la palme du crime avec des taux de viols et d’homicides cauchemardesques, rien de comparable avec la France, même si la période de liesse politique crétinisante que connait l’hexagone, rapidement noyée sous le grondement des villes et des campagnes croupissantes dans la misère, fait durablement monter l’indice de la violence. A commencer par celle de la police dont les coups bas systématisés ont acquis une notoriété internationale. Pas si anodin donc, ce clin d’oeil que nous ont fait à Sète les Sud-africains de BCUC feat en reprenant l’hymne « Assassin de la police« , immortalisé en 1995 par Mathieu Kassovitz dans La Haine.

Organique

En matière d’analyse musicale on se bornera à ce simple constat : habituellement dans les groupes de rock ou de jazz, la section rythmique désigne deux ou trois instruments plus spécialement chargés du rythme et de l’accompagnement des morceaux, chez BCUC feat, ce sont les sept musiciens qui la composent. Ce qui fait toute la force physique et psychique qui se dégage du groupe et nous envahit. Une intensité rythmique dont personne ne peut se dissocier, même quand le très inspiré Femi Kuti envoie ses nappes de sax pleines de nerfs et que la voix de la chanteuse Kgomotso porte ses touches mélodiques groovie. Pour le groupe sud africain, le beat reste un idiome de survie, à jamais intact dans sa pureté originelle.

Ce beat ne porte pas de drapeau, Femi qui s’invite dans le groupe avec une belle humilité, l’a bien compris. Il s’agit de faire passer une force instantanée délivrée aux peuples durant les périodes de doutes. BCUC feat et Femi, nous ressourcent, ne les manquez pas dans leur randonnée européenne. On en ressort heureux vidangé de toute inquiétude.

JMDH

Avatar photo
Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.