dimanche 12 mai 2024
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Vivre sa jeunesse : I. VIE SOCIALE ET PROFESSIONNELLE

Dans cette série d'entretiens :

XVI. PERFORMANCE ET CONFORMISME : BOBO

Un master II en poche, deux amies de 24...

XV. RELATIONNER EN SÉCURITÉ

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XIV. LIBERTÉ ET LIMITES

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XIII. MONDE DE LA NUIT ET RÉSEAUX

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XII. FAIRE LA FÊTE

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XI. AMOUR ET AMITIÉ

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IX. GENRE X. SITE DE RENCONTRE

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VIII. RÉSEAUX SOCIAUX

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VII. INTERGÉNÉRATION

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III. CRISE ÉCOLOGIQUE ET ENGAGEMENT

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 II. POLITIQUE

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I. VIE SOCIALE ET PROFESSIONNELLE

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Un master II en poche, deux amies de 24 ans se retrouvent “volontaires” en service civique. . Il transparaît au travers de leurs échanges une conscience et une maturité criante, et pourtant inhabituelle aux oreilles de leurs aînés — bien souvent sourdes… Au fil de la conversation chez l’une d’entre elles, altermidi interroge leur vécu en prenant le parti de laisser libre cours à leur dialogue.

Sur le sujet « vivre sa jeunesse », la conversation se décline en plusieurs thèmes au travers desquels ces jeunes femmes en prise avec des désirs individuels et des aspirations collectives, parfois indépendamment, souvent de concert, se racontent …


Recherche de sens et réalité du monde professionnel

 

Pouvez-vous citer quelque chose qui vous rend heureuses, joyeuses ?

O : Dans ma vie j’ai eu la chance de pouvoir continuer mes projets. Au niveau du contenu culturel auquel on a accès, il y a quand même une grande diversité, vraiment beaucoup de possibilités. C’était cool d’avoir beaucoup déménagé, de découvrir de nouveaux lieux, de recommencer ou tester de nouvelles choses à chaque fois, et puis si ça marche pas c’est pas grave. Et j’ai quand même une ligne directrice à poursuivre dans mes projets et du coup ça me rend super heureuse.

S : Ce sont les relations que j’ai avec les gens autour de moi, je trouve ça hyper riche et satisfaisant. On fait tellement de choses chacun dans la vie ; quand on échange on apprend plein de choses. Je ne suis pas trop à la poursuite de faire mille et une activités pour remplir ma vie, mais j’aime bien prendre du temps pour moi, faire des choses avec des gens. Quand des trucs me passionnent… là je me rends compte que j’ai de l’énergie à donner. En fait, tu ne comptes pas le temps, parce que ça a vraiment de l’intérêt.

 

Comment percevez-vous la jeunesse de l’autre ?

O : Je pense qu’il y a certains points où on est confrontée aux mêmes problématiques, notamment professionnellement puisqu’on a pris des chemins d’études parallèles, qui ont des points communs. Et puis aussi parce qu’on est intéressées par des problématiques similaires. Je dirais que la jeunesse de l’autre je la perçois de façon plutôt cool mais avec quand même une forme d’instabilité professionnelle et des problématiques non résolues. C’est normal peut-être, je sais pas.

S : On a chacune fini nos études entre il y a un an et quelques mois, et du coup il y avait forcément le truc : qu’est-ce que tu fais après ? Au final on se retrouve dans la même situation du « après » avec quand même d’avoir un bac + 5. On est toutes les deux en service civique dans un cadre qui n’est pas simple et avec un salaire qui n’est pas non plus super cool. Alors qu’il y a eu une formation longue mais difficile à valoriser.

O : Puis je pense qu’il y a aussi un peu une difficulté à trouver des solutions entre un désir d’avoir un travail qui corresponde à des centres d’intérêt, à des idéaux, à des choses un peu enthousiasmantes, quoi, et où on arrive à trouver du sens, et la réalité du monde professionnel.

S : On est chacune en service civique dans un secteur culturel bourré de gens qui ont des idéaux.

O : Oui mais du coup on est sous-payées.

S : Ah oui ! C’est le revers de la médaille. Ou alors tu es obligée d’abandonner ce que tu aimes bien — et c’est dommage parce qu’il y a un potentiel qui ne peut pas être exploité ce qui crée de la frustration — pour d’autres choses tout aussi importantes et normales en fait…

O : Si une activité professionnelle semblant vraiment dénuée de sens va me permettre de gagner de l’argent, tout de suite ça a un sens très concret qui a son intérêt aussi, enfin même plutôt qui répond à une nécessité. Après, les activités semi-professionnelles ou professionnelles rapportant peu d’argent ou de perspectives, là je vais plus souvent y trouver un sens qui me donne envie de continuer, et c’est plus sur ces activités-là que je m’imagine construire mon avenir. Mais c’est un peu des inconnus aussi, je ne sais pas ce qui va se passer. Ce qui me révolte c’est même pas forcément que l’aspect financier, mais c’est aussi au niveau de la valeur qui est accordé à mon temps de travail en fait, ça m’énerve parfois qu’on considère que mon travail mérite ce salaire-là… qui est quand même remarquablement peu élevé.

Dans la pratique artistique y a plein de moments où j’ai envie d’arrêter complètement, notamment à cause de l’entre-soi. Il y a la question de à quoi ça sert, qui ça atteint, à qui ça parle, pour qui on fait ça, pourquoi on fait ça, qu’est-ce que ça nous apporte aussi à nous si on a du mal à partager les travaux qu’on fait, qu’on n’arrive pas à avoir des financements pour continuer. Mon envie de quitter le monde de l’art et de chercher dans d’autres directions, ça vient aussi du fait que j’ai envie d’avoir une stabilité dans ma vie… après je le ferai sûrement quand même quoi, mais j’ai assez peu envie d’être tout le temps dans une instabilité, une inquiétude, des problèmes de sacrifice à chercher des petits jobs pour continuer mes projets à côté, que ça dure des années.

Nos interactions sociales, les personnes vers lesquelles on choisi d’aller, des milieux dans lesquels on choisit de travailler, tout ça impacte juste les personnes avec qui on communique, on construit nos vies, nos quotidiens.

S : Ce qui m’intéresse réellement dans mon service civique c’est justement les projets que je trouve vraiment intéressants, qui ont du sens. Le problème c’est juste dans la mise en place : ne pas être formée, ni accompagnée sur les missions qu’on me donne, a pour effet que j’apprends toute seule. Certaines de mes actions ne vont pas être vraiment regardées, et ensuite, en fonction de nécessités, on va me demander de recommencer différemment, alors que si dès le début on m’avait informée et on avait pris plus de temps pour m’apprendre le travail final, on aurait pas eu besoin de passer derrière moi, j’aurais fait quelque chose de directement plus efficace, d’intégral, alors que là je perds du temps, en fait. Et eux aussi perdent du temps d’ailleurs. Puis le fait de ne pas me faire aboutir les choses et de me faire toucher à tout, finalement ça les dessert aussi, dans le sens où lorsque tu apporte une matière brute : que tu lances une idée, que tu commences à écrire, à poster quelque chose, pour qu’ensuite on reprenne ton travail, qu’on le remodèle, qu’on l’utilise et qu’entre temps tu n’as pas eu de retour ni la version finale, c’est dommage. Je ne progresse pas autant que je le souhaite. Cette volonté de contrôle est finalement contreproductive.

Recueilli par Sophie Duvauchelle

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