Le 5 novembre, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi « vigilance sanitaire » qui autorise le recours à l’état d’urgence et au pass sanitaires jusqu’au 31 juillet 2022.


 

Après des débats houleux, l’échec de la commission paritaire a été suivi du rejet du projet de loi « Vigilance sanitaire » par le Sénat. Puis, sans surprise, l’Assemblée nationale a validé en lecture définitive (très accélérée), le recours au pass sanitaire et au « régime de sortie de l’État d’urgence sanitaire » jusqu’au 31 juillet 2022. Le texte a été voté par 118 voix pour, 89 contre et une abstention. 208 votants sur 577 députés : l’absentéisme (près de 64 %) sort majoritaire de ce suffrage.

 

Une loi, deux régimes d’exception

 

L’état d’urgence sanitaire a été mis en place en France pendant la crise du Covid-19 pour renforcer la sécurité sanitaire et lutter contre la propagation de l’épidémie. Ce régime d’exception peut être décidé en conseil des ministres, mais au-delà d’un mois, sa prorogation doit être autorisée par la loi. Il permet au Premier ministre de réglementer les déplacements, l’utilisation des transports collectifs, d’imposer des jauges de personnes et des gestes barrières, des restrictions dans les commerces, d’interdire les réunions, les rassemblements publics, mais également de déclarer un couvre-feu et un confinement généralisé de la population. Ce dispositif a pris fin le 1er juin 2021, en métropole, pour laisser place au  « régime transitoire suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire », désormais prolongé jusqu’à l’été 2022.

À la différence de l’état d’urgence sanitaire, le régime transitoire (réf. article Public Sénat, mai 2021) n’autorise pas le gouvernement à imposer à la population un couvre-feu ou un confinement local, sauf si un nouvel état d’urgence est décrété.
Avec la loi « Vigilance sanitaire », l’exécutif se réserve « l’usage possible de l’état d’urgence sanitaire jusqu’à l’été 2022 », en cas de « crise extrême ».

La durée du recours à ces dispositifs exceptionnels enjambe allègrement la présidentielle. Le Sénat avait plaidé pour une prolongation de trois mois qui aurait obligé le gouvernement à repasser par la “case Parlement” fin février.

Le texte final donne les pleins pouvoirs sanitaires à l’exécutif sans aucun contrôle parlementaire pendant la période électorale, l’Assemblée nationale devant suspendre ses travaux de fin février jusqu’aux législatives en juin 2022.

Le gouvernement a désormais tous les outils en mains pour pallier la crise.

 

Quand le flou persiste

 

Durée de la loi et état d’urgence sanitaire, territorialisation des mesures, préservation du secret médical, les modifications majeures du projet de loi par le Sénat ont été rejetées par la majorité. Certes, le texte précise que le recours aux restrictions doit être justifié par des critères tels que le taux de vaccination, le taux de positivité et de saturation des lits d’hôpitaux, mais il ne fixe aucun seuil chiffré.

Les chefs d’établissements scolaires sont autorisés à accéder au statut virologique et vaccinal des élèves.

Les sanctions en cas de fraude au pass sanitaire sont également renforcées. Le prêt du sésame est sanctionné de 135 euros d’amende. L’utilisation, l’établissement et la vente de faux passes sont punis de cinq ans de prison maximum et 75 000 euros d’amende, contre trois ans et 45 000 euros avant.

En Guyane et en Martinique, l’état d’urgence sanitaire est prolongé jusqu’au 31 décembre 2021.

L’Organisation mondiale de la santé alerte sur le rythme « très préoccupant » de transmission du Covid-19 en Europe actuellement et le gouvernement affirme que les dispositions de la loi sont justifiées. L’exécutif souligne qu’un débat parlementaire pourrait avoir lieu vers le 15 février et qu’un éventuel retour au régime de l’état d’urgence sanitaire serait soumis au Parlement.

Peu convaincues, les oppositions de droite comme de gauche demandent « un examen en bonne et due forme de la politique gouvernementale » avec vote décisionnel. Elles ont prévu de recourir au Conseil constitutionnel.

Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.