La CNL s’est mobilisée pour un service public du logement qui répond aux besoins des habitants. Un nouveau rendez-vous est fixé le 7 octobre lors du Conseil départemental où la fusion est à l’ordre du jour.


 

La Confédération nationale du logement qui avait réuni le 1er octobre tous ceux qui se sont positionnés contre la fusion-cession de Vallis habitat à Grand Delta Habitat (Avignon) avait vu les choses en grand : organisations politiques et syndicats de gauche étaient présents, mais aussi Eddy Jacquemart, président national de la CNL, qui avait tenu à être présent pour soutenir les militants locaux. La collectivité de tutelle, le Département de Vaucluse, doit se prononcer à son tour, sans débat, le vendredi 7 octobre.

Mais revenons au début, autrement dit depuis le mois de mai et l’annonce par la présidente du Département de la dissolution de l’office Public HLM du département pour le céder à Grand Delta Habitat, coopérative privée. Se réclamant dans un premier temps d’une loi Elan1 2 qui n’existe pas, puis tentant de justifier l’opération par des motifs discutables (situation financière de Vallis, etc.), Mme Santoni et ses soutiens politiques n’ont eu de cesse, depuis, de tenter de convaincre salariés et associations de locataires qui, majoritairement, y voient une privatisation pure et simple du logement social dans le département.

Par ailleurs, 150 salariés de Vallis habitat étant fonctionnaires territoriaux se voient promettre de rester fonctionnaires du Département ou de devenir des salariés de la nouvelle structure, mais les organisations syndicales ont du mal à croire à des promesses qui leur semblent difficiles à tenir. Ce n’est que début septembre que le conseil d’administration de Vallis habitat s’est prononcé à une courte majorité pour la cession-fusion, sous la pression des salariés et locataires présents.*

 

Mobilisation contre la fusion

 

Ce premier octobre sont donc réunis, à l’invitation de la CNL, des représentants du PS, du PCF, de FI, du POID (Parti ouvrier indépendant démocratique), mais aussi de la CGL (Confédération Générale du Logement), du collectif des usagers de l’eau… Tous réunis pour dire publiquement les raisons qui les opposent à ce qu’ils se refusent à nommer « fusion », préférant utiliser le terme de « cession ». Il faut dire que l’opération n’est ni plus ni moins que la cession des actifs — et du passif — de Vallis Habitat à Grand Delta, salariés et patrimoine public compris, en échange de 406 000 actions à 15 euros pièce.

Si l’opération n’a pas fait tant de vagues lors de son annonce au printemps, il en est tout autrement aujourd’hui, comme le fait remarquer Eddy Jacquemart. « C’est une lutte très importante. La CNL se bat pour les services publics, et nous avons toujours voulu un service public du logement qui s’incarne jusqu’aujourd’hui dans les Offices Publics de l’habitat (OPH). Puisqu’on évoque la loi Elan, je veux dire que c’est une loi néfaste, voire mortifère pour le logement social. C’est l’antichambre de la privatisation, de la financiarisation du logement social. Nous avions déjà gagné le fait que les regroupements se fassent à partir de 12 000 logements et non 15 000 comme prévu au départ. Les offices publics avaient obtenu de créer des SAC (Société Anonyme de coordination) leur permettant d’atteindre des tailles critiques exigées par la loi lors de regroupement, mais en gardant leur identité. Nous avons vu en 5 ans un véritable chamboulement du monde HLM ; en 2018 nous avions 605 élus dans toute la France, nous en avons perdu plus d’une centaine par la mécanique des fusions. C’est une perte de proximité. Dans le même temps, l’État se désengage du financement du logement social : on se sert dans la caisse d’Action Logement2, ce qui est du salaire différencié. Il y a déjà eu la fusion de deux OPH, aujourd’hui c’est leur liquidation pure et simple. Il n’y a pourtant ni obligation, ni problème financier, il n’y a pas non plus de loi Elan 2, c’est une fake news. C’est une importante bataille que nous menons pour et avec les habitants. Nous en appelons à leur mobilisation. Si nous tenons à un service public du logement, c’est parce que nous savons que c’est un outil qui répond aux besoins des habitants. S’il n’y avait pas eu un secteur HLM public important pendant le covid, ou en serions-nous ? Regardez ce qui se passe aujourd’hui avec l’énergie. »

 

Gros sous et attaques contre la démocratie

 

