Juste avant l’attaque du Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023, une mission d’information devait se rendre à Gaza, depuis la France, pour informer de l’action de la société civile gazaouie, sur le terrain. Des relais essentiels en étaient Abu Amir Mutasem Eleïwa. Personnalité indépendante, très respecté dans la bande Gaza, il est l’animateur des Projets paysans. Il est aussi l’interlocuteur privilégié de l’Union Juive Française pour la Paix, qui soutient ce programme.

Ces Projets paysans (château d’eau, coopérative de production, autoproduction de semences, solidarité quotidienne – dont l’ouverture d’une crèche) visent à consolider l’autonomie du territoire et contrecarrer le désir de le fuir. Autre interlocuteur de choix : Marsel Alledawi, responsable du Centre Ibn Sina pour l’enfance, vouée au suivi éducatif et psychologique. C’est l’une des rares structures strictement laïques du territoire.

La mission d’information n’ayant pu pénétrer à Gaza, c’est ensuite par conversations téléphoniques, messageries Messenger et WhatsApp que ces acteurs gazaouis ont entretenu un lien quotidien avec leurs interlocuteurs français. Dont le Marseillais Pierre Stamboul, vice-président de l’Union juive française pour la paix (UJFP), Sarah Katz (International Solidarity Movement), et Brigitte Challande, militante montpelliéraine de la solidarité avec les Palestiniens.

Ci-dessous, ils rendent publique la matière de ces récits reçus quotiennement depuis Gaza. Cela dans l’espoir de valoriser les ressources de solidarité, les capacités d’adaptation dans les pires situations, dont est capable de faire montre la société civile gazaouie ; tout ne se résumant pas au seul Hamas.

Pour une meilleure compréhension de ce suivi, il faut savoir qu’Abu Amir Mutasem Eleïwa (coordinateur des Projets paysans) s’était déplacé au Caire, à la rencontre de la mission française. ll s’y est alors trouvé bloqué jusqu’à son retour dans la Bande de Gaza à la faveur de la seule trêve humanitaire survenue à ce jour. Enfin, par souci de fluidité, les deux interlocuteurs gazaouis cités ci-dessous le sont le plus souvent sous leurs seuls prénoms (Abu Amir et Marsel). Le mode de retranscription de leurs récits alterne la reprise in extenso de textes et propos de ces deux personnes (alors entre guillemets et en italique), ou bien des synthèses reformulées en seconde main (par exemple en cas de retranscription après coup du contenu de conversations téléphoniques).

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De Marsel Alledawoui (Centre Ibn Sina pour l’enfance), le 20 novembre

« Dès ce matin, je me rends à l’hôpital Al Emirati pour rendre visite aux prématurés qui étaient assaillis par l’armée d’occupation à l’hôpital Al-Shifa. Ils ont été transférés hier. J’ai rencontré le directeur de l’hôpital pour connaître les besoins de ces enfants et leur état de santé. Puis l’équipe de notre Centre Ibn Sina est allée acheter les fournitures nécessaires pour les prématurés, les a remises aux médecins et a visité ce service des prématurés.

Aujourd’hui est la Journée internationale de l’enfance, conformément à la Charte des Nations unies, il était donc important pour moi de mettre en œuvre cette action d’aujourd’hui pour les bébés prématurés qui ont été exposés au siège et aux bombardements de l’hôpital Al-Shifa alors qu’ils n’étaient âgés que de quelques jours ».

D’Abu Amir Mutasem Eleiwa (Projets paysans), le 22 novembre

A cette date, Abu Amir Mutasem Eleiwa reste bloqué au Caire, en Egypte, depuis le 5 octobre. Il est en contact continu avec sa famille, dans leur maison de Nuseirat (Nuseirat, proche de la côte, est la première localité au sud du wadi Gaza, c’est à dire exactement au milieu de la bande de Gaza). Ils mettent en oeuvre ensemble ce qui leur apparaît être une aide prioritaire : la maison familiale abrite une centaine de déplacés, et leur premier appel (10 novembre) concernait la possibilité même de manger pour les familles les plus démunies.

Abu Amir explique qu’en association avec une ONG gazaouie, ils ont réussi à mettre en place des transferts de fonds depuis l’extérieur. Cela permet de payer les commerçants pour les achats effectués. Plusieurs actions de terrain ont été menées à bien. Cela montre la volonté de la société gazaouie de maintenir une cohésion sociale, dans les terribles circonstances actuelles.

Quelques mots d’Abu Amir :

« Voici quelques photos de l’aide distribuée par Tatweer ( ONG gazaouie) aux habitants bloqués dans les maisons hier et avant-hier (samedi 18 et dimanche 20 novembre), en fonction du nombre d’habitants dans les maisons. Il n’a pas été possible de distribuer de l’aide dans les écoles car le nombre d’habitants y est très élevé et nécessite d’énormes quantités. Si l’une des écoles est approchée, les volontaires seront assaillis, car ils ne pourront pas distribuer l’aide à tout le monde en raison du trop grand nombre de personnes massées dans chaque école. La colère de la population envers les institutions est intense, compte tenu du manque d’aide et de la situation tragique dans laquelle se trouvent les habitants. C’est pourquoi l’aide a été distribuée directement dans les maisons. »

Avec l’avancée de la saison, l’arrivée de la pluie d’hiver (froide, mais positive d’un côté, car c’est de l’eau propre !), est dramatique pour les familles sans aucun abri. Abu Amir souhaite donc acheter des tentes pour mettre à l’abri les cas les plus criant, les familles avec de jeunes enfants.

Ces tentes sont facilement déplaçables et resteront pour les familles une aide la plus pérenne possible dans cette situation volatile.

Face à tous les frais à engager, l’Union juive française pour la paix (UJFP) demande d’aider de toute urgence la société gazaouie. Une collecte est lancée en ligne.

Abu Amir dresse le bilan de la journée du 23 novembre

pour laquelle l’hypothèse d’un premier cessez-le-feu avait été évoquée

1. Pas de cessez-le-feu. L’armée israélienne a arrêté hier le directeur de l’hôpital Al-Shifa. Ordre lui avait été intimé de partir vers le sud. Mais à la hauteur de Netsarin, l’armée, qui a installé là un check-point, l’a arrêté. Le Hamas a alors stoppé les pourparlers.

2. L’armée israélienne mène des actions au sol. C’est le cas au moins à Netsarin. Elle contrôle des points de passage obligés pour les déplacés cherchant à rejoindre le sud de la bande. Les Palestiniens rapportent le vol d’argent, de vêtements… « Il faut s’y présenter sans rien ! »

  1. Par ailleurs, de fortes attaques aériennes se poursuivent
  1. La distribution de tentes a commencé pour des écoles de Nuseirat abritant les déplacés.

Il y a deux types d’écoles, les écoles de l’UNWRA et les écoles « citoyennes ». L’UNWRA est l’organisme qui porte assistance spécifiquement aux réfugiés (de 1948), pour le compte de l’ONU. Les écoles « citoyennes » sont directement issues de la société gazaouie, et ne dépendent en rien de l’UNWRA.

Malgré l’extrême difficulté de déplacement (il ne reste plus guère de possibilité que la marche et les carrioles tirées par des ânes), l’équipe d’Abu Amir a réussi à atteindre une première école, de l’UNWRA. Ils se sont alors heurtés au refus du directeur de les laisser entrer : pas de distribution d’aide à l’intérieur des écoles de l’UNWRA, qui ont leur propre règlement. L’équipe est alors allée vers une école « citoyenne ». Là il a été possible d’agir avec le plein accord du directeur. Quinze tentes ont été installées dans cette première école.

En fait, les écoles étant submergées, de nombreuses familles sont entassées juste au dehors, contre le mur. La distribution s’est faite aussi là, selon le critère du nombre d’enfants à mettre à l’abri.

L’un des problèmes dans cette zone centrale de la Bande de Gaza (donc à Nuseirat), c’est le renchérissement très important des prix. Les familles ne peuvent plus rien acheter. Le directeur de l’école a demandé à l’équipe de considérer la possibilité d’apporter des vêtements, des chaussures, des couvertures, des matelas…

L’équipe pense commencer par repérer où peuvent se trouver des stocks, en recherchant les propriétaires des nombreux magasins fermés, pour voir avec eux ce qu’ils pourraient avoir en stock.

  1. Abu Amir doit-il quitter Le Caire et rentrer à Gaza ?

Quelques opportunités de cet ordre semblent se présenter. Mais la famille d’Abu Amir fait tout son possible pour l’en dissuader : « nous, on a une chance, même très faible, de pouvoir sortir, mais toi, si tu entres, tu ne pourras jamais ressortir! » Abu Amir confirme son intention de rentrer dans la bande de Gaza (et il le fera quelques jours plus tard, à la faveur de la trêve).

Sa famille lui a dressé le tableau suivant : Pas de nourriture, pas d’eau, même pour les toilettes, pas de couvertures ni matelas, tout est allé aux familles de déplacés qui ont été accueillies ; impossibilité de se déplacer autrement qu’à pied ou avec un âne… sans compter la difficulté et le prix (500 shekels pour faire le trajet Rafah – Nuseirat).

Mais Abu Amir veut retrouver sur le terrain son équipe qui «  travaille vraiment bien ! Ils veulent se tourner vers ce que le directeur de la première école leur a demandé ». Il mentionne encore un nouveau massacre dans une école de l’UNRWA dans le camp de Jabalia. La puissance occupante bombarde comme un fou avant d’activer la trêve. Maintenant il a été officiellement annoncé de toutes parts que la trêve commencera demain à sept heures du matin, pour durer quatre jours.

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Distribution des tentes au camp de réfugiés de Nuseirat

Compte rendu à partir du récit d’Abu Amir Mutasem Eleïwa

(Projets paysans), le 24 novembre

« Cette guerre dure depuis plus de 47 jours. Elle a fait des dizaines de milliers de civils morts et blessés. Elle a provoqué le déplacement forcé de plus d’1,2 million de Palestiniens du nord vers le sud de la bande de Gaza. La plupart se sont installés dans les écoles de l’UNWRA. L’équipe en lien avec l’UJFP (Union juive française pour la paix) a donc effectué des visites sur le terrain de certains des abris de ces écoles dans le camp de Nusseirat, pour évaluer les besoins fondamentaux des familles déplacées. Lors d’une réunion avec les responsables de ces lieux, il a été constaté que les centres avaient absorbé plus du double de leur capacité et plus de la moitié des enfants, des femmes et des personnes âgées déplacées.

Le plus catastrophique est le manque d’abris effectifs pour la plupart des personnes déplacées dans ces écoles. Elles ont investi les terrains, les jardins et les routes adjacentes dans l’espoir d’une certaine sécurité. Le besoin fondamental reste la fourniture immédiate de tentes aux familles déplacées ainsi que la fourniture de toute une liste d’aliments et d’articles sanitaires. Grâce à une réponse rapide et avec les fonds disponibles, l’équipe en lien avec l’UJFP a immédiatement fourni et distribué trente tentes à des personnes déplacées dans les abris du camp de Nuseirat. L’équipe a encore besoin de fonds pour répondre à d’autres besoins fondamentaux. Des membres de l’équipe sur le terrain ont été attaqués à cause du nombre insuffisant de tentes par rapport aux nécessités »..

Au téléphone le 24 novembre, Abu Amir estime que de tels faits permettent de réaliser à quel point les gens sont à cran, à quel point ce qu’on apporte est petit par rapport à l’océan de besoins. Ça a vraiment failli mal finir, ce sont les personnels de l’école qui ont « exfiltré » l’équipe d’une foule très en colère. Il s’agit de gens qui n’ont pas trouvé place dans l’école, et se sont installés de manière très précaire autour, pensant que cela leur apportait quand même une forme de protection. Ils ont particulièrement besoin de tentes justement, et ont réclamé énergiquement d’être servis. Les explications d’Amir (un fils d’Abu Amir Mutasem Eleïwa), que le lot était déjà épuisé, que l’équipe continuerait à chercher des financement, sont mal passées…

Abu Amir revient aussi sur sa décision personnelle d’essayer de rentrer d’Egypte. Tout le monde s’y oppose fermement dans sa propre famille, en décrivant une situation matérielle très difficile, un danger incessant, et l’absurdité qu’il soit piégé dedans si la famille arrive à sortir… Même ses proches au Caire argumentent sur l’idée qu’il vaut mieux qu’il reste un vivant dans la famille.

