On a coutume d’associer la commune avec la démocratie de proximité, premier échelon administratif au contact avec le citoyen, mais l’intercommunalité qui assure de plus en plus de compétences au détriment des communes a progressivement changé la donne.


 

Elle est historiquement aussi un milieu d’émancipation : les premières communes ont réuni des communautés « affranchies » d’un certain nombre d’obligations envers les seigneurs ou encore l’église qui détenaient un pouvoir considérable sur les communautés paysannes. Celles qui vont constituer ces communes affranchies sont faites de marchands, d’artisans ou encore de négociants, les « bourgeois » qui seront les gagnants de la révolution de 1789.

La révolution abolira d’ailleurs les anciennes et nombreuses subdivisions territoriales et administratives pour ne garder que la commune qui devient municipalité — et avec la première commune de Paris, un arrière goût de liberté et de subversion — et créer les départements, brisant ainsi les anciennes seigneuries tout en organisant le pays à l’échelle de ses 100 départements dont on dit qu’il fallait une journée de cheval pour les traverser.

 

Photo Nous l’Europe. Banquet des peuples de Laurent Gaudé adapté et mis en scène par Laurent Auzé. Photo DR

 

La coopération intercommunale, avant l’intercommunalité

De longue date, les communes se sont organisées entre elles avec des syndicats intercommunaux, des groupements de communes, pour des services publics comme la gestion des ordures, l’adduction d’eau mais les décisions finales étaient toujours celles des conseils municipaux. La démocratie de proximité avait le dernier mot ; les communes gardaient leurs prérogatives de politique générale sur l’ensemble du territoire.

Dans les années 1990, les communautés de communes sont devenues un nouvel échelon administratif ; les conseillers étaient nommés par les maires et formaient une assemblée délibérative investie d’une partie des pouvoirs des conseils municipaux. Cette première étape préfigurait le projet de la DATAR, mis en œuvre en 2001, celui des communautés d’agglomération avec pour objet la réduction du nombre de collectivités locales. Le chiffre mythique du nombre de communes françaises, 36.000, apparaissait anachronique en Europe. Il s’agissait ainsi d’encourager, en le rendant obligatoire, le regroupement de communes. Mais ces regroupements sous-tendaient des transferts de compétences desdites communes aux communautés de communes, puis d’agglomération. En 2014, les métropoles furent mises sur pied, remettant en cause les départements où elles se constituaient et laissant à leur propre sort des territoires ruraux.

La commune, dirigée par un conseil municipal, est en charge selon la loi « en matière de politique générale sur le territoire concerné ». Les transferts de compétences ont créé lesdites compétences de toutes pièces mais ne devaient a priori rien soustraire aux possibilités d’intervention du conseil municipal en matière de politique générale, ou du maire, premier magistrat d’une commune. Dans les faits, si les transferts de compétences ont permis de faire des économies d’échelles, ils ont aussi rendu aux multinationales et aux grandes entreprises les marchés publics plus attractifs. Les transferts de compétences posent également une question de légitimité démocratique. Ils éloignent les citoyens des centres de décisions et donnent aux maires et conseillers municipaux la possibilité de renvoyer leurs responsabilités à l’échelon intercommunal.

Une crise sanitaire gérée par les « anciens » élus

Après des élections municipales mises en suspens et malgré l’élection de certaines dès le premier tour, puis un deuxième tour mis en attente, ce sont finalement les administrations élues depuis 2014 qui sont en charge de la crise du coronavirus. Une nouvelle intervenue en plein confinement, lors de la première semaine, entérinant par là même le maintien de communautés d’agglomérations et des métropoles. Dans les communes où les listes ont été élues dès le premier tour, il n’a pas été possible de procéder à l’élection des maires et des adjoints. Ce sont donc les équipes élues en 2014 qui se sont retrouvées face à la crise. Cette situation spécifique a provoqué un effet d’inertie à l’échelle des intercommunalités.

