Le quatuor Enesco inaugure le festival de musique de Villevielle dans la joie

En choisissant de porter son nom, le quatuor à cordes Enesco fondé officiellement en 1979, tenait à rendre hommage à l’illustre compositeur Roumain (1881-1955) qui permit un véritable trait d’union musical entre occident et orient.

Le 2 août 2019, il inaugurait le 50 ème festival de Villevieille Salines, événement qu’il avait déjà marqué par sa mémorable présence près d’un demi-siècle plus tôt.

Avec un programme en quatre temps de Wolfgang Amadeus Mozart à Georges Enesco en passant par Ludwig van Beethoven et Leos Jancek, Constantin Bogdanas (1er violon), les quatre musiciens Florin Szigeti (second violon), Vladimir Mendelssohn (Alto) et Dorel Fodoreanu (Violoncelle), plusieurs fois récompensés (Grand Prix du disque de l’académie française, Diapason d’or, Choc de la musique, etc.), invitaient ce soir-là à un voyage à travers les oeuvres, leurs compositeurs mais aussi les siècles et courants.

Une scène qui a vibré à Villevieille, tantôt animée de légèreté, plus loin baignant dans le lyrisme. Introduite par l’allegro du divertimento K136 en ré majeur, composée en 1772 par le virtuose et précoce Mozart à une époque « post baroque » en quête de nouveaux genres musicaux, et après le second mouvement Andante plus lent et introspectif, c’est porté par la mélodie phare du premier violon de Constantin Bogdanas, que la magie a opéré. A l’heure où le soleil se couche en silence, le rythme s’est très vite accéléré, libérant un presto des plus enjoués et laissant longtemps à l’oreille le souvenir d’une fugue rassembleuse.

Enchaînant aussitôt avec le dernier de la série écrite par Beethoven, (quatuor à cordes 16 en Fa majeur), le quatuor Enesco réussit définitivement à fixer la nocturne envolée joyeuse.

Avec cette oeuvre beethovienne quasi testamentaire dont l’Allegretto renoue avec l’allegro de sonate, les quatre musiciens d’Enesco ont d’abord plongé le public dans une sorte de déroute des motifs, du plus clair au plus sombre, avant que l’Alto puis les deux violons n’entrent en résonance sur fond de Pizzicatos du violoncelle (Dorel Fodoreanu). Une énergie amplifiée lors du second mouvement Vivace au caractère de Scherzo, des plus modernes et vigoureux aux notes piquées qui ont gagné très vite en clarté avant l’apaisement, puis le très émouvant lento Assai, cantante tranquillo durant lequel même les chauves souris médusées n’ont plus osé voler au-dessus de la cour d’honneur du château de Villevieille. Avant que le dernier mouvement (intitulé « Der schwergefasste Entschluss » La résolution difficilement prise) clôture dans l’apothéose cette œuvre que Beethoven n’aura pas pu écouter avant sa mort. D’un grave introductif, l’Allegro a semé rapidement une joie profonde dans un dialogue pluriel et universel, interprété en cadence et souplesse par les musiciens du quatuor Enesco qui partageaient en même temps une expérience jouissive avec l’instrument.

Après un court entracte et la visite d’une salle attenante à la cour d’honneur, place était faite à une version ponctuée de passages des « Lettres intimes » du quatuor à cordes n°2 de Janacek op.96. Ecrite en moins de 20 jours, l’oeuvre qui exige rigueur et concentration a prédominé à Villevieille par le jeu habile de l’Alto Valdimir Mendelssohn et celui du violoncelliste Dorel Fodereanu tandis que les deux violons venaient fougueusement s’associer aux quatre mouvements. Mélancolie, tristesse, douleur, éclair, tout était là pour traduire ce qui a probablement animé le compositeur, laissant le public dans un climat de passion qu’éclaire un final Allegro plein d’espoir.

Puis, c’est en rythme avec « Fantaisie sur la Rhapsodie roumaine n°1 » de Georges Enesco que le quatuor Enesco a choisi de conclure ce concert très applaudi. Bien plus qu’une œuvre inspirée du folklore roumain, c’est une ballade poétique, dansante, à la beauté mélodique naturellement suspendue que le quatuor Enesco, plus présent que jamais, a su incarner avec legato.

Un voyage inaugural qui s’est achevé après de nombreux applaudissements par une prolongation autour de variations dont une inédite, toutes aussi éclectiques et délectables sur le thème « Joyeux anniversaire ». Joli clin d’oeil à l’évènement cinquantenaire face à un public enchanté qui en redemandait encore.

H.B.

 

Ce festival dont la qualité de la programmation n’échappe pas aux passionnés, se poursuit jusqu’au 25 août.

On pourra notamment y entendre mardi 6 août, cinq solistes de l’Opéra-Orchestre national de Montpellier qui interpréteront Franz Schubert, Antonin Dvorak ou encore Astor Piazzolla. Le quatuor Parisii qui avec les Enesco a fait les belles soirées des Nuits Musicales du Palais à La Grande Motte revient le 9 août.  Au programme : Le quatuor en ut majeur, opus 54 n°2 de Joseph Haydn , le 14 ème quatuor en ut dièse mineur, opus 131 de Beethoven, et le quatuor en fa majeur de  Ravel.  Le pianiste Abdel Rahman El Bacha seront de retour dans la cour du château le mardi 13 août, aux côtés de la violoniste Marina Chiche, deux fois nominée au Victoire de la musique. Mercredi 14 août la chapelle Saint-Julien à Salinelles vibrera aux rythmes de Tchanelas et des chants traditionnels gitans.

Voir tout le programme. Location 06 80 58 39 22

H.B
Journaliste de terrain, formée en linguiste, j'ai également étudié l'analyse du travail et l'économie sociale et solidaire. J'ai collaboré à différentes rédactions, recherches universitaires et travaillé dans divers domaines dont l'enseignement FLE. Ces multiples chemins ailleurs et ici, me donnent le goût de l'observation et me font aimer le monde, le langage des fleurs et ces mots d'André Chedid : «Cet apprentissage, cette humanité à laquelle on croit toujours».