Abu Amir a demandé conseil à la Doctora Mariam Abudaqa, grande personnalité de la société gazaouie, se trouvant elle aussi au Caire. Selon elle, le danger est trop grand pour entrer maintenant à Gaza… Mais lui n’arrive pas à se résigner.

Par contre, il souhaite que ce retour soit utile. On est maintenant probablement dans un rapport 1 à 10, quant à la différence de prix entre Le Caire et Gaza, et donc, sachant que le besoin de vêtements est énorme parmi les déplacés, il envisage d’acheter des lots de vêtements au Caire, autant qu’il pourra en porter.

Il a demandé à son interlocutrice de l’UJFP si on lui donnait le feu vert pour cette action, sachant qu’il n’y aura guère le temps de délibérer. Celle-ci a pris sur elle de le lui donner.

L’envers insupportable d’une trêve dite « humanitaire« 

Autre récit d’Abu Amir, informé depuis Gaza, ce 24 novembre

Les habitants de la bande de Gaza sont éveillés depuis l’aube, attendant sept heures du matin, début de la trêve, pour aller inspecter leurs maisons dans la zone située dans la région centrale et au sud de dans la bande de Gaza et à l’est de Khan Yunis. Mais ils ont déjà commencé à retourner dans les écoles de l’UNRWA cet après-midi, désespérés par les destructions qui ont frappé les maisons qu’ils ont laissées dans la région de Khuza’a. Ne restent que des ruines, comme tout le reste des zones frontalières. Quant aux habitants déplacés depuis le nord de Gaza vers le sud, nombre d’entre eux ont tenté d’y retourner.

Certains d’entre eux ont réussi à dépasser les chars stationnés au carrefour de Netzarim, en empruntant des routes secondaires, mais la plupart ont essuyé des tirs. Beaucoup d’entre eux ont été blessés et au minimum une personne a été tuée. Ils ont donc rebroussé chemin. Les personnes entassées dans les écoles de l’UNRWA et dans les rues secondaires vivent des conditions tragiques. Les maladies se sont propagées, en raison du manque d’hygiène et du manque d’eau, de sorte que ces personnes déplacées ont décidé de risquer leur vie et celle de leurs familles pour rentrer chez elles.

95 % des voitures ne peuvent pas circuler en raison du manque de carburant. Cela oblige les gens à se rabattre sur des moyens de transport primitifs, tels les charrettes tirées par des ânes, qui ont joué un rôle efficace pendant la guerre pour transporter les personnes et les blessés vers les hôpitaux. Le prix d’une bouteille de gaz de 12 kilos a atteint 250 euros, et pour un litre d’essence, le prix a atteint 20 euros Ce qui rend très difficile le déplacement vers des régions éloignées.

On apprend aussi, par un responsable qui a pu s’y rendre, le fils d’Abou Jamal, que la crèche qui fait partie des Projets paysans a été bombardée par un missile F16 et complètement détruite. Il faut comprendre que la crèche était, en effet, partie intégrante de la résistance à l’occupation. Tout ce qui aide les paysans à renforcer leur organisation sociale, en plus de leur activité économique directe, les aide à rester fidèles à leurs terres, à ne pas renoncer ni envisager de partir, comme beaucoup de jeunes en ont la tentation. Dans ce sens, même une crèche peut paraître un obstacle aux occupants. « Honte à l’occupation ».

Compte rendu des actions pour les bébés prématurés,

conduite le 20 novembre.

Par Marsel Alledawi (Centre Ibn Sina pour l’enfance)

«  Nous sommes aujourd’hui le lundi 20 novembre 2023, Journée mondiale de l’enfance.

En ce jour anniversaire, des enfants âgés de quelques jours seulement, y compris ceux nés avant leur date de naissance naturelle (prématurés), ont été des victimes . La guerre a détruit leur parcours de soins et leur a retiré leurs droits les plus fondamentaux, à savoir terminer leur traitement à l’intérieur d’une petite couveuse en verre. Les forces d’occupation ont attaqué l’hôpital Al-Shifa. Les soldats de l’occupation ont encerclé ces bébés prématurés avec des chars et sous les bombardements intensifs des avions de guerre. Après plusieurs jours de siège, les trente-et-un prématurés ont été transférés à l’hôpital El-Emirati de la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, et leur état de santé était très critique.

Le personnel du Centre Ibn Sina s’est immédiatement rendu à cet hôpital. Une réunion a été organisée en urgence avec le directeur financier et administratif, le Dr Sami Abu Huwaishil, afin de faire le point sur l’état de santé de ces enfants et d’examiner les possibilités d’intervention d’urgence.

Les médecins ont informé le personnel du Centre Ibn Sina de l’état de santé des bébés prématurés, qui souffrent d’émaciation, de malnutrition, de complications et de maladies graves après avoir été bloqués pendant plusieurs jours à l’hôpital Al-Shifa dans des conditions humanitaires et sanitaires difficiles. Le directeur de l’hôpital nous a dit que ces enfants avaient besoin de soins d’urgence, de médicaments intensifs et de nourriture (lait maternisé).

La capacité de l’hôpital El Emirati, comme nous l’a dit le Dr Houshli, est suffisante pour onze enfants, mais en réalité ils ont actuellement quinze enfants en plus de ces trente-et-un prématurés qui ont été transférés de l’hôpital Al-Shifa. Donc le nombre total d’enfants dans le service des couveuses est de quarante-six enfants, à ramener à la capacité disponible, pour onze bébés prématurés seulement. Donc plusieurs bébés ont été placés dans la même couveuse.

En ce qui concerne les besoins de ces enfants, l’hôpital a besoin de Pampers pour les prématurés. L’hôpital a commencé à en manquer, ainsi que les marchés et les magasins, en raison de la pénurie ou de l’épuisement de tous les matériaux de base que connaît la bande de Gaza avec la fermeture des points de passage et l’absence d’entrée des marchandises ou de l’aide. Ils avaient également besoin de lait… Le personnel du centre a immédiatement collecté et acheté des fournitures pour bébés prématurés (lait, Pampers, papier hygiénique stérile) pour trente-et-un bébés prématurés présents à l’hôpital. Ces fournitures ont été remises à l’administration de l’hôpital et au médecin spécialiste du service des couveuses.

À notre demande, l’administration de l’hôpital nous a permis de visiter le département des couveuses et d’examiner certains cas, que leur état de santé permettait de voir. Nous avons vu des prématurés dont les corps étaient épuisés, maigres et émaciés. Une aile de papillon peut égratigner leur corps en raison de sa délicatesse. Je n’exagère pas si je dis que je suis devenu un opposant à certaines théories de l’éducation et de la psychologie qui affirment que les enfants prématurés et les nouveau-nés ne ressentent pas la peur. Vous voyez la peur dans leurs yeux, dans leurs petits traits, sur ces visages doux. Ils ne savent peut-être pas ce qui s’est passé, mais toute leur faute est qu’ils sont nés dans un cycle de conflits sanglants et d’occupation brutale.

Parmi eux, il y a ceux qui sont nés après le martyre de leur mère, ceux qui sont sortis du ventre de leur mère martyre. Quelle est la faute de cet enfant, si sa mère a été bombardée alors qu’il était dans le ventre de sa mère, pour donner naissance à un orphelin ? Chaque enfant a une histoire déchirante. Ils ne sont pas que des chiffres. Le directeur de l’hôpital nous a dit qu’aujourd’hui, seize enfants seront transférés en Égypte pour y être soignés en raison de la détérioration et de la difficulté de leur état de santé, et il a été annoncé ce soir que deux d’entre eux sont décédés au cours de leur transfert en Égypte.

En fin de compte, bien qu’il soit peut-être trop tôt pour parler de la fin, les conditions ici sont tragiques et désastreuses où que l’on se tourne. La Journée mondiale de l’enfance est une journée que nos enfants sont censés célébrer avec les enfants du monde entier, et ici, les questions habituelles que nous posons depuis des décennies se répètent. Combien de temps allons-nous continuer à perdre nos enfants ? Combien de temps nos enfants vivront-ils dans cet enfer ? Quand nos enfants vivront-ils leur enfance ?

Plus important encore, combien d’années nous faut-il pour effacer ne serait-ce qu’un peu de la mémoire de nos enfants le génocide auquel ils ont été exposés ? Je suis presque certain que ces questions sont posées par chaque personne parmi nous qui a une conscience vivante, et par le reste de l’humanité. Les questions persistent, et l’occupation continue de commettre des massacres, de déchirer l’enfance, de larguer des missiles et des obus de haine sur les corps d’enfants innocents. La communauté internationale reste silencieuse, parfois la communauté internationale est inspirée et libère des expressions auxquelles elle est habituée, comme la condamnation et, dans le meilleur des cas, la réprobation.  »

De Marsel, les 25 et 26 novembre

«  Pour profiter des jours de cessez-le-feu et de la facilité de circulation sans danger, nous pouvons faire de nombreuses activités, si possible. Des activités de soutien psychologique de groupe peuvent être réalisées en plus de la fourniture de vêtements d’hiver, comme des vestes par exemple, à certains enfants déplacés en raison de l’arrivée de l’hiver et du froid régnant dans les centres d’hébergement.  L’un des pères m’a raconté que pendant la pluie, il y a quelques jours, il s’est déshabillé et est resté en sous-vêtements pour couvrir ses enfants, car il vit dans une tente au milieu de l’une des écoles-abris.  Il m’a dit qu’après avoir enlevé ses vêtements et couvert ses enfants, et après s’être assuré qu’ils étaient au chaud et dormaient, il s’est assis dans un coin de la tente et a commencé à pleurer, jusqu’à ce qu’il s’effondre.

Il y a un nombre illimité d’activités qui peuvent être réalisées. Je vous enverrai quelques suggestions. Les besoins sont gigantesques évidemment, et pour tirer le maximum parti de l’arrêt des bombardements, Ibn Sina, qui a pu regrouper un peu ses forces (des psychologues du Centre Ibn Sina sont arrivées aujourd’hui. Elles connaissent très bien la nature de notre travail et ont travaillé avec nous au cours des dernières années dans le cadre d’initiatives telles que Think of Others et Let’s Smile Together.). Elles ont pris une initiative, en puisant sur leur ressources individuelles.

Après l’arrivée des volontaires du Centre Ibn Sina, nous avons pu fournir aujourd’hui des vestes d’hiver aux enfants déplacés afin de les garder au chaud en raison du froid et de leur apporter de la joie dans leur cœur. » 

Abu Amir, le 1er décembre

Abu Amir Mutasem Eleïwa est rentré à Gaza, et arrivé à Nuseirat. Il nous joint :

«  Chers Sarah et Pierre, je suis arrivé très tard hier, donc je ne pouvais pas vous contacter car il n’y a pas internet. À partir du moment où je suis entré dans le passage de Rafah, et le long du chemin de la maison, les bâtiments ont été détruits et les routes étaient inutilisables. Oui, ils ont ramené Gaza cinquante ans en arrière. Je suis allé le matin pour inspecter la région de Nuseirat et j’ai trouvé des gens qui marchaient dans les rues et ne savaient pas où aller. Des gens qui vivent sans rien du nécessaire pour la vie. Ce qui m’a affecté, c’est de voir tant d’enfants marcher pieds nus et porter des vêtements légers qui ne convenaient pas au froid de l’hiver. Par conséquent, une campagne de dons doit être lancée pour fournir rapidement des secours aux habitants de Gaza. Maintenant, j’étudie ce qui peut être fourni aux déplacés de ce qui est disponible. »

Marsel, le 1er décembre, en soirée

« Les forces d’occupation ont tiré ce soir des fumigènes sur les écoles de la zone d’Abou Zeitoun, dans le camp de Jabalia, qui compte plus de 60 000 personnes déplacées. Toujours dans le camp de réfugiés de Jabalia des avions d’occupation détruisent la tour Al-Daour qui est à proximité immédiate du centre Ibn Sina. Cent-dix martyrs depuis la fin de la trêve, dont trois journalistes. »

Communiqué du correspondant du BDS à Gaza Haidar Eid le 1er décembre au soir

« Alors qu’Israël reprend ses bombardements meurtriers avec des avions de guerre américains, son objectif est limpide : une deuxième Nakba, un #EthnicCleaning des Palestiniens à Gaza. Le #BDS appelle à une mobilisation massive et à une perturbation pacifique du statu quo pour mettre fin au #GazaGenocide en Israël. Si pas maintenant quand ? » 

Est-ce une nouvelle Nakba ? Le but d’Israël n’est-il pas de provoquer un nouvel exode massif des Palestiniens de Gaza. Partout, la question est très sérieusement posée : ce qu’Israël fait en termes de bombardements d’hôpitaux, de lieux de culte et de maisons, d’écoles, de déplacement de résidents et de meurtres de sang-froid, c’est l’anéantissement du peuple. Partout où les citoyen.nes de Gaza fuient ils et elles trouvent la mort devant eux.