L’annonce du confinement, le 12 mars, a donné lieu à différentes attitudes en terme d’information aux citoyens, selon les communes. Dans l’agglomération du Grand Avignon et les communes environnantes, des maires ont parfois réagi tout de suite, comme à Althen-des-Paluds ou encore Entraigues-sur-la-Sorgue où dès les premiers jours du confinement, les municipalités ont fait connaître les numéros de téléphone utiles aux citoyens et ont donné les informations dont elles disposaient par voie électronique ou dans les boîtes aux lettres — parfois aussi les dispositions prises pour les personnes isolées ou fragiles.

Ailleurs, comme dans la commune de Vedène, le premier réflexe de la municipalité a été de fermer l’ensemble des services. Pas de nouvelles de la municipalité avant la deuxième semaine, et seulement via facebook — rien sur le site officiel de la ville — avec le numéro de la cellule de crise de la mairie et celui de la police municipale comme seul recours possible. Le numéro de la police municipale renvoyant sur un répondeur proposant de joindre la gendarmerie… Si à Avignon on annonçait une commande de masques pour les établissements hospitaliers, à Entraigues-sur-la-Sorgue on soutenait la confection de visières par le fablab local puis on passait commande de masques… À Vedène, on s’est tenu à la position du Grand Avignon, en attendant que les collectivités et l’État s’y mettent.

 

Le Grand Avignon, priorise l’économie

L’annonce de l’annulation du festival d’Avignon, dont on dit que les retombées financières pour la communauté d’agglomérations sont de 100 millions d’euros chaque année, va changer la donne et faire sortir la communauté d’agglomérations de son relatif silence. Afin d’amortir le choc local produit par l’annonce de l’annulation, la Région, le Département, l’Agglomération et Ville d’Avignon se sont réunis. Les quatre collectivités se sont accordées sur le maintien de leurs aides au tissu culturel, en particulier pour les festivals. Ce qui devrait permettre à cette institution de faire face à ses charges fixes et engagements et à l’absence de recettes en billetterie. Une décision que les acteurs politiques considèrent comme un investissement :  « L’aide d’aujourd’hui est un investissement pour le futur, sans quoi ces manifestations qui sont des générateurs d’activités et d’emplois pour le territoire seraient mises en péril. » Dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, des actions de promotion seront mises en œuvre pour assurer la relance du tourisme. Le Grand Avignon prévoit 500.000 € supplémentaires pour des dispositifs d’accompagnement en ingénierie des entreprises. Entreprises qui devraient appliquer des mesures sanitaires spécifiques pour la reprise de leur activité.

Mais pour l’accompagnement sanitaire de la population dans la phase de déconfinement, « l’ensemble des partenaires se sont accordés sur le fait que l’absence de directive claire du Gouvernement sur les modalités du déconfinement entraîne des initiatives désorganisées. Si chaque collectivité dans l’urgence a passé commande de masques pour les besoins du fonctionnement des services publics à destination de son personnel, et très souvent aussi pour le personnel des établissements hospitaliers ou des EPHAD de leur territoire, alors que la pénurie faisait rage, les collectivités présentes vont saisir l’État pour connaître de manière claire les modalités du déconfinement et à qui incombe, de l’État ou des collectivités, l’éventuelle commande massive de masques pour la population et ses modalités de distribution ». Après cette position d’attentisme, la communauté d’agglomérations a fini par annoncer l’achat, cofinancé avec les communes membres, de 200.000 masques à destination des habitants des communes du Grand Avignon.

La collectivité, dont c’est une des compétences, est portée au soutien de l’économie, entendre aux entreprises. Les initiatives locales de maires, qui se sont adressés à des artisans de leurs communes pour avoir des masques à minima, ont pour argument positif le fait qu’il n’est pas question d’attendre à qui incombe de trouver des masques pour la population alors qu’on s’apprête à les rendre obligatoires dans les transports publics.

Cela ne dédouane pas l’État de définir clairement ses responsabilités directes et celles de chaque collectivité mais n’oublions pas les communes qui, au plus près de la population, essaient de répondre à la demande de soutien qu’en temps de crise les populations sont en raison d’attendre.

 

Christophe Coffinier

 


Photo Nous l’Europe. Banquet des peuples de Laurent Gaudé adapté et mis en scène par Laurent Auzé. Photo DR


 

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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.