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Le vote du parlement irakien dimanche 5 janvier 2020 en faveur du départ des soldats américains en Irak est une conséquence de l’élimination par les Etats-Unis du général Qassem Souleymani. C’est aussi le pire désastre politico-militaire américain au Moyen Orient depuis la chute du chah d’Iran en 1979.


Le parlement irakien a voté dimanche 5 janvier 2020 en faveur du départ des soldats américains d’Irak ; conséquence de l’élimination par les Etats-Unis par un tir de drone du général Qassem Souleymani, commandant de la brigade Jérusalem des gardiens de la révolution iranienne, et de son lieutenant irakien, al-Mouhandis, chef d’«Al Hached Al Chaabi», la milice chiite irakienne vainqueur de Daech.

Ce vote fait suite à plusieurs jours des manifestations en Irak et en Iran invitant le gouvernement de Bagdad à voter le départ des 5200 militaires officiellement déployés par Washington depuis 6 ans en Irak pour lutter contre l’État islamique.

Les Américains avaient pris pied en Irak à la suite de leur invasion de l’Irak, en 2003, au cours de laquelle avait été renversé Saddam Hussein. Un contingent de 150.000 hommes dans 105 bases militaires avait été déployé, porté à 170.000 lors des violences communautaires de 2006. Les États-Unis avaient fini par se retirer du pays en décembre 2011, sur ordre de Barack Obama, après 9 années d’occupation. Sur les 40.000 soldats encore présents à cette époque, seuls était restée une grosse centaine d’hommes, chargés d’entraîner les forces armées irakiennes et à protéger l’ambassade de Bagdad.

Avec le lancement de la coalition internationale contre l’État islamique en 2014, les États-Unis ont été contraints de réinvestir militairement l’Irak. Le nombre de soldats envoyés sur place est progressivement monté pour atteindre 3500 en juin 2015, puis 5000 en 2016. Ces forces ont été officiellement dépêchées pour jouer le rôle de «conseillers militaires».

Si le vote du parlement irakien venait à se concrétiser, il mettrait fin à une présence militaire américaine de 17 ans, matérialisée par des dépenses de l’ordre de 6 trillions de dollars (six mille milliards de dollars), 5.000 morts et 33.000 blessés.

Un échec d’autant plus cuisant que le demantèlement des bases américaines entrainerait la fermeture de la base américaine d’Al Tanaf, à la frontière syro irakienne, et libérerait ainsi la voie au transit transfrontalier entre l’Iran, l’Irak et la Syrie, affectant considérablement l’efficacité du blocus américain contre la Syrie et l’Iran.

Intervenant deux ans après la mise en échec du projet de constitution d’un état Kurde indépendant dans la zone frontalière irako-iranienne, en octobre 2017, en vue de servir de plateforme aux menées israéliennes et américaines contre l’Iran, le vote du parlement irakien constitue le pire désastre militaire américain depuis la déroute du Vietnam en avril 1975, il y a 44 ans. Pis, la première déroute politico militaire américaine de grande ampleur au Moyen Orient depuis la chute du Le Chah d’Iran en 1979.

Faisant écho au vote du parlement irakien, le chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah, a estimé dimanche 5 janvier que l’assassinat du général Qassem Souleiymani, constituait un «tournant» dans la confrontation du Moyen Orient.

«Aucun général américain ne vaut le général Soleymani. Toutes les bases et installations américaines au Moyen Orient, de même tout soldat constituent désormais une cible non seulement pour les Iraniens mais également pour toutes les forces opérant dans l’axe de la contestation à l’hégémonie israélo-américaine au Moyen Orient», a ajouté le chef de la milice chiite libanaise, généralement considéré comme l’alter ego du général iranien et son principal partenaire militaire.

Au vu de ces sombres perspectives, l’élimination du principal artisan de l’accession de l’Iran au rang de puissance régionale majeure pourrait n’être qu’une victoire à la Pyrrhus, face à un pays millénaire, inventeur du jeu d’échec et de sa martingale imparable «échec et mat», qui signifie littéralement «As cheikh mat». Le roi est mort. Autrement dit en termes accessibles à l’opinion occidentale, le début de la fin de l’hégémonie américaine dans la zone.

René Naba

 


Voir aussi : Rubrique Proche Orient, Qassem Soleimani, le général Giap du Moyen-orient,


 

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René Naba est un écrivain et journaliste, spécialiste du monde arabe. De 1969 à 1979, il est correspondant tournant au bureau régional de l’Agence France-Presse (AFP) à Beyrouth, où il a notamment couvert la guerre civile jordano-palestinienne, le « septembre noir » de 1970, la nationalisation des installations pétrolières d’Irak et de Libye (1972), une dizaine de coups d’État et de détournements d’avion, ainsi que la guerre du Liban (1975-1990), la 3e guerre israélo-arabe d'octobre 1973, les premières négociations de paix égypto-israéliennes de Mena House Le Caire (1979). De 1979 à 1989, il est responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l'AFP], puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, chargé de l'information, de 1989 à 1995. Membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), de l'Association d'amitié euro-arabe, il est aussi consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) depuis 2014. Depuis le 1er septembre 2014, il est chargé de la coordination éditoriale du site Madaniya info. Un site partenaire d' Altermidi.