Urgence, le 2 décembre

L’armée israélienne opère au sol et effectue des arrestations : directeur d’hôpital à Khan Younis, des ambulanciers…

Abu Amir (Projets paysans) au téléphone le matin du 4 décembre

1) Israël est en train de réussir ce qu’il a déjà fait dans le nord et Gaza-ville : les tanks séparent la zone médiane (Nuseirat.. Burej… Deir el Balah…) du reste du territoire.

Il crée la séparation d’avec Khan Younis, par bombardements puis arrivée des tanks.

On va arriver à trois zones : Nord+Gaza Ville ; Zone centrale ; Khan Younis et Rafah au sud.

On peut penser qu’ensuite ils sépareront Khan Younis de Rafah.

Dans l’horreur, il y a maintenant cette gradation : le pire est le nord, puis la zone médiane, puis Khan Younis, puis enfin Rafah, où Abu Amir pense qu’on peut à peu près vivre (aux bombardements près bien sûr).

2) l’état des marchés : les prix doublent. Les intermédiaires sont en cause, le gouvernement a essayé d’agir, mais c’est impossible, les marchandises arrivent dans les lieux de vente à ces prix, impossible d’attraper les responsables.

Exemple : hier il a pu acheter deux lots de chaussures à 30 shekels la paire, aujourd’hui elles sont vendues entre 50 et 60 shekels. Tout vient de Rafah et Khan Younis, donc par des circuits très fragiles, qui peuvent s’interrompre à tout instant.

Abu Amir a donc pu acheter 250 chaussures au prix d’hier. Aujourd’hui, en concertation avec les deux directeurs (d’écoles-abris pour déplacés), il va les distribuer dans ces deux lieux.Il a pu aussi se procurer trente ensembles chauds (25 shekels chacun). Il n’y en avait pas davantage, alors qu’il a « ratissé » Burej et Deir al Balah. Il n’a maintenant plus d’essence. Le dilemme est le suivant : il y a un médecin parmi les déplacés dans sa maison, doit-il prendre sa voiture pour tenter de se ravitailler pour distribuer dans les écoles ? On était pour l’essence dans les prix suivants : 500 shekels pour douze litres, mais maintenant on n’en trouve plus.

La distribution d’aujourd’hui dans les deux écoles va concerner 430 familles, pour lesquelles il va aussi essayer de confectionner des repas. Abu Amir répète que pour les enfants la pénurie est extrême, en médicaments et couches (on ne trouve plus de couches que pour les nouveau-nés).

Abu Amir a demandé le feu vert pour sauter sur toute marchandise valable trouvable. Son interlocutrice de l’UJFP indique lui avoir renouvelé avec force son feu vert.

3) Le circuit de l’argent

Abu Amir n’a pas encore reçu sur son compte les deux virements (correspondant aux tentes) de 1500 et 600 euros. Et bien sûr pas celui de 2000 posté samedi.

Donc le dernier envoi reçu sont les 700 euros (sur son compte le 10 novembre) affecté à une aide aux familles, distribuée les samedi 18 et dimanche 19 novembre.

Depuis son compte, Abu Amir tire du liquide par ATM – il en reste quelques-unes encore actives. C’est la raison pour laquelle il a ouvert un second compte : quand il ne peut pas tirer sur QUDS bank, il tire sur Palestine Bank, etc…

Toutes les banques étant fermées, les deux circuits actuellement actifs sont l’envoi sur son compte – pour l’instant sur QUDS Bank, tant que des distributeurs fonctionnent, et Western Union. Il n’est pas impossible qu’il trouve un guichet Western Union ouvert dans la zone centrale. Mais si cela se produit, il y aura des milliers de personnes cherchant à retirer des versements. Abu Amir demande donc instamment : s’il se trouve en possibilité d’approcher un guichet Western Union, lors il faudra lui envoyer de l’argent dans l’instant (comme je l’ai fait récemment pour Marsel et le Centre Ibn Sina).

Abu Amir conclut : «  j’attends de voir arriver les virements en cours sur mon compte, n’envoyez rien de plus tant qu’au moins un ou deux des virements ne sont pas arrivés. Tenez-vous prêt, s’il-vous-plait, à manoeuvrer immédiatement si je trouve un guichet Western Union ».

4) enfin, Abu Amir certifie : « le meilleur de ce que nous avons fait jusqu’ici, ce sont les tentes. C’est de loin l’aide la plus nécessaire ».

Un récit transmis par Mariam Abudaqa,

grande figure de la société civile gazaouie, le 7 décembre

« Tôt le matin, quarante femmes sont arrivées au camp de Bureij, après avoir parcouru cinq kilomètres à pied. Les femmes se trouvaient dans une situation désespérée après de longues heures de siège et de détention. Elles ont raconté les horreurs auxquelles elles ont été confrontées dans le quartier de Zaytoun, au sud de la ville de Gaza. Les soldats sionistes ont ordonné à tout le monde de quitter les maisons, ont séparé les hommes et les ont abattus devant leurs femmes et leurs filles. Ils ont ensuite détenu les femmes pendant des heures, les forçant à voir leurs maris et leurs enfants se noyer dans leur propre sang. Par la suite, ils ont été relâchés pour raconter le massacre, dans le but de semer la terreur chez les autres et de les contraindre à fuir après avoir entendu ces horribles témoignages sur ce qui s'est passé.

Ce scénario précis, y compris ce type d’exécutions, s’était produit à Acre, Kafr Qasim, Deir Yassin, al-Zib, Tantura, Bayt Daras, Majdal Kurum et dans de nombreux villages palestiniens lors de la catastrophe de 1948. Les mêmes auteurs et la même méthode de meurtre. La catastrophe elle-même nous menace, nous rappelant qu’elle se poursuit de manière plus brutale ».

 

Abu Amir, le 8 décembre au matin

« Le spectre de la famine hante maintenant des milliers de familles déplacées ainsi que les familles qui ont accueilli les déplacés.

La situation dans la bande de Gaza est devenue désastreuse avec un manque de stocks alimentaires, de médicaments et de carburant, et les gens ont commencé à couper des arbres pour cuisiner ce qu’ils peuvent trouver sur les marchés.  Il y a beaucoup d’appels des familles à l’UNRWA, alertant que leurs enfants meurent de faim et manquent de tout pour vivre.

Les vols se sont multipliés, des gens ont attaqué des entrepôts de l’UNRWA il y a deux jours, et saisi le stock de farine, en raison de la faim extrême. 

Il y a une propagation généralisée des maladies de la peau, par manque d’hygiène et manque d’eau pour se baigner et boire. La population ne peut plus suivre les prix fous imposés par les commerçants pour les quelques produits disponibles sur les marchés.

En ce qui concerne les conditions de guerre, la nuit dernière a été très chaude dans toutes les régions, en particulier à l’ouest de Nuseirat et Madinat Al-Zahra, et personne ne pouvait dormir en raison de l’intensité des bombardements et des secousses des maisons comme si un tremblement de terre se déplaçait constamment, et il y avait des cris de femmes et d’enfants accompagnant le bruit des explosions ; une peur intense.

L’occupation a également commencé à répéter le scénario qu’elle a mené dans le nord de Gaza et dans la ville de Gaza, qui consistait à bombarder les réfugiés qui se réfugiaient dans les murs des hôpitaux.  Hier, l’occupant a bombardé des réfugiés abrités autour des murs de l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa dans la ville de Deir Al-Balah, ce qui a entraîné un certain nombre de martyrs et de blessés.

Le nombre de morts au cours des dernières 24 heures était d’environ 350, selon les statistiques du ministère de la Santé et les familles qui fuient leurs maisons en raison de l’intensité des bombardements sont forcées de lever des drapeaux blancs pour quitter leurs zones en toute sécurité, mais les soldats de l’occupation séparent les femmes et les enfants des hommes et laissent les femmes passer pendant qu’ils emmènent les hommes pour les exécuter, et ainsi de suite…

L’occupation et ses partisans ont violé toutes les conventions internationales et les valeurs humanitaires.

Quant au travail de secours que nous effectuons, nous avons pu distribuer 600 repas, chaque repas suffisant pour deux à trois personnes, et nous avons couvert environ 450 familles. Chaque repas coûtait 25 shekels et le coût de tous les repas était de 15 000 shekels. La question ici est : suis-je sur la bonne voie avec le budget disponible ou non ? Il s’agit d’une reconnaissance de l’école qui a reçu de l’équipe de l’UJFP 600 repas, chaque repas suffisant pour deux personnes, et qui ont été distribués aux personnes déplacées dans les deux écoles ainsi qu’à un certain nombre de personnes déplacées à l’extérieur de l’école.

Il y a aussi une lettre de remerciement adressée à l’UJFP pour les efforts qu’elle déploie en faveur des réfugiés. Ce qu’il y a de beau dans cette guerre, c’est que la direction de l’école m’a demandé quel type d’institution offrait des services, et je leur ai expliqué le travail et l’identité de l’institution, et que c’est une institution juive-française qui reconnaît le droit des Palestiniens dans leur lutte. et cherche la paix. Ils ont été très surpris par cette affaire et ont clairement indiqué que nous étions toujours les bienvenus ».

 

Par téléphone avec Abu Amir

le 9 décembre à midi

1) Abu Amir a passé toute la matinée pour pouvoir accéder au guichet Western Union pour toucher enfin l’envoi de Dominique. Échec : le bureau n’a pas voulu lui délivrer l’argent, sous prétexte qu’il a déjà reçu un envoi ce mois-ci. Il m’apprend que maintenant, chaque bureau Western Union « appartient » à une banque donnée. Celui-ci est lié à QUDS bank, et QUDS bank a décidé qu’elle ne servira qu’un transfert par mois.

2) Abu Amir et son équipe ont distribué (compte rendu de ma part à venir demain

inch’Allah) 600 repas, chacun pouvant alimenter 2 (voire 3) personnes. Chaque repas coûte 25 shekels. Il me demande de manière récurrente si on valide, malgré la dépense. Je réponds de manière récurrente que seuls eux, l’équipe sur place, peut savoir ce qui est le plus indispensable, et que la collecte est là pour les soutenir.

Le problème crucial est celui du riz : la cuisine qui a préparé les 600 repas a pu fournir elle-même tous les ingrédients, sauf le riz. L’équipe Abu Amir a dû en rechercher et l’apporter à la cuisine pour que les repas soient confectionnés. Ils continuent à rechercher activement cette denrée.

Donc 1200 (probablement plus) personnes réfugiées dans l’école proche ont bénéficié de la distribution. Ce qui torture Abu Amir, c’est le sort des familles qui n’ont pas trouvé refuge dans les écoles. Il voudrait les servir aussi, mais pour que cela se passe sans heurt, il lui faut une liste d’adresses à servir, ce qu’il est en train de confectionner.

3) le travail essentiel de toute l’équipe est d’acheter les marchandises encore trouvables pour assurer des distributions, c’est à cette recherche qu’ils passent leur  énergie. Pour l’instant, ils ont obtenu (c’est stocké dans la maison d’Abu Amir) :

– 100 vestes (2 à 10 ans), 400 bonnets d’enfants, 500 paires de chaussures. Cela, ils vont le distribuer maintenant partout où possible

– 20 tentes. Pour Abu Amir  –  et vous verrez dans un compte rendu à venir que c’est vrai aussi à Rafah, c’est une population entière qui est « à la rue »  – , c’est la priorité des priorités pour les familles avec enfants.

Bref, il dit : tout ce que l’équipe peut trouver… car le froid est là, les nuits sont très froides.

4) Enfin, il rapporte deux infos

– il y a deux jours (si j’ai bien compris), l’armée israélienne est entrée à Nuseirat, a kidnappé des ambulances, et s’est efforcée de trouver des soldats israéliens prisonniers et de les libérer. Il dit : quand ils voient qu’ils n’y arriveront pas, les hélicoptères  Apaches attaquent et tuent tout le monde, des résistants palestiniens, mais aussi de leurs propres soldats !

