La spécificité française de financement remise en cause?

En préalable du congrès national de la Confédération du Logement, qui aura lieu à Dieppe, du 1er au 3 novembre, la fédération de Vaucluse a tenu son congrès départemental le 22 septembre, en présence de Mme Herbinski du conseil national de la CNL

En ouverture du congrès, cette dernière rappelait que la CNL, n’est pas seulement une association de locataires, mais aussi une association de défense des consommateurs, qui a à cœur « de promouvoir une consommation juste, et d’être attentive à la rareté des ressources. »


Pour ce 11ème congrès fédéral, Thomas Pizard, secrétaire départemental, veut faire connaître la CNL. « C’est une association qui a maintenant plus de 100 ans et qui défend les habitants (locataires, accédants à la propriété, consommateurs) ; Nous sommes la première association représentants les habitants, nous faisons un congrès tous les trois ans. Le congrès, c’est l’occasion pour les adhérents de travailler ensemble sur un texte, de l’amender ; L’association est un moyen pour s’organiser ensemble. Nous ne sommes pas un prestataire de services. Nous menons des actions , de la défense individuelle des droits, de bruit dans la presse pour faire connaître des situations catastrophiques , à la défense collective des droits… Nous allons jusqu’à l’action judiciaire si besoin. »

La CNL a une vision nationale de ce que doit être le logement. « Nous défendons une sécurité sociale du logement, garantie par une structure qui serait animée par les habitants. Nous revendiquons le droit au logement pour tous. Le logement social appartient à tous. »

La loi Elan a beaucoup mobilisés les adhérents de la CNL. « Nous avons déposé des amendements, participé à de nombreux débats, pour faire en sorte que cette loi évolue. Le retour de nos adhérents a montré qu’elle n’était pas adaptée à la situation des gens »

Première organisation de représentants des habitants

Michel Mus, président départemental, se félicite que « par l’action nous soyons devenus la première organisation de locataires dans le Vaucluse. Nous avons empêché l’expulsion et obtenu le relogement d’une dame, nous avons fait signer la pétition contre la privatisation des aéroports de Paris, contre la fermeture de la gare de Montfavet, nous continuons à nous battre pied à pied contre la vente du patrimoine des bailleurs sociaux.

Nous recevons des gens de plus en plus en colère. Notamment dans le secteur privé ou on expulse en renvoyant les gens vers le logement social. Il faudrait réquisitionner des logements pour les rendre décents et accessibles à tous. »

Rénovation urbaine: des projets sans concertation

L’autre gros morceau, c’est la rénovation urbaine. A Avignon, les opérations en cours impliqueraient la démolition de 800 logements.

On nous dit que ça va très bien se passer. Mais les villes vont elles accueillir les habitants dont les logements vont être détruits ? A quels loyers ? Plus de 70 % seraient relogés dans d’autres communes de l’agglo.

Pour Mme Herbinski, « les projets sont peu ou pas concertés du tout avec les habitants. On démolit sous prétexte que d’autres mesures n’ont pas résolus les problèmes. Et ce sont deux milliards d’euros de nos loyers qui sont injectés dans ces opérations au niveau national. Il y a de plus en plus de démolitions dans les projets ANRU. Ici, le projet de départ a évolué, avec plus de destructions à la clé. On prend prétexte de la mixité sociale pour justifier ça, pour faire venir une population qui disposerait de plus de ressources, en faisant des dérogations au plafond.»

Il s’agit de loger dans ces quartiers rénovés des familles plus aisées, des investisseurs, on appelle ça « Mixité Plus ». Tout ça au détriment de la population qui habite aujourd’hui ces quartiers, et qu’on va mettre plus loin. On les éloigne encore des services publics, des centre ville… nous voulons que ces projets soient pour les habitants et discutés avec eux…

Peu d’informations sur les aides au relogement

Thomas Pizard indique que « nous avons saisi le Grand Avignon concernant le manque de concertation, on nous a répondu qu’il y avait des réunions d’information… Mais informer n’est pas concerter. De plus les informations sont parvenues aux habitants de manière discutable. Ils n’ont aucune garantie sur les conditions des relogements. Les premiers à être relogés ne l’ont pas été dans les règles. Les déménagements se sont faits discrètement. 25000 personnes sont concernées à Avignon. c’est un projet de niveau national avec des projets régionaux, et un décalage selon les quartiers, puisque ce ne sont pas les mêmes financements. Pour en revenir aux démolitions, le bailleur doit avoir une validation de l’État pour démolir. Une charte du relogement est obligatoire, les bailleurs doivent prendre en charge les déménagements et la remise en état des nouveaux appartements. Il semble qu’en précipitant les choses et en voyant avec chaque locataire, les bailleurs essaient d’échapper à leurs obligations. »

HLM, la grande déconstruction

Le congrès de l'USH, fin septembre, a indiqué que le modèle économique Hlm n’a de sens dans la France contemporaine que s’il est construit autour de ses missions sociales, mettant à disposition de son développement ses capacités d’innovations et d’investissement.

La loi Elan a amoindri la portée de la loi SRU, selon la CNL, en ramenant l'obligation de 25% minimum de logements sociaux aux agglomérations et métropoles plutôt qu'aux communes. La chose est présentée comme une solidarité entre les communes concernées. Mais ce n'est pas tout, "on y a intégré aussi le logement intermédiaire locatif, pour faire de la mixité sociale."

