La Tempête
« Cet éclatement de la communauté humaine en proie à la peur de l’inconnu pourrait aussi refléter l’état de nos fragiles démocraties contemporaines. Voilà le cri de notre universalité menacée »
Cette pièce comptant parmi les dernières de Shakespeare s’inscrit dans un tout autre registre théâtral. C’est une tragi-comédie romanesque, un genre dramatique caractérisé par un dénouement heureux succédant à des événements dramatiques.
Point de convergence avec les « Sorcières », le surnaturel y occupe une place non négligeable. L’œuvre énigmatique semble inviter à une interprétation symbolique tout en résistant aux tentatives d’élucidation. Voilà qui résonne bien avec le contexte du grand confinement, une pointe de restauration monarchique et une inédite opacité dramaturgique.
Arrêt des déplacements, enfermement obligatoire, nous voilà brutalement condamnés à faire vivre nos états intérieurs hors de toute mécanique fonctionnelle. Sauf évidemment pour se nourrir, mourir, et pour les questions de prise de pouvoir. Belle situation shakespearienne qui touche, dans la Tempête, à l’apprentissage de la sérénité.
Le monde des étudiants de L3 n’est pas le monde d’il y a quatre cents ans. Il est le monde où nous sommes, et grâce au théâtre, celui de tous les êtres humains depuis nos origines. « Un navire coule sous les assauts d’un cataclysme terrifiant, les uns tentent de le sauver, les autres continuent de donner des ordres et d’imposer leur pouvoir. Certains prient, d’autres pleurent, d’autres font de la philosophie, et même des plaisanteries obscènes », décrit Edward Bond à propos du texte, et il ajoute : « Cet éclatement de la communauté humaine en proie à la peur de l’inconnu pourrait aussi refléter l’état de nos fragiles démocraties contemporaines. Voilà le cri de notre universalité menacée ».