– Des médias israéliens rapportent ce matin que l’Égypte aurait accepté d’ouvrir la frontière de Rafah pour la sortie de personnes demandant à se réfugier (il cite par exemple les étudiants). Mais ceux-là ne devront pas rester dans le Sinaï. L’idée est de soulager un peu la pression humaine sur le poste de passage de Rafah

 

Abu Amir, depuis Nuseirat, 10 décembre 2023 au matin

« Nous avons passé une nuit violente hier, car l’occupant a bombardé la maison voisine à dix heures du soir. Ce bombardement a entraîné la mort du mari, de la femme et d’une petite fille. De plus, la femme était enceinte d’un mois et nous avons trouvé le fœtus gisant sur le sol, mort, après que la femme ait perdu la moitié inférieure de son corps.

Deux enfants déplacés dans ma maison ont également été légèrement blessés par une vitre éclatant aux étages inférieur et supérieur. Il convient de noter que cette famille n’appartient pas au Hamas et que nous la connaissons depuis plus de trois ans. Hier midi, j’étais assise avec le mari et un groupe de voisins pour parler de la situation à Gaza.

Je ne sais pas ce qui se passe, mais il semble que l’objectif de l’occupation israélienne ne soit pas d’éliminer le Hamas, mais de procéder à un nettoyage ethnique de la population de la bande de Gaza. Ce que j’ai dit précédemment au sujet des exécutions sur le terrain dans la ville de Gaza et dans le nord de la bande de Gaza est vrai, et nous vérifions chaque jour les récits des survivants de ces villes ».

 

Abu Amir, le 11 décembre

« C’est très clair. L’argent n’est pas un problème ici, la plupart des commerçants me connaissent bien et me disent de prendre ce dont j’ai besoin et de ne pas m’inquiéter.  Je vais informer la cuisine de préparer 200 repas à distribuer aux personnes déplacées demain ». La stratégie adoptée par Abu Amir et son équipe consiste à rechercher très activement toutes denrées utiles pour soulager un peu la situation des familles déplacées du nord ou de la ville de Gaza. La ville de Nuseirat est débordée de centaines de milliers de déplacés, dont une grande partie est directement à la rue, n’ayant trouvé de places ni dans les centres d’accueils (les écoles en fait) bondés, ni chez des particuliers (comme la propre maison d’Abu Amir, ou s’entassent, limite « acceptable » dépassée depuis longtemps, 250 personnes).

Les familles ne peuvent pas acheter ces denrées, dont les prix ont flambé de manière honteuse. Grâce à l’argent de la collecte UJFP, l’équipe achète, et redistribue gratuitement au mieux. La distribution n’est pas simple, tout le monde ayant d’immenses besoins, et les stocks achetés étant forcément bien en dessous de ce qui serait nécessaire. L’équipe s’adapte, fait au mieux.

1) Ce qui a été distribués jusqu’ici :

– les tentes. C’est de loin, le plus crucial pour les familles à la rue avec enfants, mais il n’est pas simple d’en trouver, et elles sont évidemment fort chères. 30 ont été distribuées la semaine dernière

– Les paniers alimentaires Abu Amir est en relation avec une cantine capable de confectionner ces repas, prévu pour 2 personnes. 600 repas ont été distribués dans deux écoles-abris la semaine dernière

Remarque : la distribution a eu lieu dans une école de l’UNRWA et une école gouvernementale, en concertation avec les deux directeurs. Les bénéficiaires identifiés dans l’école de l’UNRWA ont dû se déplacer jusqu’à l’autre école, aucune distribution n’étant autorisée dans les écoles de l’UNWRA.

La denrée cruciale manquante est le riz. Pour la distribution de repas de la fin de la semaine dernière, l’équipe a dû se mettre en recherche de riz, pour l’amener à la cantine, qui n’en avait plus du tout.

2) Le stock constitué la semaine dernière, qui va être distribué maintenant :

– 20 tentes (250 shekels chacune). Somme engagée 5000 shekels ( approximativement 1 250 euros)

– 54 bidons, à remplir d’eau saine. Chaque bidon rempli coûte 30 shekels, soit une dépense de 1 620 shekels ( approximativement 405 euros).

– 541 paires de chaussures enfants, 30 shekels la paire, soit une dépense de 16 230 shekels ( approximativement 4 062 euros)

– 360 bonnets d’enfants, à 10 shekels chaque, soit une dépense de 3600 shekels (approximativement 901 euros)

– 110 vestes pour garçons et fillettes (tout le stock disponible), chacune coûtant 35 shekels, soit une dépense de 3850 shekels ( approximativement 963 euros).

3) Les problèmes de distribution et la solution actuelle

Deux obstacles majeurs : les drones et autres apaches attaquent tout groupe qu’ils repèrent (donc aussi bien une distribution de secours à des civiles), et par ailleurs on ne trouve plus d’essence pour se déplacer.

Pour contourner ces deux obstacle, l’équipe vient de mettre en place la solution suivante : Pour chaque lieu où s’entassent les réfugiés, dans toutes les directions mais pas excessivement éloignés de la maison d’Abu Amir, l’équipe distribue aux cas les plus en nécessité un document, comportant le sigle et le timbre de l’UJFP, avec mention d’un jour et d’une heure pour retirer les denrées qu’il est possible de leur donner – ceci de demi-heure en demi-heure, pour éviter les attroupements trop dangereux. Ils ont au jour d’aujourd’hui ainsi un fichier de 150 familles

4) Action en cours

Le problème crucial est le riz, aliment de base.

Il n’a pas été possible d’en trouver à Nuseirat. Abu Amir a pu commander la venue d’un camion (par le trajet de la plage) depuis Khan Younis, convoyant une tonne de riz (ce camion était espéré le 10, il n’a pas pu venir, peut-être aujourd’hui 11 décembre).

Accord a été passé avec la cuisine préparant les repas, l’équipe gardera (et fera préparer par la cuisine) ce dont elle a besoin pour les distribution de repas chauds, la cuisine rachètera tout le surplus.

 

Urgence – Transmis par Marsel le 13 décembre au matin

Urgent| Ministère de la Santé à Gaza : « Nous annonçons que les vaccinations infantiles ont été complètement épuisées, ce qui aura des répercussions sanitaires catastrophiques sur la santé des enfants et la propagation des maladies, en particulier parmi les personnes déplacées dans des centres d’hébergement surpeuplés. Nous appelons les organisations internationales à intervenir rapidement pour fournir les vaccins nécessaires et garantir leur accès à toutes les zones de la bande de Gaza afin de prévenir la catastrophe ».

 

Abu Amir au téléphone le 14 Décembre

Concernant la distribution des denrées de premières nécessité (pour les deux opérations d’avant hier et hier, il s’agit de repas) achetés grâce à l’argent de la collecte.

Abu Amir et son équipe se sont tournés vers les milliers et milliers de familles qui sont à l’extérieur de ces structures.Il propose de se concentrer sur une zone clairement identifiable, un rectangle s’étendant le long de la mer, depuis le Wadi Gaza vers le sud, sur quelque 3 à 4 km de long, pour 1,5 de largeur environ.C’est un grand territoire dans lequel se sont installées à l’arrache des milliers et milliers de familles déplacées.

Son équipe a effectué une forme de recensement, famille par famille, du nombre de personnes dans la famille, quand ils sont arrivés, d’où vient la famille. Cela leur fournit une base de données – qui sera aussi utile pour organiser l’aide après les bombardements, si après il y a…

La distribution sur place par l’équipe est impossible, cela demanderait d’avoir accès à suffisamment d’essence pour embarquer en voiture les denrées et effectuer la distribution, c’est inenvisageable à cause du prix et de la rareté de l’essence. Le système mis en place est le suivant : l’équipe vient sur place et distribue aux familles des tickets, une carte portant le nom de l’UJFP authentifiant les tickets, à charge à la famille de venir à la maison d’Abu Amir (maison qui sert aussi d’entrepôt…), avec la carte UJFP et leur CI, pour récupérer leur dû.

Les débuts montrent que cela fonctionne très bien, avant-hier 2000 repas (pour deux personnes chacun) ont été ainsi distribués, 1000 hier. Les retours des bénéficiaires sont hyper chaleureux et encourageants.

 

Quand nous racontons les manifestations de solidarité française, Abu Amir nous répond :

« Oui, il y a de la solidarité et un grand éveil des gens à travers le monde. Ce qui se passe à Gaza a réveillé le peuple, mais le prix de ce réveil est très élevé. Des massacres sont commis quotidiennement, et Israël a franchi les lignes rouges et ne reculera pas pour commettre d’autres massacres tant qu’il est assuré qu’il ne sera pas puni, surtout à la lumière du soutien aveugle de l’Amérique et de l’Occident » .

(…)

 

Marsel d’Ibsn Sina le 18 Décembre par whatsApp

« Une action importante est mise en place par l’équipe Ibn Sina en direction de la foule de familles installées à l’arrache sur les zones non construites autour de Rafah, à savoir la construction de toilettes, éléments indispensables pour tenter de freiner les dangers sanitaires liés à la misère physiologique des familles ainsi entassées sans aucune infrastructures. »

Abu Amir, 18 décembre matin, par téléphone conversation retranscrite par Sarah

A l’échange rituel « comment ça va ? », Abu Amir répond : « nous sommes toujours vivants… pour nous ça va, on a la maison, on est beaucoup mieux que les familles installées dehors…

Le pire des pires c’est le nord. On abat les ânes pour les manger… »

Dans la maison d’Abu Amir, la famille s’habille le plus chaudement possible chaque soir et se rassemble dans une pièce la plus éloignée des fenêtres. Ils sont ainsi prêts à s’enfuir si la maison est attaquée. Internet est coupé à répétition. Abu Amir a mis une solution en route avec son fils hors Gaza… Rien n’est sûr pour les jours qui viennent.

1) La situation au sud

L’armée d’occupation est dans Khan Younis. Les soldats demandent à la population de se déplacer vers Rafah. Mais les gens ne le veulent pas : ils savent qu’il n’y a plus de possibilité d’abris, ils seront en plein air, et complètement à la merci des mini-hélicoptère dont je vais parler ci-dessous.

Alors ils s’efforcent de remonter vers Deir-al-Balah et Nuseirat, et donc là, le nombre de déplacés, déjà aberrant, grossit sans cesse.

La surveillance de l’armée israélienne s’effectue par un grand nombre de tout-petits hélicoptères, des quadcopters. De diverses tailles, très maniables, espionnant avec caméras et photos, repérant les visages, pouvant transporter des charges explosives ou être munie d’armes automatiques. Commandés comme l’étaient les tours tueuses depuis des centres de contrôle bien à l’abri. Ces engins se faufilent jusque devant les fenêtres. Le soldat s’adresse aux personnes, donne des ordres, exige l’ouverture des fenêtres. Et documente avec caméra en direct tous les mouvements.

Les familles encore à Khan Younis ne veulent pas aller s’installer dans le rectangle, entièrement nu et sans la moindre infrastructure, déclaré « zone sure » par l’armée israélienne (cette zone, Al-Mawasi, s’étend du bord du governorat de Khan Younis jusqu’à Rafah, le long de la côte, sur une largeur d’à peu près 2 km)1. Ils craignent trop le fait que, là-bas, ils seront entièrement visibles, y compris leurs visages. Ils savent les quadcoptères extrêmement dangereux. On a pu les voir agir sur l’hôpital Kamal Adwan.

Ces quadcopters sont des centaines au dessus de la bande de Gaza. Abu Amir en a vu voler une vingtaine autour de sa maison.

2) La zone d’action d’Abu Amir

L’équipe (formée de ses fils et de proches) s’efforce de tenir le compte du nombre de familles installées sur la zone où ils rayonnent. Mais avec l’invasion de Khan Younis, le nombre augmente sans cesse. Certaines familles peuvent être organisées avec leur mokhtar, ceux-ci envoient alors quotidiennement à l’équipe les nouveaux noms à prendre en compte.

Toutes les tentes ont été distribuées, c’est ce qui manque le plus, mais pour l’instant l’équipe n’arrive plus à en dénicher nulle part. Ils continuent à distribuer et rechercher les jerricans d’eau. Et ils arrivent à servir des centaines de repas.

Aucune aide institutionnelle n’arrive. Ce qui entre est presque exclusivement distribué à Rafah.

De plus, nous dit-il, nous nous efforçons d’organiser les familles autour de nous, et nous avons mis sur pied un groupe de défense de notre zone.

