Le Quatuor Enesco ouvre, vendredi 2 août, le Festival de Villevieille. Cette formation est un des marqueurs du festival qui fête cette année son 50e anniversaire. À cette occasion son directeur artistique, Daniel Ferrier, se remémore l’histoire que le Quatuor partage avec le festival.

Le Quatuor Enesco, ça fait longtemps longtemps qu’on se connaît. Leur premier concert c’était à La Grande Motte lors des Nuits Musicales du Palais, le 6 août 1990. Ils ont joué le K.575 de Mozart, l’opus 59 n°3 de Beethoven et le quintette pour piano de Schumann avec Nicole Afriat. C’est elle qui m’avait proposé ce projet de concert. Je me souviens aussi qu’en vacances en famille à La Grande-Motte je leur prêtais une salle pour travailler pendant leurs vacances. Une amitié est née et depuis ils sont venus jouer régulièrement, jusqu’en 1995. C’était le 17 août et je savais que c’était l’avant-dernier concert des Nuits Musicales du Palais à La Grande-Motte. C’est Abdel Rahman El Bacha qui a joué le dernier concert, l’opus 111 de Beethoven, la sonate n°32, la dernière. Un point final extraordinaire à une belle aventure. Mais là aussi une amitié était née avec El Bacha qui allait par la suite illuminer les soirées de Villevieille.

Ainsi le Quatuor est revenu en 1996, mais c’était désormais à Villevieille pour aider généreusement le festival a redémarrer. Les Enesco ont aussi joué ce soir-là le K.575 de Mozart, comme pour sceller un nouveau départ pour une autre aventure. Il y avait aussi au programme « La jeune-fille et la mort » de Schubert et le 6ème de Bartok.

Voilà ce que j’écrivais alors pour annoncer leur venue :

Le Quatuor Athenaeum Enesco ouvrira le Festival, le vendredi 2 Août 1996, avec une oeuvre de Mozart, un des 3 quatuors dit prussiens de 1789. Qui d’autre que Mozart pourrait mieux assurer ce rôle en un tel lieu ? Cette oeuvre présentée comme insaisissable et secrète avec un sourire de sphinx est bien adaptée à la circonstance.

Avec le quatuor numéro 13, opus 130, Beethoven atteint un sommet avec une oeuvre clé du répertoire de chambre. La célèbre cavatine, le final devenu par la suite la Grande Fugue, une oeuvre à part entière, ont créé la légende. Oeuvre à découvrir ou à retrouver, telle un monument incontournable, elle se présente en la circonstance un peu comme une oeuvre de refondation, comme pour puiser une force nouvelle venue d’une racine profonde.

Le quatuor numéro 14, D.810, de Schubert, « La Jeune Fille et La Mort » est un des chefs d’oeuvre de la musique romantique, et de la musique tout court. Sa célébrité est due à l’intense sensibilité exprimée qui touche d’emblée l’auditeur, même non averti, sans jamais tomber dans la sensiblerie. Là est le miracle d’une musique venue des profondeurs de l’âme, qui parle avant tout au coeur, et que les Enesco interprètent magistralement en se souvenant des conseils de Sandor Vegh, dont ils ont assuré le dernier concert du quatuor portant son nom.

Ces français qui ont vécu leur jeunesse en Roumanie, ont en eux comme un sens inné de la musique, qu’ils ont développé à la perfection, en prenant de l’école française les qualités d’interprétation faites de mesure et d’équilibre, et surtout en obtenant une justesse de ton rare.

De nombreux enregistrements jalonnent leur carrière, salués par des récompenses et une critique élogieuse. Souvent sollicités par des compositeurs contemporains, ils créent de nombreux quatuors, comme celui de Philippe Hersant. Régulièrement invités à l’étranger, ils ont le privilège de jouer à Madrid, sous haute protection, sur un ensemble de 4 Stradivarius destinés au quatuor et jalousement conservés au palais royal, ce qui leur vaut le privilège de travailler dans les somptueux appartements privés du palais, et en concert à l’Auditorium National devant un public de 2000 personnes. Le rêve pour un Quatuor!

Ce soir-là, il a plu au début du concert. Il a fallu aller vite s’abriter au temple. J’ai eu droit à un drôle de baptême pour mon arrivée à Villevieille. Mais ils sont revenus en 1997 et ont joué dans la cour du château par une belle et douce nuit le merveilleux quintette de Brahms avec le clarinettiste Michel Lethiec. La soirée entièrement consacrée à Brahms avait été longue. Elle avait commencé par le quatuor n°3 opus 67 et s’était poursuivie ensuite par le quintette pour piano avec Claire Désert. À la fin du quintette clarinette je voyais en me retournant quelques spectateurs s’endormir sur leur chaise.

Recueilli par Mariejoe Latorre

 

Vendredi 2 Août 2019 Villevieille 21h 15 – Cour d’Honneur du château Quatuor Enesco « Au cœur du Quatuor » Mozart « 1er divertimento » pour quatuor à cordes – Beethoven quatuor n°16 – Janacek « Lettres Intimes » – Enesco “ Fantaisie sur la Rhapsodie Roumaine”.

La 50e édition du Festival de Villevieille se tient du 2 au 25 août.

Avatar photo
Journaliste, ancienne responsable Culture du titre La Marseillaise (Nîmes). Marie-joe Latorre a joint le peloton fondateur du média altermidi. Voyageuse globe-trotteuse, passionnée par les arts, les gens, les lettres et le cinéma. Passés ses carnets de voyage et ses coups de coeur esthétiques, cette curieuse insatiable est également spécialiste du cinéma d' Ingmar Bergman. Marie-joe a également contribué à de nombreuses monographies d'artistes (Colomina.2017, Ed Le Livre d'Art - Edlef Romeny.1997, Edisud.)