Michel Mus, président de la CNL départementale, veut, lui, réfuter les arguments en faveur de la cession. « On nous vante les vertus de Grand Delta dont le patrimoine serait mieux entretenu. Mais il est globalement plus récent. Ceci dit, je peux vous montrer du patrimoine de Grand Delta abîmé, les loyers sont aussi plus chers. Il est vrai que Vallis Habitat a des loyers moins chers, un patrimoine plus ancien et que l’État ne veut plus mettre la main à la poche pour rénover. » Il rappelle qu’à propos de Grand Delta, un dossier de l’ANCOLS (Agence nationale de contrôle du logement social) vient de sortir dans la presse, qui montre que le bailleur privé peut mieux faire. « Ce document aurait du être remis aux administrateurs, et cela n’a pas été fait. Il y a un conseil de concertation locative à Grand Delta, il n’a pourtant pas été informé avant la conférence de presse annonçant la fusion-cession. Les citoyens ont une fois de plus été ignorés. »

Pour lui, cette affaire est « une histoire de gros sous et de règlement de comptes au sein du patronat vauclusien. Si M. Gontard, président de Grand delta Habitat dit aujourd’hui avoir les moyens de mettre en œuvre des réhabilitations, pourquoi n’était-ce pas le cas avant ? Les fractions se sont réconciliées ».

Mais pire que tout, c’est le recul de la démocratie habitante : « Aujourd’hui nous sommes trois élus locataires pour 22 000 logements à Grand delta. Ils sont 5 pour 15 000 logements à Vallis habitat. Demain, après la fusion, les 37 000 logements n’auront que les 3 élus de GDH d’aujourd’hui. Ces représentants ne pourront plus travailler. Pire, les habitants devront cotiser à la SCIC pour avoir un droit de vote… De plus, le mandat d’administrateur passe de trois à six ans, ce qui fait que les locataires n’auront pas de nouveaux représentants avant 2027. L’âge limite du président passe aussi de 75 à 80 ans. »

Fabienne Vera, militante CNL, rappelle : « Quand je siégeais comme administratrice au moment de la fusion, tous défendaient le service public et assuraient que Vallis habitat n’était pas à vendre, à la direction de l’office. Ils assurent depuis que l’OPH a des problèmes financiers, mais si c’était le cas, ils seraient en procédure CGLLS3. Mais ils ont toujours des capacités d’emprunt. Cette fusion-cession ne sert qu’à renforcer la situation de Grand Delta. » Eddy Jacquemart confirme : « Ailleurs, où les fusions ont déjà eu lieu, des élus de locataires n’ont pas même pu siéger une fois leur organisme absorbé. Et après on s’inquiète que peu de gens participent au vote dans les quartiers populaires ? »

Le 7 octobre à 8h30, le Conseil départemental se réunit avec la fusion à l’ordre du jour. Les défenseurs du service public s’y donnent d’ores et déjà rendez-vous dès le début de la séance pour dire aux élus que leur vote aura des conséquences et qu’ils doivent y réfléchir.

 

Christophe Coffinier

 

 

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Ils ne veulent pas voir disparaître Vallis


Politiques et associations ont dit leur volonté de défendre le dernier service public du logement, menacé en Vaucluse.

 

André Castelli, Conseiller départemental communiste, voit deux gros problèmes de fond. « Comment se fait-il que le débat à l’assemblée départementale ait lieu en fin de parcours ? On aurait du commencer par ça. Mais la vraie question c’est le département ; doit-il se défaire de ses services publics ? Le bailleur du département a-t-il failli à ses missions ? Malheureusement, ce débat n’aura pas lieu, la seule question qui nous sera posée vendredi c’est “êtes vous pour ou contre la dissolution de Vallis habitat ?” Le Département veut ainsi clore le débat. Le département est pourtant une collectivité qui existe pour répondre aux besoins du public, il est fondé, comme les autres collectivités, sur les services publics. Il est urgent de mettre cette question en débat. Cette fusion a entraîné la présidente sur les voies de l’illégalité et du mensonge. On verra si le préfet donne quitus de la légalité de l’opération. Mais s’il laisse faire, d’autres missions de service public pourront être mises en cause. »

