Gilets Jaunes. Merci à Marc, du Vigan, délégué à Saint-Nazaire de nous autoriser à publier son compte rendu.


A l’aube du 23e acte du mouvement populaire cette observation sans filtre, au plus proche de citoyens qui s’organisent, vient contrecarrer  le mépris et/ou l’omission des médias qui détournent massivement le regard. Quand les gardiens du temple restent statiques devant l’incendie, ils agissent comme les fossoyeurs de la démocratie.


 

Nous arrivons à Saint-Nazaire le vendredi 5 au matin et nous recherchons la nouvelle Maison du Peuple installée à la place de l’ancienne ANPE. Nous nous présentons au barrage qui vérifie l’inscription des délégués et des observateurs, dont les prérogatives divergent : les uns voteront les propositions et les autres suivront les débats et les échanges dans le chapiteau proche de l’immeuble central.

Première bonne nouvelle : il y a au moins autant de femmes que d’hommes et plus de jeunes que de personnes âgées. Nous sommes 700 intervenants plus une centaine de bénévoles et organisateurs qui s’occupent de la logistique, des repas et du fonctionnement de l’assemblée.

 

Première plénière vendredi, 75 ronds points à Commercy, 240 à Saint-Nazaire.

On entend pour la première fois du week-end le début de la chanson qui va nous accompagner pendant toute la rencontre : « On est là, même si Macron ne veut pas, on est là… » la musique finie, on est informé que l’on peut trouver le programme de l’Assemblée sur : https://framadrop.org/r/h4T9RUNQSN#u4HTZOi8CEVBI1VbMU//YW29VxP+pKJctI0oGWdZaGU=

Les organisateurs introduisent les échanges en nous rappelant que nous sommes face à un grand défi, que la tâche est difficile et qu’on ne doit pas avoir peur des erreurs et de l’imperfection. Cela me paraît aussi rassurant que nécessaire.

Six points sont inscrits à l’ordre du jour :

  • les modes d’action du mouvement
  • la formulation des revendications
  • la communication interne (à destination des GJ)
  • la communication externe (à destination de ceux qui ne le sont pas… ou pas encore !)
  • les points de convergence avec les syndicats et autres collectifs
  • l’avenir du mouvement

Le premier atelier consiste en une rencontre de nos voisin.e.s, simplement pour se familiariser avec cette méthode de travail. C’est en suivant le premier atelier qu’une prise de conscience se fait sur le fonctionnement de la démocratie directe, associé à la recherche de consensus. Chaque atelier commence par un tour de table qui permet d’inscrire sur une grande feuille les points communs —ce qui fait consensus entre les délégué.e.s de chaque rond-point — et les originalités — ce qui ne fait pas consensus — sans rien supprimer des propositions faites par toutes les personnes présentes.

Il s’agit de la recherche d’une intelligence collective que le vieux monde de l’exploitation et de l’aliénation ne prend jamais en compte. C’est là que doit commencer le changement : dans la recherche des complémentarités, dans les convergences. Les divergences ne doivent pas être vécues comme un problème, on doit les enregistrer et les transformer en une occasion d’enrichissement réciproque. Le premier objectif est de faire connaissance, le deuxième est de porter des projets.

Un état des lieux de l’ensemble du mouvement rappelle la destruction et la reconstruction des cabanes sur les ronds-points. La question de comment prolonger le mouvement se pose ainsi que celle de la liaison avec la population. Émerge l’exigence de la recherche de nouveaux outils, l’importance d’un travail d’éducation envers la population et à l’intérieur du mouvement, l’organisation de fêtes nécessaires pour promouvoir un mouvement inclusif. Il faut passer des cabanes sur les ronds-points aux Maisons du Peuple — la référence à la brochure : « Comment ouvrir une Maison du Peuple » revient encore.

 

 

Tout le travail commun sera envoyé aux assemblées locales qui trancheront et restitueront leurs décisions à l’assemblée des assemblées pour une synthèse finale.

Ensuite, une nouvelle plénière nous permet de rejoindre un atelier d’une des cinq questions proposées au préalable à chaque rond-point, en dehors de la première qui sera débattue plus tard (voir le contenu des publications sur la plateforme).

Pour le moment vous trouverez le programme et les ressources des délégations dans la pièce jointe : ada2-dossier-v1.programme qui correspond à l’ensemble des documents collectés auprès de chaque rond-point.

La synthèse des conclusions de la première assemblée de Commercy, dont cette assemblée-ci constitue la suite, rappelle une série de propositions et d’expériences venant des divers groupes qui l’ont composée.

En voici quelques unes :

1) Se concentrer sur les situations locales avec une approche particulièrement attentive aux groupes d’affinité qui y opèrent (Commercy).

2) Convocation d’États généraux pour se poser la question d’une éventuelle assemblée constituante (proposition portée par des groupes différents).

3) Création d’une charte commune (Montpellier).