3) « la désagrégation de la société, une possibilité ? »Ce sont les propos d’Abu Amir

« Quand des camions d’aide sont en déplacement, il peut arriver qu’ils soient attaqués et leur cargaison volée. A Deir-el-Balah, la police ayant pris place dans un camion a ouvert le feu et tué les voleurs.

Il faut comprendre qu’il y a des milliers et des milliers de familles affamées. Les coupeurs de route revendent le butin à 200 % du prix… Comprenez qu’on en est là pour la nourriture : en famine.

Les familles puissantes, appuyées sur 2000, 3000 personnes, s’organisent en mafias. La police ne peut pas contrôler l’ensemble. J’ai vu, à Deir-al-Balah, la police entrer dans une école-abri et en ressortir avec de nombreuses personnes arrêtées.

Netanyahou l’a dit : nous amènerons les Gazaouis à se manger les uns les autres »

Pour les jours qui viennent

Nous devons inscrire 10 à 15 familles nouvelles par jour, venant de Khan Younis, de Burej, etc.

Nous voulons vérifier le nombre de personnes, établir des listes fiables. Il nous faudrait absolument plus de tentes, une cinquantaine, mais nous n’en trouvons pas, et toujours davantage de jerricans d’eau potable.

Et tout ce qui peut permettre d’étanchéifier les abris, du film de nylon, n’importe quoi… Il pleut et il fait froid, là je parle depuis la maison, mes mains sont gelées.

Nous continuons sur la fabrications des repas, très importants pour les familles bien sûr.

Pour la question du paiement des fournitures, je tiens une liste précise, Ismail en a un double, pour que, quoiqu’il arrive, vous, donneurs, honoriez les factures.

Nous considérons la possibilité de faire du pain, avec l’aide de deux personnes compétentes.

Et aussi la possibilité de faire quelque chose de sucré, comme des bonbons, pour les enfants.

Pour que vous compreniez la question des prix : une boite d’œufs qui coûtait normalement 30 ILS se trouve aujourd’hui à 600 ILS… 1000 $ ont actuellement la puissance d’achat de 20$ autrefois… »

 

Ci dessous un état des lieux au 17/12/23 concernant les pêcheurs transmis à Sarah par Zacharia qui est le délégué du syndicat des pécheurs à Gaza l’équivalent de l’UAWC pour les paysans d’ailleurs ils travaillent ensemble.

un grand nombre de pêcheurs ont été tués pendant la guerre
Environ 70 % des pêcheurs ont été déplacés vers des centres d’hébergement. 30 % restent piégés par les bombardements dans la ville de Gaza.

Le port de Gaza a été complètement détruit en plus de toutes les installations des pêcheurs, du marché aux poissons et de la destruction de 99% des grands navires

La plupart des grands bateaux de pêche ont été détruits, et il ne reste plus que 7 grands bateaux sur 96. Ce qui reste à ce jour se répartit comme suit
5 grands bateaux à Gaza
1 grand bateau à Khan Yunis
1 grand bateau à Rafah
Par ailleurs, il ne reste qu’environ 25 petits bateaux sur les quelque 450 bateaux que compte la bande de Gaza.Toutes les installations du port ont également été détruites, y compris les entrepôts des pêcheurs et le principal marché aux poissons du port. Les ports de la région nord de Gaza ont été complètement détruits.
Pour le reste des gouvernorats, le pourcentage de destruction partielle se situe entre 40 et 50 %.

Message téléphonique d’Abu Amir à Sarah le 21/12/23

 

C’est le premier soir, depuis longtemps, où il fait nuit : pas de bombardements en ce moment sur Nusseirat. Nous savons qu’il y a au Caire des discussions, pour un tout petit moment de calme ? Les nouvelles qui arrivent de la ville de Gaza, par plusieurs familles en fuite, sont terribles : tant de cadavres jonchant les rues. Nombreux bombardements, puis les soldats qui ont pris pied dans la ville arrivent, ils ordonnent aux gens de sortir des maisons, et les abattent directement.

Un récit parmi d’autre : un appel à la Croix Rouge, pour des gens blessés, et la réponse : « nous ne pouvons répondre après 8 h le soir, nous n’avons plus ni infirmières ni médecins. Mais d’où appelez-vous ? – de Moldavie ».

Les communications internes sont coupées, les deux réseaux téléphoniques principaux, l’Internet.

Comment comprendre cet acharnement ? La résistance a tué beaucoup de leur gens, ils veulent tuer un maximum de Gazaouis à leur tour. Les résistants se battent ensemble, le Hamas, le Jihad Islamique, le Fatah, le FPLP ; mais le leader est le Hamas, au sens où c’est lui seul qui publie les informations.

Ici à Nusseirat on voit toujours arriver de nouvelles nombreuses familles, quittant Burej, Magazi, les abords de la route Salah ad-Din. Hier, nous sommes allés dans une partie de Nusseirat où s’entassent, s’abritant dans les ruines, de nombreuses familles. Ils ont appelé l’UNRWA, pour expliquer qu’ils n’avaient rien à manger depuis plusieurs jours, mais l’UNRWA ne pouvait rien faire. Nous avons pu distribuer 100 repas1, ce n’est pas beaucoup mais il n’y avait pas de possibilités supplémentaires.

Les cuisines qui préparent les repas ne peuvent plus travailler chaque jour, plus de matériel, plus de produits, plus de bois pour cuire. Elles fonctionnent un jour sur deux. C’est pourquoi nous n’avons pu faire préparer que 100 repas, en n’en distribuant qu’un seul par petites familles.

Nous cherchons toujours des tentes, soit des stocks non encore trouvé (on nous en a promis une dizaine, pas plus, et on ne les a pas encore), soit même des particuliers ayant encore une maison et vendant leur tente. Nous trouvons encore des jerricans à remplir d’eau potable, c’est très important pour les familles.

Recouvrer l’argent de la solidarité est toujours aussi difficile. Les envois Western Union depuis la France sont extrêmement limités, pour le prochain je dois attendre un délai de 30 jours. Les banques « palestiniennes » sont très lentes à enregistrer les virements de l’étranger. Passer par un compte étranger d’un pays d’où WU applique moins de restriction est pour l’instant le plus efficace.

Il faut comprendre l’extrême fatigue des Gazaouis. « Je pense que si maintenant, une porte s’ouvrait pour la sortie de Gaza, les gens sortiraient ». Abu Amir décrit ses discussions avec les nombreux déplacés installés au long de la rue qu’il a emprunté hier pour se rendre dans une des écoles-refuge, à deux km de chez lui : des gens épuisés, se parlant tout seuls, constatant que leurs autorités les ont laissé complètement seuls. Oui, s’ils peuvent, ils s’échapperont.

Au seul hôpital restant, à Deir al Balah, il n’y a plus la place de poser un pied. C’est bondé de médecins, de réfugiés, de blessés qui ne peuvent même plus être pris en charge, allongés par terre, pour lesquels les médecins ne peuvent plus rien.

L’un des médecins a dit à Abu Amir : « cela fait trois jours que je n’y vais plus, je n’y trouve rien à faire, on ne peut plus rien pour les blessés. A l’appel : ‘venez docteur, ce blessé a besoin de soins’, l’un des médecins a répondu : ‘laissez-le mourir tranquillement, nous ne pouvons pas l’aider’. Je jure que dès que je ferme les yeux je rêve de ces gens, je ne peux plus dormir ».

Car les survivants des bombardements sont dans des conditions épouvantables, une histoire parmi d’autre : un médecin qui venait de tenter d’installer des enfants, aux visages entièrement noircis, sort un instant, et voit sa femme à la porte. ‘Que fais-tu là ?’. ‘Mais c’est nos enfants que tu viens de recevoir là’. Il a fallu qu’il tente de nettoyer les visages pour les reconnaître…

L’occupation s’acharne contre les soignants. Chaque jour on apprend la mort d’un médecins. Vous pouvez trouver des listes sur Internet.

Message d’Abu Amir le 22/12/23 au matin annonce une nouvelle terrible

Abu Amir a reçu l’ordre d’évacuer sa maison qui abrite des centaines de personnes sans savoir ni où aller ni comment se protéger

Message de Mariam à Pierre le 22/12/23

Bonsoir mon ami je ne comprends pas la France La situation à Gaza est catastrophique C’est inimaginable Je me sens folle et opprimée, dans quelle époque nous sommes, où est la conscience mondiale En tout cas, nous gagnerons la Palestine. Nous gagnerons malgré le nez des sionistes néo-nazis. Tu me manques beaucoup et je t’aime. Ma situation au Caire est difficile pour le logement et la vie. J’espère que la guerre prendra fin immédiatement et que nous reviendrons à Gaza. Salutations chaleureuses à vous et à tous vos amis.

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Abu Amir au téléphone le 23/12/23 au soir

Toute sa famille et ses frères sont entassés dans la maison de Tasnim, entre Nusseirat et Deir al-Balah. Il y a maintenant deux grandes poches de déplacés, une au centre et une à Rafah, 1 million de personnes chacune. Il décrit les rues comme des rivières de gens, qui ne savent absolument pas où aller, allant, retournant.Toutes les personnes qui s’abritaient dans sa maison sont à la rue.

Il envoie ici le compte rendu des repas distribués. Il va essayer coûte que coûte de continuer.

Abu Amir au téléphone avec Sarah le 23 décembre.

Un nouveau jour où les souffrances de la population de la bande de Gaza augmentent. Chaque matin, il y a un nouveau déplacement de milliers de personnes. Ces gens ne savent pas où aller. Certains habitants se rendent à Deir al-Balah et certains habitants de Deir al-Balah se rendent à Nuseirat, et un état de panique et de confusion règne parmi la population. Dès que l’armée d’occupation a annoncé l’évacuation de la zone au nord de Nuseirat, des milliers d’habitants ont commencé à fuir par peur, non pas des bombardements, mais de l’arrivée des soldats d’occupation avec des chars pour commencer des exécutions sur le terrain, comme dans les zones du nord. Après le retrait des mécanismes d’occupation de la région de Beit Lahia, le Croissant-Rouge a découvert des dizaines de cadavres exécutés. Directement, certains d’entre eux ont été jetés dans les rues et d’autres dans des trous, de sorte que la plus grande peur de la population est devenue les besoins et les exécutions sur le terrain. Avant-hier, des milliers d’habitants ont été déplacés précipitamment de la région de Nuseirat après les avertissements envoyés par l’occupation. La plupart d’entre eux se sont installés dans la région d’Al-Sawarha, qui est la zone la plus proche d’Al-Nuseirat depuis le sud. Nous avons donc suivi leur localisation et une équipe de deux personnes a commencé à leur distribuer des repas, mais 10 minutes après la distribution, des centaines de réfugiés ont commencé. En attaquant la voiture transportant les repas, ils ont commencé à crier et à menacer l’équipe, à tenter de voler les repas et à se rassembler autour de la voiture. Cependant, l’équipe a pu entrer dans la voiture dans un entrepôt voisin, fermer les portes et distribuer les repas depuis l’intérieur du magasin jusqu’à ce que les repas soient terminés. Après cela, l’équipe a annoncé la fin des repas, l’entrepôt a été ouvert et le coffre de la voiture a été ouvert à la vue des gens. Plus de repas et puis les gens ont commencé à s’éloigner et l’équipe est alors repartie en toute sécurité. Cela signifie que la situation est catastrophique et que les gens commencent à se battre pour obtenir de la nourriture en raison d’une faim extrême. Le personnel ici travaille donc rapidement pour fournir aux gens ces repas qui permettront à ces familles de rester en vie. Aujourd’hui, l’équipe de travail a fourni 300 repas et ceux-ci ont été distribués, mais le nombre de repas fournis n’est malheureusement pas suffisant pour le grand nombre de réfugiés.

Le lien des photos et vidéos : comme dit Sarah les vidéos brisent le coeur…..


 

Abu Amir, 25 décembre matin, au téléphone avec Sarah

« Ce matin, très forts bombardements sur l’est de Burej et Maghazi, on compte déjà plus de 70 morts, et le bilan va s’alourdir.

Nous sommes toujours sans électricité ni essence, avec de l’eau impropre à la consommation, des enfants qui vont dans les rues sans rien sur eux.

Hier nous avons pu distribuer 300 repas, distribution marquée par l’attaque sur l’équipe. Quand, une fois la distribution terminée, j’ai pu m’entretenir avec certains, leur demander pourquoi cette attaque, la réponse a été : « c’est parce que nos enfants n’ont rien à manger, et nous voulons qu’ils survivent ».

