Dans une lettre ouverte à Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg, cent membres du personnel de l’Université de Strasbourg fustigent l’assimilation de leur université à une «entreprise» et la «lente déformation de notre idéal que signale la diffusion d’un langage managérial» qui accompagne la destruction méthodique de leur service public.

 

Monsieur le Président,

En une seule phrase, envoyée tel un camouflet à l’ensemble des personnels et étudiants de l’Université de Strasbourg, vous avez trahi notre idéal humaniste et les valeurs du Service public. Lors d’une conférence de presse sur «l’orientation stratégique» que vous voulez imprimer à notre établissement pour la décennie à venir, vous avez dit ceci, rapporté par les DNA du 13 février : 

« Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. » 

Non, Monsieur le président, notre université n’est pas une « entreprise », ses étudiants ne sont pas des « clients », et leur nombre important ne nous empêche en rien d’être heureux. Nous ne sommes pas une entreprise : nous sommes l’Université. Faut-il vous rappeler le sens de ce mot ? Il dit l’universalité des savoirs que nous devons faire fructifier et transmettre au profit de toutes et tous. Il dit une communauté de recherche et d’enseignement unie par la construction et la transmission de la connaissance, au service de la société. Il dit encore : égalité dans l’accès au savoir, collégialité et liberté académique, recherche collective de la vérité, imagination scientifique.

Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas des « opérateurs » et vous n’êtes pas notre patron. Depuis de trop longues années, nous devons subir la lente déformation de notre idéal que signale la diffusion d’un langage managérial devenu aussi incompréhensible et ridicule que le globish. Vous vous en êtes fait le héraut, alors que, premier parmi vos pairs, vous devriez défendre l’honneur, la joie de faire vivre et de transmettre l’idéal de l’humanisme rhénan dont vous vous targuez pour mieux le bafouer.

Nous ne voulons plus entendre ce langage qui accompagne la destruction méthodique de notre service public. Nous voulons continuer à être l’université, caractérisée par la production et la transmission des connaissances à tous et toutes, une université ouverte sur le monde et accessible à tous ceux en recherche de connaissances. Nous ne voulons plus de managers et technocrates de la recherche et de l’enseignement supérieur qui, au lieu de soutenir le développement de notre activité, l’entravent en réduisant le nombre de personnels permanents et en rendant aléatoires les financements.

Nous ne sommes pas une entreprise, nous sommes l’université.

Et vous, Monsieur le Président, êtes-vous aussi l’Université ? 

 

Cette lettre a été publiée sur le blog des invités de Médiapart

Voir aussi : Rubrique Université,

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