Au congrès de l'Union Sociale de l'Habitat (USH), qui s'est tenu porte de Versailles fin septembre, les acteurs du logement social réunis pointaient d'ailleurs plusieurs évolutions structurantes survenues au cours de cette année: "Adoption définitive de la loi Elan, relance du NPNRU, regroupements d’organismes, conclusion de la clause de revoyure, Grand débat national, concertation relative à la mise en place du Revenu Universel d’Activité, place du logement dans le nouvel acte de décentralisation annoncé par le Président de la République…" On y a rappelé que le modèle français du logement social, "est basé sur un certain nombre de caractéristiques qui fondent son histoire : adossé à l’épargne populaire via le livret A, généraliste, en lien étroit avec les dynamiques territoriales, créateur d’activité économique, innovateur, employeur, il fait partie intégrante de notre système social." Se pose ainsi la question de quel financement pour pérenniser ce modèle, mais aussi des aides personnelles avec le projet de revenu universel d'activité qui remettrait en question le système des allocations, et enfin la vocation d'un parc HLM qui cherche de nouveaux financements, étranglé par les ponctions de l’État.

Le mouvement HLM ne pouvait pas passer à côté du mouvement des Gilets Jaunes, et cette question a été associée à celle d'une crise des territoires qui voit se créer une véritable fracture entre les quartiers "dynamiques et les autres, quartier « politique de la ville », centres-villes anciens dégradés, territoires péri-urbains mais aussi territoires « détendus » caractérisés par une décroissance démographique et économique. Une crise qualifiée d’expression d’un ensemble de tensions économiques, démographiques et sociales qui se révèlent dans les territoires.

La résolution votée lors de ce 80ème congrès, s'inquiète d'ailleurs de la « financiarisation » du secteur qui n’est ni utile ni souhaitable. Ni pour les organismes Hlm, ni pour leurs locataires. Elle est même en opposition avec la définition même du rôle du logement social, et avec les valeurs du Mouvement Hlm. Le financement des activités doit rester sans lucrativité ou à lucrativité limitée. Les aides publiques apportées à un moment au secteur Hlm pour le doter d’un patrimoine immobilier ne doivent pas pouvoir bénéficier ou revenir à des acteurs privés.

Et de rappeler que les congressistes ont consacré le modèle de financement par le livret A, interpellent l'ensemble des candidats aux municipales sur la question du logement social, et l’application d’un taux réduit de TVA à l’ensemble de la production et de la réhabilitation de logements sociaux, en location comme en accession. L'USH réclame également le rétablissement de l’APL accession et du PTZ en zone B2 et C, dont la suppression est un non-sens budgétaire, politique et sociale.

Bien entendu, les économies réalisées par l’État, avec la baisse des APL, la sous indexation, la baisse des APL pour les locataires du parc social, la contemporanéisation... plus de 7 milliards d’euros économisés sur les aides au logement et le budget de l’État ne finance quasiment plus les aides à la pierre et la rénovation urbaine. Le Mouvement Hlm regrette que les économies générées sur les aides au logement de plus d’un million de ménages par la contemporanéisation des revenus pris en compte pour le calcul des aides aux logement n’aient pas été mobilisées pour permettre un rattrapage pour les ménages les plus modestes des effets des différentes mesures de baisse précédentes (réduction de 5€ et désindexation)"

Concernant le revenu universel d'activité, l'USH pose trois bornes:

• Les aides au logement ne peuvent être liées à la notion d’activité. Elle est une aide liée à un droit, le logement. Pour rappel, la moitié des bénéficiaires des aides au logement dans le parc social ne sont bénéficiaires d’aucun minima sociaux.

• Le versement d’aides et de prestations sociales à une base de bénéficiaires légitimement élargie ne peut se faire à enveloppe financière constante, sous peine de voir les aides et prestations individuelles mécaniquement réduites; il est donc nécessaire dès à présent, pour que cette réforme soit une réforme de justice qu’elle s’accompagne d’un engagement de l’État à maintenir le niveau des prestations individuelles et à financer la réduction du non-recours aux droits.

• Les logements sociaux sont le patrimoine de la Nation. Ils ont été constitués et développés pour apporter aux ménages à revenus modestes une solution de logement à un coût abordable. L’enjeu aujourd’hui est de développer cette offre pour répondre à la hausse des besoins, et non de considérer que les bénéficiaires des logements sociaux sont «avantagés» et de les pénaliser dans leurs droits.

C.C

Sous information des locataires

Le plus souvent, face aux propositions de relogement, les locataires ne savent pas quoi faire, ne connaissent pas leurs droits. « Il faut savoir qu’il faut faire une demande de logement. Les bailleurs contactent d’abord ceux qui demandent à déménager depuis longtemps. Si le locataire est informé, il n’a rien à payer pour ce transfert. Quant au loyer, le prix du mètre carré doit être le même dans le nouveau logement. Si le loyer du nouveau logement est plus élevé que le loyer précédent, il doit être ramené au prix du précédent. Nous pensons que ces obligations font partie des raisons pour lesquelles les locataires sont si peu informés. Pourtant, il faut le rappeler, il s’agit de l’argent des locataires. C’est plus d’un milliard et encore 960 millions qui leur ont été volés, entrainant la réduction d’agences, moins de personnel. »

Christophe Coffinier

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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.