Je suis allé dans une zone où de très nombreux déplacés, 350 familles, s’entassent dans une école qui était en chantier, sans encore de portes ni de fenêtres. Cela correspond à un millier de personnes. Ils m’ont demandé de venir et m’ont montré tous leur locaux, pour faire la preuve de ce qu’ils disaient, qu’il n’y a plus là la moindre nourriture depuis la veille.

Il faudrait préparer 1000 repas, on a la possibilité de le faire avec les cantines avec lesquelles on fonctionne depuis la première distribution de repas le mois dernier, mais il faut se coordonner avec les responsables de ces lieux, obtenir un ordre de leur part, parce qu’il s’agit de l’engagement d’une somme très importante, probablement de l’ordre de 25 000 ILS. Nous allons le faire. »

 

Message d’Abu Amir retranscris par Sarah le 26/12/23 : bombardements incessants, flot de réfugiés absence de protection et pas d’approvisionnement.

Dans la zone centrale où nous sommes, il n’arrive absolument aucune aide, strictement rien de l’aide internationale, qui est absorbée en entier par Rafah, et, déjà dans une moindre part, Khan Younis. Quant à la ville de Gaza et tout le nord, ils n’ont rien de rien. Les troupes israéliennes quittent semble-t-il les villes (Gaza et les villes du nord), se dirigeant vers l’est.

Au contraire, les troupes terrestres envahissent la zone centrale, les tanks sont entrés dans les centres d’al-Burej et de Maghazi. Toute la nuit il y a eu d’intenses bombardements sur l’est de Burej, de Maghazi, et aussi un peu sur l’est de Deir al-Balah. Ce sont des bombardements depuis des tanks. À l’ouest de Nusseirat, ils ont bombardé depuis la mer, très près de la maison que nous avons abandonnée il y a deux jours. Comprenez que les tanks sont maintenant au centre d’al-Burej. Cette nuit les bombardements étaient si intenses que personne n’a pu dormir. Et maintenant, ils bombardent aussi le camp de Nusseirat, par avions.

Sur la route c’est un flot de réfugiés, des voitures à ânes, transportant des matelas, etc., s’échappant du camp d’al-Burej, du nord de Nusseirat, c’est comme une rivière. Ils essaient d’échapper vers Rafah. J’ai demandé à une personne : – vous allez où ? – Vers Rafah. – Vous resterez où à Rafah ? – On n’en sait rien du tout.

Imaginez qu’un petit emplacement, je ne dis pas un appartement ni une maison, un emplacement à Rafah, vous allez devoir payer quelques 4 000 ILS (1000 euros), pour avoir le droit d’y entrer. Parce que c’est tellement surchargé de gens.

J’attends une bouteille de gaz, ou de l’essence. L’essence maintenant est à 80 ILS le litre, la bouteille de gaz à 300 ILS (on m’en a promis une, mais je ne la vois pas venir). Parce que maintenant les troupes israélienne sont si près, à 1 km de la route Salaadin, à quelques 2 km de là où nous vivons maintenant. Je voudrais beaucoup mettre ma famille plus à l’abri à Rafah.

 

Marsel le 27/12/23 écrit en sous texte d’une vidéo de destruction qu’il envoie

Les photos sont arrivées il y a quelques minutes de notre région. Tout a été détruit. Notre maison, la maison de ma grand-mère, l’école de l’agence Unwra en face de chez nous. La Clinique de l'agence, le Puits d'eau. Cette zone de Beit Hanoun s'appelle Haret Abu Odeh. Elle a été entièrement détruite en 2014, y compris l’école de l’agence à cette époque. Les maisons et l'école ont été reconstruites et maintenant elles ont été de nouveau détruites.
Marsel a visité ses parents cet après-midi :
Ensuite, je suis allé chez mon père et ma mère. Leur état psychologique était mauvais. Un ami de la famille du Nord a envoyé des photos de notre maison. Pour eux, la maison est un souvenir. C'est l'endroit qui nous a réunis contre vents et marées, c'est notre petite patrie, selon ma mère. J'espère que cette crise passera et que tout ira bien pour nous et tous.
 Ils sont forts et nous l’avons appris d’eux. La maison, ce sont les souvenirs que nous avons vécus pendant l'occupation, essayer de supprimer cela. Comme vous le savez, nous avons construit notre maison à la mi-2012 et l’occupation l’a démolie lors de la guerre de 2014. Nous sommes retournés la reconstruire en 2015, et maintenant ils l'ont démolie, et comme mon père me l'a dit ce soir, nous la reconstruirons encore et encore.

Abu Amir au téléphone le 28/12 avec Sarah : retranscription de la conversation

Abu Amir appelle depuis sa maison de Nusseirat, où il est retourné pour un bref moment pour profiter de la connexion. Il doit faire vite, c’est un endroit très dangereux. Tous les alentours de la maison sont déserts. Abu Amir considère qu’il doit emmener sa famille à Rafah, quand même moins exposé. Mais tout le monde tente de se diriger vers Rafah, même ceux non directement visés par un ordre explicite d’évacuer : Ce qui s’est passé à Gaza-ville en est une cause essentielle. Quand les tanks sont entrés, quand les gens ont voulu bouger de la ville, ils ont été massacrés dans la rue, du sang partout.

Abu Amir est le responsable de la famille élargie : 6 personnes chez son frère, 3 pour Tasnim, 6 pour sa famille directe. Dix-huit personnes, et juste une voiture, pour laquelle il n’a toujours trouvé ni essence, ni bouteille de gaz. Comment transférer tout ce monde ? Comment s’installer dans un Rafah entièrement recouvert d’abris de fortune ?

 

Rapport d’activités oral

« Hier nous avons pu distribuer 950 repas aux personnes déplacées réfugiées dans l’école Zawaida (Al-Zawaida Joint Preparatory School for Refugees). Nous envoyons par mail la liste des bénéficiaires. Nous avons procédé ainsi : dans chaque classe de l’école, les gens sont organisés avec un responsable de la classe, et c’est ce responsable qui est venu à la voiture prendre tous les repas nécessaires pour la classe dont il est responsable.

On trouve parmi ces déplacés un grand mélange : des familles venant du nord de la bande de Gaza, mais aussi de Burej, Maghazi, Nusseirat.

Nous sommes ainsi passé dans toutes les écoles que nous pouvons atteindre.

Par contre j’ai vu hier un « jardin » surchargé de déplacés, on devrait leur servir aussi des repas, mais pour l’instant je ne trouve plus de riz, ni la plupart du matériel nécessaire. J’ai repéré des poulets dans une exploitation agricole, le propriétaire m’a dit : ‘puisque vous distribuez les repas gratuitement, je vous réserve tout ce que j’ai’.

Beaucoup de choses sont suspendues au fait que je trouve de l’essence ou du gaz. La situation devient intenable, et les prix fluctuent sans logique, car il y a aussi la revente par les familles qui tentent de descendre à Rafah et ne peuvent emmener certaines choses, mais alors ils découvrent que les prix qu’ils peuvent en tirer est bien inférieur à celui auquel ils les ont achetés.

Je le répète, la valeur de ce qu’on a dans la poche a été divisée par 4, à montant égal, depuis le début des bombardements : 1 000 $ correspondent maintenant à 250 $ d’avant.

Par contre les prix sont fous, on peut demander à Rafah 800$ pour le droit de partager un petit appartement avec une famille déjà installée.

Nous ne savons pas où nous allons. Netanyahou insiste pour tuer. Les médias internationaux sont stupides, comment vont-ils justifier d’avoir soutenu cela.

Pour la Résistance, seul parle le Hamas, et très mal. Il a déclaré dans un média : protéger la population, ce n’est pas notre responsabilité, mais celle de l’UNRWA… Et les autres groupes de la Résistance suivent sans dire un seul mot, seul lui parle. Mais imagine, l’occupation a totalement détruit le nord de la bande de Gaza. Quand les gens pourront rentrer à ce qui était chez eux, ils vont les manger.

Il reste l’extrême misère. Quand les gens se sont déplacés du nord vers le sud, les soldats d’occupation les ont rançonnés, ont pris tout l’argent possible, tout ce qui pouvait se voler.

Du coup pour nous tous, en zone centrale, la question urgente est d’aller à Rafah. Parce que la peur est que l’occupation coupe la route, et que l’on sait ce que cela veut dire d’exactions et d’exécutions sur ceux qui essaieront alors de bouger, alors chacun voudrait passer avant. Les images de ce qui s’est passé à Gaza-ville nous hantent tous, par exemple ce stade avec des milliers de personnes entassés, sans vêtements.

Tant qu’on ne peut pas regarder la télé, on arrive à vivre, mais dès qu’on peut l’allumer, on ne peut plus que pleurer. »

 

Dans la région d’Al-Zawaida, plus précisément dans l’école préparatoire communale pour réfugiés d’Al-Zawaida, plus de 350 familles ont trouvé refuge dans cette école en cours de construction, s’abritant entre ses murs des bombardements, du froid et de la pluie.
La plupart de ces familles ont quitté les régions de Nuseirat et de l’est de Bureij. Les habitants du nord-ouest de Nuseirat, ainsi que des camps de Bureij et de Maghazi, ont été informés qu’ils devaient se diriger vers la région de Deir al-Balah.
Les habitants du nord-ouest de Nuseirat ont évacué, mais les habitants de l’est de Bureij et de Maghazy n’ont pas respecté cet avertissement, de sorte que l’occupation a commencé à bombarder la zone à l’est de Bureij le 24 décembre au soir et a continué jusqu’au matin du 25 décembre à bombarder les zones orientales du camp de Bureij d’une manière insensée, ce qui a entraîné le déplacement des habitants qui se sont réfugiés dans la zone Al-Zawaida, plus précisément vers cette école et quelques rues attenantes, à la recherche de sécurité
Ces familles n’ont pas dormi ni mangé pendant deux jours. J’ai parlé à de nombreuses familles pendant leur déplacement et pendant les bombardements. Pendant deux jours, personne ne s’est soucié de ces familles et ni l’UNRWA ni aucune autre institution ne leur a fourni de nourriture ou d’aide.

Cette école est entièrement remplie de réfugiés et, pendant que j’y étais, certaines familles sont venues à l’école et n’ont pas trouvé de place dans les salles de classe, si bien qu’elles ont préféré s’installer dans la cour de l’école plutôt que de rester dans la rue.
Personne ne peut imaginer à quel point les conditions de vie des déplacés qui se trouvent dans cette école et dans les environs sont mauvaises. Il n’y a ni eau, ni électricité, ni rien pour dormir. Ils ont quitté leur maison à la hâte et n’ont rien pu emporter avec eux.

Certaines familles ont pu apporter ce qu’elles pouvaient, mais la plupart des réfugiés sont partis sans rien.

 

La bande de Gaza à ce jour à cette heure

La bande de Gaza peut maintenant être décrite, si on la compare aux pays voisins ou à ce qu’elle était avant le 7 octobre, comme une zone qui est devenue hors du cadre de la civilisation.
La plupart des maisons, des magasins, des écoles, des hôpitaux, des laboratoires et des lieux de culte ont été entièrement ou partiellement détruits. On voit des décombres partout, et la plupart des rues sont fermées par les débris des maisons.
Les eaux usées sont partout, et pour parler franc dans toutes les rues, ce qui a conduit à la propagation d’épidémies. Les enfants marchent dans les rues sans chaussures, dans les eaux usées, car il n’y a pas d’endroit propre où ils peuvent marcher.
Les charrettes tirées par des animaux sont omniprésentes et ont remplacé les voitures, devenant le principal moyen de transport et d’acheminement des marchandises
L’électricité est presque inexistante, sauf dans certaines maisons équipées de panneaux solaires. Ce sont les rares maisons qui ont survécu aux bombardements ou qui n’ont pas été endommagées par les éclats d’obus.
De même, l’accès à l’internet est quasiment inexistant, sauf par le biais de cartes SIM électroniques achetées à l’étranger,  en envoyant des codes qui sont téléchargés sur les réseaux israéliens disponibles. Il faut pour cela qu’il y ait de l’électricité pour recharger le téléphone, et ces réseaux sont disponibles dans des zones très élevées, de sorte qu’il est possible de capter le réseau et de surfer en ligne par leur intermédiaire.
En bref, la bande de Gaza est revenue des décennies en arrière et devra être reconstruite pendant au moins dix ans, pour qu’elle redevienne ce qu’elle était avant le 7 octobre.
Sur le plan humain, tous les habitants de la bande de Gaza ont besoin d’une reconstruction psychologique, en particulier les enfants et les femmes. Voici un petit résumé de la situation dans la bande de Gaza.