4) Prise en compte des élections européennes en excluant toute participation des Gilets jaunes. Appel international dénonçant la mascarade électorale des €uropéennes (St-Nazaire).

5) Questionnaire de revendications des GJ avec 100.000 contributions concernant 39 départements, plateforme du vrai débat et assemblée de délibération citoyenne (Carcassonne).

Et puis dodo…

 

Samedi

La deuxième journée de rencontres commence de bonne heure. On goûte le beurre de Bretagne et le caramel salé de Notre Dame Des Landes dont beaucoup de bénévoles d’ici sont passés par là. Sous la flotte on se réchauffe avec café, thé et chocolat, le lait et le chocolat sont en particulier mis à disposition par un paysan local Gilet Jaune. Tout est à prix libre. Un esprit fraternel confirme l’ambiance conviviale du nouveau monde en gestation.

À 9 heures a lieu la restitution en plénière des ateliers-débats du vendredi. En fait, rien n’est parfait et les restitutions des ateliers-débats des différents groupes ne sont pas toujours fidèles aux contributions du jour précédant. Plusieurs délégués notent cette imperfection et la plénière enregistre qu’on devra apprendre à mieux faire par la suite. N’empêche que le dialogue est de toute façon riche et que les connaissances s’améliorent.

Puisque le mouvement doit se préparer à un marathon et non pas à une course brève, il a déjà mis en place des coordinations départementales (Hérault, Gard), régionales (Bretagne) et nationales, en restant toujours attentif à ne jamais créer de hiérarchies dans un souci d’horizontalité qui garantie la démocratie réelle.

La matinée se conclut en soulignant plusieurs points de développement nécessaires :

1) Trouver de nouvelles formes d’actions.

2) S’occuper à fond de la communication interne et externe.

3) Établir clairement ce qui nous unit et ce qui nous sépare pour favoriser une évolution cohérente des GJ.

4) Faire progresser le contact avec les écologistes et les syndicats.

5) Pour la participation, envisager des Comités d’initiative citoyenne, des collectifs sur le RIC et sur l’écologie.

6) Défaire ce qui nous empêche de fonctionner, (re)construire ce qui nous unit.

7) Se pencher sur la question des biens communs et être attentifs aux originalités de chaque groupe. Envisager la constitution de marchés alternatifs au marché capitaliste et à son business.

L’après-midi s’ouvre par une plénière où on fait une synthèse des échanges du matin. Puis énumération et discussion sur les actions faites ou à faire :

• Péage gratuit des autoroutes.

• Intervention sur les aéroports et sur les grandes surfaces.

• Monter dans les trains sans billet et discuter de la situation des transports avec les usagers.

On rappelle à répétition que les comptes rendus GJ seront envoyés à tous les ronds-points pour une discussion et validation locale, si accord.

De 17 à 19h les groupes de travail se concentrent sur des thèmes différents, l’atelier sur l’international s’est penché sur la traduction des appels en différentes langues et sur la possibilité d’une manifestation à Bruxelles autour de l’élection européenne (voir l’appel à l’action et à la mobilisation pour la période des élections européennes).

Le soir, un feu d’artifice autogéré et la chanson « ON EST LÀ » clôturent la journée.

 

 

Dimanche

La dernière journée va s’achever à 18h. Elle commence par l’évocation de l’importance de développer les cantines de lutte qui existent déjà et qui fonctionnent par le bénévolat et à prix libre. Toute la logistique de l’intendance de l’assemblée est assurée ainsi. Le mouvement fait réfléchir les têtes mais nourrit les ventres aussi.

L’importance d’arriver à faire descendre les propositions au niveau local et à faire remonter les décisions pour les formuler collectivement est au cœur du débat. Toutes les questions de l’assemblée sont reprises et soumises au vote des délégués. Malgré quelques critiques, conflictualités, méfiances, difficultés, la fraternité a pu maintenir ensemble les morceaux communs, en évitant néanmoins de se confronter aux questions délicates comme la position à assumer concernant la prise en otage de ceux qui ne partagent pas l’utilisation de la violence avec ceux qui la pratique dans les manifestations.

À la fin de l’Assemblée de Saint-Nazaire, imparfaite mais bien réelle, voici comment la volonté fraternelle a été déclinée en trois phrases finales par le groupe organisateur :

1) recherche du consensuel

2) refus des leaders

3) AdA (Assemblée des Assemblées) conçue comme une plateforme de liens qui respecte la souveraineté des groupes locaux.

À l’issue de trois journées de débats intensifs, parfois houleux, un texte final a été adopté, « l’Appel de Saint-Nazaire », recensant une série de revendications tant sociales qu’écologiques et politiques, visant à combattre un système global pour sortir du capitalisme :

• augmentation générale des salaires, des retraites et des minima sociaux.

• des services publics pour tous et toutes.

• urgence environnementale décrétée.

• mise en place d’une démocratie directe (en lieu et place d’un gouvernement non représentatif au service exclusif des plus privilégiés).

• indépendance du mouvement vis-à-vis des partis politiques, des organisations syndicales.

