Lundi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) avait déposé un recours en urgence devant le Conseil d’Etat lui demandant d’enjoindre au premier ministre de supprimer la page désinfox coronavirus. C’est chose faite !


 

C’est un tweet de Sibeth Ndiaye qui avait mis le feu aux poudres. « La crise du #COVID19 favorise la propagation de #fakenews, a écrit, jeudi 30 avril, la porte-parole du gouvernement. Plus que jamais, il est nécessaire de se fier à des sources d’informations sûres et vérifiées. C’est pourquoi le site du @gouvernementFR propose désormais un espace dédié. »

Cette initiative a été fortement critiquée au sein des rédactions à l’instar du site Arrêt sur images cosignataire du texte, l’Etat n’est pas l’arbitre de l’information.  « Quoi de mieux pour lancer une page gouvernementale renvoyant à des articles de fact-checking de cinq médias français que de mentir ouvertement, tout en proposant une sélection aux critères opaques et changeant constamment ? C’est le choix du gouvernement, avec cette page dont les syndicats de journalistes, les patrons de rédaction et les sociétés de journalistes demandent la suppression. »

Le gouvernement a finalement décidé de supprimer de son site internet le service « désinfox coronavirus », qui recensait des articles de « fact-checking » de certains médias à propos du Covid-19, a annoncé mardi 5 mai le ministre de la culture, Franck Riester.

Cette initiative (émanant du service d’information du gouvernement, SIG) « ne représentait évidemment pas un objectif de tri d’articles ou d’informations, pour autant je peux comprendre les inquiétudes qui ont été suscitées par ce service dans les rédactions », a déclaré le ministre, ajoutant que l’exécutif avait dès lors « pris la décision de retirer cette page du site du gouvernement ».

Lundi, le Syndicat national des journalistes (SNJ) avait déposé un recours en urgence devant le Conseil d’Etat. Le SNJ y demandait au juge d’enjoindre au premier ministre de supprimer cette page « afin de faire cesser immédiatement l’atteinte grave et manifestement illégale portée aux principes de pluralisme dans l’expression des opinions et de neutralité des autorités publiques ».

Avec AFP

Une trentaine de sociétés des journalistes et sociétés des rédacteurs ont dénoncé en chœur l’opération en publiant un texte commun dimanche.


L’Etat n’est pas l’arbitre de l’information

Les sociétés des journalistes (SDJ) et sociétés des rédacteurs (SDR) signataires du présent texte dénoncent avec la plus grande fermeté l’initiative gouvernementale consistant à reproduire, sur un site officiel de la République, un florilège d’articles estampillés fiables, consacrés au Covid-19.

La presse française est indépendante de l’Etat et du pouvoir politique. Elle doit même exercer, dans sa pluralité et sous l’œil critique de ses lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, son rôle de contre-pouvoir. Les journalistes sont, comme le souligne la Cour européenne des droits de l’homme, les « “chiens de garde” de la démocratie ».

En distinguant tel ou tel article sur son site, le gouvernement donne l’impression, dans un mélange des genres délétère, de labelliser la production de certains médias. Selon cette même logique, les autres ne seraient pas dignes d’un imprimatur que l’Etat n’a pourtant aucune légitimité à délivrer dans un pays où la liberté de la presse est une liberté fondamentale.

Ce faisant, le pouvoir actuel démontre, une fois encore, la défiance qu’il nourrit à l’endroit d’une presse libre et plurielle. Les SDJ et SDR signataires du présent texte demandent donc que cette rubrique du site www.gouvernement.fr soit supprimée sans délai.