 

Aujourd’hui, mercredi 27 décembre, 950 repas ont été distribués aux réfugiés de l’école préparatoire commune d’Al-Zawaida et aux tentes situées autour du mur de l’école.
La veille de la distribution, l’équipe de travail a procédé au recensement de ces réfugiés, et les repas ont été distribués en fonction des listes enregistrées (la liste des familles auxquelles les repas ont été distribués sera incluse).
La distribution de ces repas a bénéficié à 392 familles, soit 2 069 personnes.
Les responsables de cette école ont remercié pour ce don qui a permis à ces réfugiés de tenir bon, en espérant que cette institution continuera à donner.


 

Ce Samedi 30 Décembre nous avons créé un groupe watts’app de deux personnes en France dont je fais partie avec Marsel et l’association Ibn Sina pour recevoir directement les informations, récits, témoignages et questions. Donc voici les informations reçues ce jour .

« Bonjour camarades, je suis heureux d’être ici avec vous, et parce que l’objectif noble et humanitaire nous rassemble, nous pouvons créer ensemble une réalité plus juste et plus humaine pour les déplacés et les personnes touchées par la guerre. à Gaza. Tout changement, même minime, dans la réalité tragique sous tous ses aspects ici à Gaza, pourrait conduire à changer l’avenir de toute une famille, et pourrait sauver la vie des uns et alléger les souffrances des autres. »

Une urgence l’installation de toilettes et de sanitaires pour toute une population de déplacé.e.s

Ensuite Marsel envoie 39 photos des toilettes et installations sanitaires réalisées.

« Merci. Ainsi, à ce jour, nous avons réalisé 12 salles de bains individuelles (6 salles de bains doubles) prêtes à être utilisées par les déplacés dans les zones qui ne disposent pas d’infrastructures sanitaires ni d’installations permettant aux déplacés d’aménager des toilettes. Chacun a également été sensibilisé à travers les mokhtars sur l’importance de préserver la propreté des lieux, notamment après utilisation. L’éducateur sanitaire entreprendra également la tâche d’éduquer les mères, qui à leur tour éduqueront leurs enfants et les avertiront du danger de négliger la propreté des lieux et des épidémies et maladies qui en résultent. »

Marsel nous écrit maintenant régulièrement sur notre groupe whatsApp le 31/12

« C'est un travail collectif et coopératif que nous devons accomplir au nom de l'humanité. Tout le monde a participé à sa réussite : vous, Brigitte, Sarah, Pierre, moi, les sympathisants, le Mouvement Solidaire, le personnel bénévole, même cette femme qui n'a pas de nourriture chez elle et qui fait pourtant de son mieux pour nous offrir une tasse de thé. nous travaillons. Ce père, amputé d'une jambe, a trois enfants atteints de paralysie cérébrale, mais il a tenu à participer avec nous aux travaux de préparation de la fosse d'épuration. Nous avons tous participé pour des raisons humanitaires et avec tout ce que nous pouvions offrir pour soulager les souffrances des opprimés et des déplacés.
La question de la réception de l’argent envoyé à partir des collectes françaises est un casse tête
« Oui, je suis confronté à un problème de ne pas pouvoir retirer d'argent de W U, et cela pour plusieurs raisons :
 1. A Rafah, il n'y a que deux bureaux de WU qui travaillent 2 à 3 jours par semaine seulement.
 2. Il y a une très forte affluence devant les bureaux de change WU. Certains ici dorment dans la rue jour et nuit pendant une journée entière pour pouvoir rester dans la file d'attente.
 3. Il y a un problème de trésorerie et un manque de liquidités.
 4. La majorité, qu'elle soit de Rafah ou des gouvernorats voisins, se rend dans ces deux bureaux de change pour retirer des transferts d'argent car c'est presque le seul moyen de dépenser pour eux-mêmes en raison du manque de salaires et de la rareté des aides, ce qui contraint leurs proches à l'étranger pour effectuer un transfert financier pour les aider.
5. Il n’y a pas d’heures ni de jours précis pour le travail de WU ici. Au cours de la période précédente, le travail se poursuivait et nous avons pu prendre chez les fournisseurs tout ce dont nous avions besoin jusqu'à recevoir le transfert, mais maintenant je m'efforce de trouver une méthode appropriée et rapide, et si nous ne trouvons pas, nous serons obligés d'adopter le transfert de WU vers la banque malgré les inconvénients de cette méthode en termes de temps. »
Un message whatsApp de Marsel le 1er Janvier 2024 au matin
« Nous sommes fiers de vous tous. Vous êtes notre voix, la voix des opprimés qui hante l’esprit des auteurs de crimes de guerre. Vous faites partie de nous, notre cause, votre cause. Nous vous remercions d’être sortis dans la nuit froide pour déclarer votre solidarité et exiger la fin des meurtres d’enfants et de femmes, car ce qui se passe doit cesser définitivement. Je veux que mes enfants vivent dans une santé mentale normale, loin des guerres et des génocides qui se répètent périodiquement et semestriellement. Nos compagnons, aujourd'hui j'ai envoyé un éducateur sanitaire dans les zones dans lesquelles nous avons travaillé dans le but de guider les femmes et les enfants. concernant l'hygiène personnelle et les mécanismes appropriés pour protéger les membres de la famille contre les maladies résultant de la pollution et du manque d'attention à l'hygiène personnelle. 
Je suis maintenant devant le bureau de Western Union depuis le matin. Il y a une très grande foule. Si vous pouvez arriver Aux employés qui tentent d'organiser les clients à la porte du bureau de WU, je pourrai recevoir le transfert, j'espère réussir aujourd'hui. »

 

Dans l’après-midi

« Je n’ai pas réussi jusqu’à ce moment. Ce bureau de WU a ouvert soudainement pendant quelques heures, puis a fermé ses portes après que l’argent ait été épuisé. Cependant, la foule et les files d’attente étaient interminables, et les files d’attente sont restées même après la fermeture des portes du bureau de WU. »

« Je fais maintenant une dernière tentative et je vous tiendrai au courant ce soir de ce qui s’est passé ainsi que des solutions alternatives. »

« J’ai rencontré le directeur de WU. Il retirera le montant de notre transfert d’argent, à condition que le montant transféré soit en dollars. Pouvons-nous annuler le transfert et effectuer un nouveau transfert financier dont le montant envoyé sera en dollars ? Remarque : Nous avons été autorisés à effectuer deux virements, le premier au nom de Mersal et le second au nom d’une autre personne, avec un maximum de 3 000 pour chaque nom. Malheureusement, le taux de change du dollar sera de 350 shekels pour 100 dollars, soit environ 20 shekels de moins que le prix du marché. »

Sur le messenger de Sarah

« J’attends votre réponse. Il est possible de modifier le montant du transfert au nom de Mersal du shekel au dollar. J’ai également appris du propriétaire d’un autre bureau de change que les virements bancaires depuis l’Europe vers Gaza sont disponibles et que cela prend une semaine, ainsi que depuis Western Union vers des comptes bancaires à Gaza. »

« Merci, chère Sarah. Merci à tous. Ce fut une journée fatigante, mais cela a payé à la fin et nous avons réussi Tout va bien. Dès que nous recevrons le montant, je vous en informerai. Je vais bien, mais je souffre d’un peu de fièvre depuis un moment. Quoi qu’il en soit, je reviendrai vers le directeur de WU. J’espère que je ne suis pas en retard. Si je le trouve, je recevrai immédiatement l’argent de sa part. J’espère que vous passerez tous un bon moment »

Activités d’Ibn Sina aujourd’hui 1er Janvier 2024

« Aujourd’hui, de nombreuses familles déplacées ont été visitées et des séances d’éducation sanitaire ont été organisées pour les enfants et les femmes dans le but de les sensibiliser à l’importance du maintien de l’hygiène personnelle et de les avertir des effets néfastes et dangereux sur la santé résultant des comportements malsains que certaines personnes peuvent adopter. L’éducateur sanitaire m’a dit que les familles étaient heureuses lors des séances d’éducation sanitaire et a renouvelé ses remerciements aux sympathisants qui ont grandement contribué à atténuer un problème majeur auquel ils étaient confrontés, notamment les femmes. »

Abu Amir, 1er janvier 2024, par Messenger à Sarah

« Le 28 décembre au soir : Nous avons passé une nuit difficile dans la zone d’Al-Sawarha de la région d’Al-Zawaida. C’est dans cette zone que nous avons passé une semaine terrifiante après avoir été déplacés de notre maison de Nuseirat. Les bombardements ont commencé la nuit, plus précisément à huit heures du soir. Les bombardements étaient intenses et continus, provenant des canons des tanks, des navires de guerre, et des avions F16. Nous nous sommes rassemblés dans les escaliers de la maison pour nous abriter des obus. Nous étions assis les uns contre les autres. Les enfants enfouissaient leur tête sur nos genoux, et parfois ils criaient lorsque les obus touchaient le sol. Le pire moment est d’entendre l’obus exploser. Même s’il ne touche le sol que dans quelques secondes, il est accompagné du sifflement du projectile qui s’élance et frappe le sol, vous plaçant ainsi entre la vie et la mort.

J’ai honte de dire que nous étions rassurés lorsque l’obus tombait à un autre endroit, alors qu’il a pu tomber sur une autre maison et tuer d’autres personnes, mais ce réconfort s’accompagnait d’une grande terreur quand le projectile suivant était tiré. Le temps passait très lentement, et parfois les obus s’arrêtaient pendant une minute ou plus, pendant laquelle nous nous endormions et nous réveillions avec le bruit d’un autre obus.

Enfin, la lumière du matin s’est levée, la fréquence des bombardements a diminué et nous avons commencé à entendre le bruit des charrettes à traction animale qui descendaient la rue. Nous avons regardé prudemment par la fenêtre et avons constaté que les gens avaient commencé à charger ce qu’ils pouvaient sur les charrettes et à quitter la zone. Nous avons alors compris que nous avions miraculeusement échappé à une mort certaine. Nous nous sommes mis à la recherche d’un camion pour transporter ce que nous pouvions prendre et quitter la zone rapidement avant que les bombardements ne reprennent.

Nous étions 13 personnes, ma famille, la famille de mon frère et la famille de ma fille. Nous nous sommes dirigés vers le sud, le long de la route côtière, en espérant que cette route serait sûre. Le long de la route et à perte de vue, il y avait des charrettes et des camions chargés de réfugiés fuyant l’enfer, se dirigeant vers le sud, vers la zone d’Al-Mawasi qui s’étend de Khan Yunis à Rafah, mais nous allions vers l’inconnu. Où allons-nous nous installer ou comment allons-nous vivre ? La réponse était inconnue de tous.

Pendant que nous avancions et que nous circulions dans les véhicules, nous avons vu certains de nos proches, qui avaient quitté la ville de Gaza pour Deir al-Balah, se dirigeant en direction de Rafah. Nous avons également vu nos voisins de Nuseirat. Tous nous ignorions notre sort. Des souvenirs me sont revenus à l’esprit, en regardant ce déplacement, ceux du montage de la vidéo sur la Nakba que nous avons diffusé en France. Un spectacle douloureux qui m’a fait couler des larmes sans que je m’en rende compte. Ma femme, qui était assise sur le siège voisin, a remarqué mes pleurs silencieux et s’est mise à pleurer en me disant : « Dieu merci, notre famille et nous-mêmes allons bien et nous sommes sortis sains et saufs », mais le sentiment que nous éprouvions, alors que nous quittions notre maison en tant que réfugiés pour aller vers l’inconnu, et que nous ne savions pas si nous allions rentrer chez nous ou si le destin allait nous emporter au loin, nous brisait le cœur.

Nous sommes arrivés au début de la zone d’Al-Mawasi, dans la région de Khan Yunis, et des tentes de réfugiés ont commencé à apparaître de loin au-dessus des dunes de sable. La plupart de ces réfugiés ont perdu leur maison et leurs proches. Nous avons continué notre voyage, pour trouver des milliers de tentes, et au fur et à mesure que nous avancions, la foule augmentait, et l’image de la souffrance commençait à apparaître plus clairement qu’auparavant.