• pas de leader autoproclamé du mouvement GJ.

• diffusion prochaine d’un calendrier d’actions à mener via une plateforme numérique.

• mise en chantier d’un nouveau mouvement social, écologique, populaire visant à unifier les différentes actions et à rechercher l’unité d’action.

La prochaine assemblée des assemblées a reçu un vote d’indication positif pour Montceau-les-Mines plutôt que pour Montpellier et le Var qui se sont proposés ensemble, en deux phases séparées. Cependant, là aussi, se sera aux groupes locaux de décider au final.

 

Conclusion de la Maison du Peuple de Saint-Nazaire :

Deux jours après la fin de la 2e Assemblée des assemblées, nos têtes sont pleines, nos cœurs remplis et nos corps encore fatigués. Le rangement est presque terminé, les 5 vidéos d’appels ont été montées et publiées, les nombreuses synthèses sont minutieusement classées et les dernières personnes venues des 4 coins de la France quittent la MdP peu à peu…

Beaucoup de personnes nous ont félicités chaleureusement pour ce que nous avons réussi à faire. Il faut bien avouer que nous sommes fier.e.s de cet évènement et du travail abattu par notre collectif pour vous accueillir. Pour autant, les imperfections et ratés inévitables liés aux conditions dans lesquelles a été organisée cette Assemblée, font que de nombreuses délégations sont reparties avec un sentiment d’échec ou de frustration, n’étant pas parvenues à porter des éléments importants de leur mandat.

De nombreuses contributions de qualité auraient pu et dû être reprises dans les appels finaux, en particulier dans l’appel général qui comporte des éléments qui, manifestement, ne font pas consensus. La journée de dimanche a été particulièrement intense et les questionnements qui nous traversent sont nombreux : Avons-nous proposé un programme trop dense ? Ne fallait-il pas rédiger moins d’appels ? Dans quelles conditions avons-nous construit ce programme et préparer son animation ? Comment renforcer la représentativité et la diversité au sein de l’Assemblée des assemblées ?..

Mais il faut considérer ces erreurs comme une chance, car c’est l’occasion de mettre réellement à l’épreuve ce principe : « L’Assemblée des assemblées propose et c’est aux assemblées locales de valider. » C’est pourquoi nous appelons tous les groupes, ronds-points et assemblées locales à se saisir de ce qui a été produit pour jouer pleinement leur rôle et nous faire un premier retour dans des délais assez rapides. Ces retours (validation/amendements/rejet des appels, réflexions sur le déroulé des 3 jours d’Assemblée, etc.) seront publiés sur notre plate-forme commune dès qu’elle sera en place et serviront à améliorer la prochaine assemblée.

Tout comme à Commercy, nous pouvons faire de ces 3 jours quelque chose de fondateur, particulièrement dans les enseignements à tirer, dans les erreurs à ne pas reproduire. Cette démocratie réelle que nous construisons et inventons s’inscrit dans le temps réel et dans sa complexité, dans une temporalité de la longueur et non dans la brièveté de celle des personnes que nous combattons. Nous n’avons que 4 mois d’expérience mais déjà que de chemin parcouru en si peu de temps !

En attendant de vous proposer une plate-forme rassemblant l’ensemble des appels, synthèses des groupes de travail et des notes que nous aurons pu récupérer (n’hésitez pas à nous en faire parvenir), et de vous faire part de votre bilan de cette 2e Assemblée des assemblées, voici les 5 appels qui ont été filmés à son issue :

Nous rappelons bien que même si elles ont fait l’objet d’une diffusion publique, ces déclarations sont des propositions dont doivent se saisir les Assemblées Locales pour les discuter, amender, adopter, rejeter etc.

 

Pour accéder à ces documents :

https://saint-nazaire.assembleesdesgiletsjaunes.fr/category/non-classe/

AssDesAss #2 – Appel de la 2e Assemblée des Assemblées des Gilets JaunesTélécharger

ce sera aux groupes locaux de valider.

AssDesAss #2 – Appel pour des assemblées citoyennesTélécharger

ce sera aux groupes locaux de valider.

AssDesAss #2 – Appel pour les élections européennesTélécharger

ce sera aux groupes locaux de valider.

AssDesAss #2 – Appel pour un acte national pour l’annulation des peinesTélécharger

ce sera aux groupes locaux de valider.

AssDesAss #2 – Appel pour une convergence écologiqueTélécharger

ce sera aux groupes locaux de valider.

 

Autres productions

Les groupes de travail ont produit une quantité incroyable de matière d’une grande richesse, comme le travail de la commission pouvoir d’achat du Vigan. Un travail de recueil a commencé et sera publié sur la plateforme numérique qui est en cours de fabrication (date prévue autour du 18 avril).

Plusieurs contributions de qualité ont eu lieu dans ces groupes de travail et n’ont pas pu être présentées et validées faute de temps. Nous allons tenter de les mettre en ligne au plus vite pour que les assemblées puissent les découvrir.