Samedi dernier, on a vu le maire du Vigan, Eric Doulcier, devant la mairie aux côtés des gilets jaunes, des marcheurs pour le climat et des citoyens du pays viganais mobilisés pour la défense des services publics. L’occasion d’en savoir un peu plus sur les relations en cours entre démocratie représentative et démocratie directe.


 

La veille de la manifestation citoyenne du Vigan, Edouard Philippe énonçait les mesures de « l’agenda rural » devant le congrès de l’Association des maires ruraux. Cette nouvelle ambition du Premier ministre arrive au moment opportun pour « redonner des choix, de la liberté et des services » aux communes rurales. « Nous, maires, sommes comme nos électeurs, et c’est peut-être pour ça qu’ils nous aiment autant : nous ne croyons que ce que nous voyons », a commenté à la volée, le maire divers-gauche des Molières, Yvan Lubraneski.

Comme beaucoup de maires ruraux, Eric Doulcier qui vient de se décider à briguer un troisième mandat sur le Vigan ne semble pas très éloigné de cette pensée. Il part favori. En 2014, la liste Vivre au Vigan qu’il conduisait a remporté l’élection haut la main avec 59,63% des voix exprimées. La liste Le Vigan 2014  menée par Gérald Gervasoni plafonnant à 23,72% des votes. Depuis dans la petite sous préfecture du Gard de 4 000 âmes, l’opposition est plutôt atone mais les citoyens qui s’opposent au démantèlement du modèle social persistent.

Entretien

Altermidi : Quelles motivations concourent à votre présence auprès des manifestants ?

Éric Doulcier : En ce moment on marche dans le monde entier pour défendre le climat. Je trouve ce combat bien légitime et le partage. Par ailleurs, il y a ce matin des femmes et des hommes qui sont préoccupés par la réorganisation des services publics. Dans les choix appliqués par l’État, les territoires ruraux sont souvent malmenés. On me dit qu’il y aura un maintien des services publics sur notre commune ; il est important de rester vigilant, la manifestation d’aujourd’hui y contribue.

 

Les gilets jaunes sont à l’initiative de ce rassemblement. Ils ont porté la proposition de créer une commission citoyenne au sein de la communauté de communes du Pays viganais. Quel est votre point de vue sur cette démarche ?

Concernant la ville, je reste à l’écoute, comme je le suis avec toutes les associations. Si les Gilets jaunes formulent des propositions je ne serai pas aux abonnés absents. Au niveau de l’intercommunalité, la proposition des gilets jaunes a essuyé un refus des élus. Cela peut s’expliquer par l’exigence des élus qui tiennent à conserver leur prérogatives. L’intercommunalité veut bien adopter des motions mais notre pouvoir réglementaire s’arrête là.

 

Comptez vous repartir en mars 2020 ?

­Oui, c’est tout frais. Nous avons pris la décision en équipe cette semaine.

 

­Sous quelle étiquette politique ?

Sans étiquette, mon orientation politique n’est pas prépondérante dans ce qu’attendent les gens de moi au niveau local.

 

Face au déficit démocratique, l’injection d’une dose de démocratie directe ne vous paraît-elle pas une possibilité de réconcilier les citoyens avec la politique ?

Personnellement je suis plutôt partisan d’un projet de territoire construit avec la population, en suscitant sa participation notamment sur des dossiers comme la privatisation de l’eau ou la fusion des communes. Au Vigan nous avons mis en place l’Agenda 21*, un projet où la participation est un élément déterminant du processus. Le bilan est mitigé en raison d’un manque de participation de la population. Il y a des personnes qui s’interdisent toute forme d’implication. C’est le cas, entre autre, de la communauté musulmane qui représente 10% de la population et que l’on ne voit jamais.

 

­Dans certaines ville les gilets jaunes sont de retour sur les rond-points, au Vigan ils ne l’ont jamais quitté, pensez-vous qu’ils pourront y célébrer le premier anniversaire du mouvement ?

Nous avons eu récemment une réunion en sous-préfecture sur le sujet en présence d’une délégation de gilets jaunes, du conseiller départemental Martin Delors et de la communauté de communes. Aucune évacuation n’a été décidée. Cette mobilisation n’occasionne pas de désordre public mais il est certain qu’il y aura un jour une fin.

 

À ce moment répondrez-vous favorablement à leur demande s’ils souhaitent disposer d’un local ?

On ne le fait pas avec les partis politiques. En réclamant du pouvoir d’achat, davantage de justice sociale, en ébauchant des idées relatives au territoire, les Gilets jaunes font de la politique sous une forme inédite. Nous attribuons bien des locaux aux organisations syndicales, alors pourquoi pas à eux ?

 

Jean-Marie Dinh

 


*Les agendas 21 locaux sont nés d’une recommandation de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement qui s’est tenue en 1992 à Rio. Un agenda 21 local est un projet territorial de développement durable porté par une collectivité locale et qui prend la forme d’un programme d’actions (programme d’actions pour le 21e siècle).


 

Voir aussi : Rubrique Politique,  rubrique Mouvement citoyen, Convergence,

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.