Nous avons continué à marcher jusqu’à ce que nous entrions dans la zone de Rafah, où nous avions l’impression d’être dans un autre monde ou dans une autre période de l’histoire. La cohue était énorme et étouffante. Il nous a fallu trois heures pour parcourir un kilomètre. Les eaux usées recouvraient les rues et les odeurs nauséabondes étaient omniprésentes. Un grand nombre de personnes mendiaient et demandaient de la nourriture. Ce qui m’a vraiment blessé, c’est une femme accompagnée de ses enfants qui sollicitait les voitures qui me précédaient, afin de pouvoir nourrir ses enfants. Lorsqu’elle a atteint ma voiture, elle s’est adressée à nous et nous a dit : « Je vous en supplie et je vous embrasse les pieds. Donnez-moi n’importe quoi pour nourrir mes enfants. » Je lui ai donné un peu d’argent et je jure que moi et tous ceux qui étaient avec moi avons pleuré.

Nous avons continué à avancer jusqu’à ce que nous atteignions la maison d’amis qui nous ont hébergés. De mon point de vue, et d’après ce que j’ai vu, la zone d’Al-Mawasi à Khan Yunis et Rafah souffre d’une véritable catastrophe humanitaire, et même si la guerre s’arrête, cette crise ne prendra pas fin, et la bande de Gaza aura besoin d’années pour relever les gens et reconstruire les hôpitaux, les écoles et les maisons. C’est pourquoi j’appelle tout le monde, qu’il s’agisse d’individus ou d’institutions, à travailler pour soutenir la bande de Gaza afin qu’elle puisse faire face à cette catastrophe humanitaire.

Nous travaillons actuellement à fournir les repas et les vêtements nécessaires à ces réfugiés dans ces régions, en fonction de ce que nous trouvons sur les marchés. »

(…)

 

mise à jour jeudi 4 janvier 2024

 

Maintenant c’est Sarah qui reçoit le fil d’informations d’ Abu Amir et c’est Béatrice de l’ UJFP et Brigitte Challande qui reçoivent le fil d’info de Marsel du centre Ibn Sina.

 

Abu Amir envoie le 3/01/24 au Matin par messenger à Sarah

« Une brève description de ce que nous faisons en ce moment.

Comme vous le savez, des centaines de milliers de tentes ont été installées dans la zone de Mawasi, Rafah, où s’entassent les réfugiés. Chaque tente mesure 3 mètres sur 3 mètres et abrite trois ou quatre familles vivant dans des conditions sanitaires difficiles. Nourrir ces familles nécessite un budget considérable.

C’est pourquoi, après avoir étudié la situation sur place, nous avons décidé d’apporter une aide aux réfugiés qui vivent dans des zones reculées qui ne peuvent être atteintes par l’aide humanitaire, c’est-à-dire des zones qui se trouvent à 100 mètres de la côte et qui sont éloignées du centre d’aide aux déplacés : il faut marcher environ 4 kilomètres pour l’atteindre.

Hier, nous avons fourni 200 repas et aujourd’hui nous recommençons. Nous fournirons 200 repas et nous vous fournirons un rapport détaillé sur ce travail une fois qu’il sera terminé.

Nous sommes confrontés à un problème majeur, celui de l’Internet pour le téléchargement des images et des fichiers. C’est pourquoi dix photos expressives seront envoyées à chaque fois, accompagnées d’un rapport sur la situation. »

Rapport écrit par Abu Amir sur la situation accompagné de 3 photos

Ce 3 janvier est un nouveau jour pour la souffrance des réfugiés fuyant Khan Yunis, la région centrale, et le nord de la bande de Gaza.

Dans le pire des cas, les personnes déplacées souffrent de la pauvreté et de la faim à l’intérieur des tentes qui s’étendent sur les dunes de sable infinies, elles souffrent du froid extrême et de la pluie qui s’infiltre à l’intérieur des tentes. Les réfugiés ne sont plus maîtres d’eux-mêmes. Les cris et les querelles sont devenus leur nature. Les hommes attendent toute la journée devant les lieux de distribution de l’aide pour fournir de la nourriture à leurs enfants, et la plupart du temps ils reviennent sans rien, et les femmes cuisinent ce qui est à leur disposition.

Nous voyons tous les jours au cours de nos tournées beaucoup de choses déchirantes. Des enfants pieds nus courent après la voiture pendant la distribution, commandent des repas, et les femmes nous supplient de leur donner un repas supplémentaire.

Nous essayons autant que possible de distribuer ce qui est en notre pouvoir, mais les chiffres sont énormes et rendent nécessaire que des pays donateurs répondent à ces besoins, et pas seulement des institutions.

La quantité d’aide qui entre à Gaza est totalement insuffisante et mal gérée, et plus de 45 % des réfugiés ne reçoivent pas d’aide, en particulier dans les zones proches de la côte. Comme nous l’avons vu, les réfugiés préfèrent rester loin des refuges autant que possible, en raison des mauvaises conditions dans ces zones, de la propagation des maladies, et des eaux usées répandues parmi les tentes et le manque d’intimité. C’est ce dont ont parlé la plupart des réfugiés qui ont préféré résider sur les terres adjacentes au bord de mer, malgré le danger qui les menace avec les bateaux de guerre.

Aujourd’hui, nous avons également remarqué le très grand nombre de camions transportant des personnes déplacées du centre de la bande de Gaza, comme Nuseirat et Al-Bureij, qui ont été très bombardés la nuit dernière. Les avions d’occupation ont jeté des tracts indiquant que les zones de Nuseirat et d’Al-Bureij étaient des zones d’opérations de l’armée israélienne et que tous les habitants devaient se rendre dans la zone de Deir al-Balah, mais les habitants de ces zones ont préféré se rendre directement à Rafah, car ils savent que la zone de Deir al-Balah sera la prochaine à être déplacée.

À notre retour, nous avons remarqué que la plupart des réfugiés faisaient la queue à l’entrée côtière de la ville de Rafah et qu’ils ne savaient pas où aller. Il n’y a pas d’organisme officiel qui accueille ou guide ceux qui cherchent un endroit où ils puissent rester (c’est un grand désordre). Enfin, avant la fin de la distribution, il nous reste une trentaine de repas, nous avons pensé les distribuer aux arrivants.

En effet, nous avons pris la route côtière jusqu’à la zone située entre Khan Yunis et Rafah, et nous avons commencé à arrêter les camions et à distribuer des repas aux réfugiés arrivant à Rafah.

Ce qui nous a amenés à penser que ces réfugiés n’avaient peut-être pas mangé depuis hier, et qu’une fois arrivés à Rafah, ils ne trouveraient pas facilement de la nourriture, et que leurs conditions seraient pires que celles des personnes qui se sont installées et qui connaissent la région.

Aujourd’hui et hier, nous avons distribué 400 repas. Demain, nous nous efforcerons de distribuer des repas aux réfugiés qui empruntent la route côtière jusqu’à Rafah, afin de les accueillir avec ces repas. Ces repas les aideront à nourrir leurs enfants et leur feront sentir qu’il y a de l’espoir pour la suite.

Le matin du mercredi 3 Janvier l’alerte est maximale pour la famille de Marsel, voilà les informations concernant son frère que Marsel nous donne ; sa famille est retournée au camp de Jabalia dans le nord de la bande de Gaza pour assister les parents de sa femme.

« L’occupation a détruit une maison de la famille Al-Khalil dans le « Bloc 2 » au nord de Gaza, au-dessus des têtes de ses habitants. J’ai quitté mon équipe de travail et je suis sorti. La maison dans laquelle étaient logés mon frère, sa famille, ses enfants, sa femme et plus de 100 personnes a été prise pour cible. Je prie pour lui que sa famille va toujours bien. J’ai besoin de vos prières. Je suis presque en train de mourir de peur pour lui. »

Le soir nous apprendrons par Marsel : son frère et toute sa famille ont été écrasés par les bombes . Ses propos à Sarah par messenger

« Ils ont tous été martyrisés, Sarah, tous. J’essayais de me contrôler depuis le matin devant mon père et ma mère. J’ai eu des nouvelles de leur martyre par un ami, jusqu’à ce que j’en sois sûr. J’étais dans un état d’effondrement, le tenant en moi. Ils se sont suicidés. J’essayais de me contrôler. Je ne l’ai pas dit à mon père et à ma mère parce qu’il y avait des nouvelles comme celle-là. Ça les détruira. Muayyad mon frère, l’épouse de Muayyad, ses trois filles et un certain nombre d’autres martyrs de sa famille ont tous été martyrisés. Hier, je vous ai dit que Muayyad était un morceau de mon cœur et qu’ils l’ont tué et effacé sa famille de l’état civil. Ils m’ont tué et ont tué mon père, ma mère et mes jeunes frères. Nous vivrons avec cette tristesse et cette douleur. le reste de notre vie. Une vingtaine de martyrs. Les criminels les ont tous exterminés. Ma mère et mon père sont à l’intérieur et tentent de connaître le sort de Muayyad. Je ne veux pas leur dire maintenant. Mes autres frères Muhannad et Mersal, pendant que je suis dehors, pleurent en silence. »

Marsel nous envoie une photo de son frère Muayad avec sa fille Milan prise la veille au soir, il n’arrive pas à croire à cette nouvelle, ne sait comment le dire à ses parents, doit attendre demain pour leur annoncer de vive voix et espère encore un miracle car il n’a pas trouvé la confirmation de sa mort aux informations sur internet.

Le Jeudi 4 Janvier à 14H voici le message que nous a adressé Marsel sur le groupe WhatsApp

« Chers camarades, ce qui arrive à ma famille s'est produit des milliers de fois et cela arrive quotidiennement. Le jour où l’occupation a anéanti la famille de mon frère, l’occupation a anéanti d’autres familles dans les gouvernorats d’Al-Wasiti, Rafah et Khan Yunis. Ce que je demande, c'est que vous ne cessiez pas de dénoncer cette occupation. Ne restez pas silencieux et vous devez crier à pleine voix pour les dénoncer. Depuis hier, mon frère et ses filles sont sous les décombres, et aujourd'hui les voisins de la maison ont pu récupérer le corps de Moayad, coincé sous le toit de la maison, et sa cadette, ainsi que les corps de Mila, leur fille d'un an et demi, et Maya, leur fille de 9 ans,est toujours sous les décombres. Merci pour vos condoléances et votre solidarité constante »
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Maintenant l’équipe d’Abu Amir rédige intégralement le document de leur activité ! 4/01/24

Les bombardements se sont intensifiés hier et avant-hier dans les zones du centre de la bande de Gaza (Nuseirat – Al-Bureij – Al-Maghazi).

L’armée d’occupation a commencé à avancer ce matin dans les zones situées à l’est de la rue Salah al-Din et à les assiéger, c’est-à-dire les zones Al-Maghazi et Al-Masdar, ce qui a incité des milliers d’habitants à quitter ces zones et à fuir vers les zones de Mawasi Rafah et Khan Yunis. Par conséquent, l’équipe de travail a commencé à se préparer depuis ce matin pour aider ces personnes déplacées et leur fournir des repas.

Nous nous sommes donc rendus à l’entrée de Khan Yunis, sur la seule route côtière reliant le centre de Gaza au sud, et nous avons commencé à accueillir les personnes déplacées, à arrêter les camions et à leur fournir des repas et des bouteilles d’eau. Vous ne pouvez pas imaginer la joie de ces personnes déplacées lorsque nous les avons accueillies.

Nous leur avons fourni ce qui leur permettait de survivre. La plupart d’entre eux avaient faim, étaient inquiets et se demandaient comment ils allaient pouvoir se nourrir aujourd’hui. Ces camions étaient remplis de femmes et d’enfants.

Nous étions donc heureux de voir les sourires sur leurs visages.

Aujourd’hui, nous avons distribué 200 repas. Le cuisinier nous a informés qu’il ne pourra pas préparer les repas pour le lendemain (vendredi) en raison d’un manque de matériel de cuisine, et que samedi, le matériel de cuisine sera prêt. Samedi prochain, nous recommencerons à fournir des repas aux personnes déplacées.

Lien pour l’ensemble des photos du 4 janvier :

https://drive.google.com/drive/folders/1ONTvdE2Ll3xpEwCMTty3FJziAwinIVS-?usp=drive_link


(…)

mise à jour le 8 janvier 2024

Témoignages de Gazaouis: Au jour le jour dans l’enfer de Gaza suite ICI

 

Photo 1 source UJFP
Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.