Jean-Marie Michel, représentant le PS et le sénateur Stanzione : « Il ne faut pas oublier que le Vaucluse est un département pauvre, le cinquième selon les statistiques de l’INSEE. Nous avons un problème crucial d’accession au logement. Le logement social a un rôle important, il doit être défendu. Ce qui se passe aujourd’hui est une cession à titre gratuit, un abandon pur et simple d’un patrimoine de près d'un milliard d’euros. La présidente du Département trafique les chiffres, c’est une droite qui n’aime pas les services publics ; il serait intéressant de se pencher sur la gestion récente de Vallis habitat par cette droite. On sait aussi que la gestion de Grand Delta pose problème, et que les loyers y sont plus élevés. Concernant le logement social, une collectivité ne discute pas de la même manière avec Vallis Habitat ou Grand delta. »

Stéphane Geslin, POID, s’inquiète d’une « démarche aventurière de la part de la présidence du Département, notamment s’il y a bien des doutes sur la légalité de l’affaire. Cette initiative correspond à la ligne politique à l’œuvre dans le pays de suppression des services publics, éventuellement des départements… Pour notre part, nous demandons l’abrogation de la loi ELAN, la remise en état de tout le patrimoine, et la construction de 3,5 millions de logements sociaux.»

Marcelle Landau, du collectif des usagers de l’eau, est venue exprimer sa solidarité dans le combat commun de ceux qui luttent pour le service public. « Les services publics sont l’avenir, et cela passe obligatoirement par une lutte avec les habitants. Je suis affligée de la désinvolture avec laquelle certains élus traitent des problèmes fondamentaux. »

Farid Farrissy, pour la France insoumise, rappelle que pour Grand Delta « si les rénovations se font, comme je l’ai vécu à Carpentras, on a très vite des augmentations de loyers jusqu’à 200 euros. Je suis avocat, et je siégeais au tribunal d’instance où se jugent les expulsions, Grand Delta se comporte comme n’importe quel bailleur privé et se fout des locataires. Vallis Habitat propose des échéanciers et maintient les gens dans leur logement. 15 000 logements de Vallis Habitat, ça fait 40 000 habitants, pourquoi ne leur demande-t-on pas leur avis sur cette fusion ? J’ajoute que selon le rapport de l’ANCOLS, Grand Delta a des loyers plus chers et que les conventions avec la CAF ne sont pas respectées. Vallis Habitat est le bailleur qui a le plus de logements dans le Département, c’est un opérateur sain, qui respecte la démocratie et l’égalité. Alors que si vous voulez un logement chez Grand Delta, il vous suffit d’aller sur Leboncoin. »

Pierrick Nussbaum, de la section du PCF d’Avignon : « Le logement social est un outil politique qui a permis d'éradiquer les bidonvilles il y a quelques décennies. De la même manière, la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) prévoit 20 %, puis 25 % de logements sociaux minimum dans les viles de plus de 3 500 habitants. 20 % des vauclusiens vivent sous le seuil de pauvreté, et 78 % d'entre nous disposent de revenus leur ouvrant droit à un logement social. Pourtant, seule une demande sur 5 est satisfaite aujourd'hui. Et un logement sur dix est indigne ; il n'est donc pas question d'abandonner le logement social au privé. Les difficultés de Vallis ? Peut-être que les administrateurs du département et la direction étaient plus occupés à préparer la fusion qu'à s'occuper des locataires. Et que dira Mme Santoni quand le patrimoine sera vendu à la découpe ? Nous, nous pensons qu'il faut aller vers un minima de 30 % de logements sociaux dans un premier  temps, et faire vivre un grand service public du logement décentralisé, des prêts à taux zéro et une agence nationale foncière. »

CC

*En savoir plus, en lisant altermidi mag #5.

Notes:

  1. Construire plus de logements, simplifier les normes, protéger les plus fragiles et mettre les transitions énergétique et numérique au service des habitants : telle est l’ambition de la loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), promulguée le 23 novembre 2018. Objectifs de la loi : Construire plus, mieux et moins cher, restructurer et renforcer le secteur du logement social, répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale, améliorer le cadre de vie et renforcer la cohésion sociale.
  2. Les collecteurs interprofessionnels de logement qui collectent le 1% logement, gèrent paritairement la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) en faveur du logement des salariés. La fusion de ces collecteurs en 2017 a donné naissance à Action Logement.
  3. L’article L. 452-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, prévoit que la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social (CGLLS) contribue, notamment par des concours financiers, à la prévention des difficultés financières et au redressement des organismes d’habitations à loyer modéré, des sociétés d’économie mixte et des organismes bénéficiant de l’agrément pour la maîtrise d’ouvrage d’insertion en ce qui concerne leur activité locative sociale, pour leur permettre en particulier d’assurer la qualité de l’habitat.
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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.