De retour sur scène après presque deux ans d’interruption, la grande chanteuse de jazz coréenne… et francophone a conservé intact le pouvoir de séduction de sa voix. Avec un nouveau quartet et les morceaux de son dernier album, Waking World (Le monde éveillé).


 

Youn Sun Nah, c’est un éternel sourire, une humilité visible jusque dans l’art de mettre à l’honneur ses musiciens et la beauté d’une voix. Presque fluette, timide lorsqu’elle s’adresse au public et pourtant si envoutante dès qu’elle chante. L’accueil que lui a réservé à Martigues un Théâtre des Salins comble (600 places) démontre que son retour sur scène était attendu, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Waking World, avec ses onze titres composés par l’artiste. Une grande première.

Les éternels puristes ont beau se demander si c’est vraiment du jazz, on serait tenté de dire qu’on n’en a que faire. Et que l’essentiel n’est décidément pas dans les frontières musicales et les querelles de chapelles. Quand Youn Sun Nah reprend le monument de Léo Ferré, Avec le temps, lors du rappel, elle ne fait pas du Ferré (un art pour le moins hasardeux) mais elle habite la chanson là où tant d’autres reprennent les grands pour mieux les ratatiner… sans intention de nuire, ce qui leur confère quelques circonstances atténuantes.

Un style inimitable

L’artiste sud-coréenne a beau changer de formations (l’envol de l’accordéoniste Vincent Peirani, c’est aussi elle), son style demeure, inimitable, entre cris, onomatopées, envolées et murmures. Le covid planétaire et le confinement n’ont pas eu raison de sa voix (sa voie ?) après deux ans en Corée où elle avoue avoir vécu une « dépression totale », entre doutes et interrogations sur la nécessité de « changer de vie ». « Je me posais des milliers de questions, notamment à quoi sert la musique ? Et puis j’ai réalisé assez vite que la musique, justement, soignait aussi et qu’il était temps que je m’y remette », a-t-elle confié à un mensuel spécialisé1. Personne ne s’en plaindra.

Entourée d’un bassiste américain qui vit à Venise, Brad Christopher Jones, d’un guitariste belge, François Delporte, et de Tony Paeleman au piano et synthétiseur, Youn Sun Nah fait naître toutes sortes de climats émotionnels, intimes (My Mother au parfum autobiographique) ou enjoués, proches du rock. Le public du Théâtre des Salins lui a réservé une “standing  ovation”. Il ne devrait pas être le seul au fil de cette nouvelle tournée2.

J-F.A

(Photo N.G)

Notes:

  1. Jazz Magazine, n° 745, février 2022.
  2. Youn Sun Nah sera en concert le 10 février à Ibos (Hautes-Pyrénées, 65).
JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"