Le 6 septembre, la Direction culturelle de la ville de Martigues (13) organisait une journée sur les migrations, l’exil et l’accueil, marquée notamment par la participation de l’association SOS Méditerranée et la projection du film, Dix jours en mer qui retrace le périple du bateau L’Aquarius en juin 2018. A son bord, des centaines d’exilé-e-s contraints de débarquer à Valence (Espagne) après le refus d’accueillir le navire, signifié par les autorités italiennes et maltaises.

Aujourd’hui, SOS Méditerranée et Médecins sans frontières disposent d’un nouveau bateau, l’Ocean Viking, battant pavillon norvégien, qui a succédé à l’Aquarius, mais au coût journalier plus élevé (14 000 euros).  Rien ne garantit à ce nouveau bateau qu’il puisse échapper aux affres connues par son prédécesseur, remarquablement exposés dans le film documentaire diffusé par la chaîne Euronews.

 » Devant la démission de nos édiles au niveau européen, c’est une poignée de citoyens qui s’est déterminée à faire, à la place des Etats, ce qui était notre devoir : aller porter secours à celles et ceux qui s’exposaient au naufrage en tentant la traversée sur la Méditerranée centrale » rappelle Philippe, de l’association SOS MéditerranéeSuffisait-il d’empêcher l’Aquarius de poursuivre son activité de sauvetage pour tarir une route migratoire ? La suite a prouvé que non. « On nous a masqué cette hécatombe. Ce n’est pas une preuve, mais au moment où le bateau a pointé son étrave au large de la Libye, il a recueilli 356 personnes en quatre jours. C’est juste le constat que ce qu’on nous présentait comme une route qui n’était plus fréquentée, l’était très probablement en fait, mais en l’absence de témoins. Et les gens qui n’ont pas été secourus par des moyens qui n’existaient plus se sont noyés. Sitôt que l’Ocean Viking a récupéré ces naufragés, il a été en butte à ce qui est devenue une pratique courante, c’est à dire le déni du droit : lorsqu’un sauvetage est effectué, il n’est terminé que lorsque les autorités maritimes en charge de la coordination de ces sauvetages désignent au bateau un lieu sûr de débarquement. C’est inscrit dans la loi, dans le marbre du droit maritime, et depuis maintenant un an, cette loi à l’initiative de Matteo Salvini (*), mais avec la complicité active de l’ensemble des pays européens, est bafouée. Il faut des jours, parfois trois semaines pour un de nos confrères, pour obtenir l’autorisation de débarquer dans un port. Pendant ce temps, les bateaux sont obligés d’attendre et ceux qui ont besoin de notre action se noient ».

Le 12 septembre, selon des informations fournies par SOS Méditerranée, l’Ocean Viking avait à son bord « 82 rescapés dont une femme enceinte, un bébé d’un an et 17 mineurs non accompagnés » et était en attente « d’une réponse conforme au droit international pour les débarquer en lieu sûr ». Dans la nuit du lundi 9 au mardi 10 septembre, le bateau avait déjà du accueillir « 34 personnes secourues par un petit voilier de l’organisation ResQ Ship », le « Josefa » précise l’association.

Un parcours d’obstacles

Si « Dix jours en mer » permet de savoir ce que sont devenus certains rescapés sauvés par L’Aquarius. Il ne suffit pas d’avoir posé le pied sur le sol d’un pays européen pour que le parcours des exilés s’achève au mieux. Ancienne avocate œuvrant dans le cadre des procédures visant l’obtention de titres de séjour pour les réfugiés et apatrides, Sigolène Vinson a témoigné lors de la soirée à Martigues des difficultés de la tâche. « Quel récit raconter aux autorités et ensuite à la commission de recours pour que les dossiers aboutissent ? » expose-t-elle, « le récit que l’on doit faire n’est pas celui qui doit toucher le juge parce qu’il n’ a pas forcément envie d’être touché, mais c’est un récit qu’on peut attester par des pièces,  chaque personne qui fait une demande d’asile a souvent une histoire terrifiante et déchirante mais le juge n’ a pas le temps de s’attarder sur ces déchirements et ces angoisses si les pièces ne sont pas là ». D’ailleurs, « tous les dossiers que j’ ai défendus devant la commission de recours à Montreuil ont été perdus faute de pièces » déplore-t-elle. Car, dans ce véritable parcours d’obstacles (le mot est faible), « il faut des attestations et quand on demande le statut de réfugié ou d’apatride, il faut que la vie soit en danger dans le pays qu’on a quitté. Généralement, quand les personnes fuient, elles fuient à toute vitesse, elles n’ont pas le temps d’emporter les papiers ». Le fait d’être originaire d’un pays considéré comme en guerre ne préjuge même pas d’une décision de justice favorable. Sur les six personnes venues d’Afghanistan qui vivent à Martigues, « deux ont été déboutées, deux sont en attente » précise Sigolène Vinson.

Cette journée à laquelle ont pris part des militants associatifs (LDH, RESF…) et politiques, des acteurs culturels, des élu-e-s, aura un prolongement le 28 septembre, à la MJC de Martigues avec une initiative sur le thème « Martigues ville accueillante : imaginons la ensemble ». Au programme : des ateliers/discussions suivis d’un buffet convivial, avec la participation de l’ex-députée européenne Front de gauche Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme et de Jean-Pierre Cavalié, coordinateur PACA du réseau hospitalité. Martigues a adhéré récemment au réseau national des « villes accueillantes ».

N.P.

(*) Alors Ministre de l’Intérieur italien du parti d’extrême-droite, La Lega, à l’époque allié au Mouvement 5 étoiles.