Interviewé en 2017 lors de la sortie de son ouvrage « La Troisième guerre mondiale est sociale », Bernard Thibault dressait déjà un piètre bilan de la situation du travail dans le monde. Il sera l’un des invités des 7e Rencontres Déconomiques qui se tiennent du 5 au 7 juillet,  à Aix-en-Provence sur le thème Travail et Emploi.

Pour l’ex-secrétaire de la CGT (1999 à 2013), actuel membre du conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT) :

« Un travailleur décède toutes les 15 secondes, du fait de son travail. La situation des travailleurs, prise dans sa globalité dans le monde, se traduit notamment du fait de la mise en concurrence de la main d’œuvre à l’échelle internationale. Ce qui engendre des drames sociaux de plus en plus importants, au point qu’il y a aujourd’hui plus de morts par le travail qu’il n’y en a du fait de conflits et guerres réunis…

Plus de 2, 4 millions de travailleurs décèdent chaque année sur la planète suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. Un travailleur sur deux n’a ni contrat de travail, ni retraite. 74% des travailleurs n’ont aucune protection sociale. 12% seulement des chômeurs sont indemnisés (en France 40% des chômeurs le sont). Seules 28% des femmes dans le monde ont droit à des congés maternité et 152 millions d’enfants recensés par l’OIT, travaillent alors que tous les états ont signé une convention fondamentale interdisant le travail des enfants. Plus de 40 millions de travailleurs sont victimes de l’esclavage comme au Qatar, un des pays les plus touchés (la majorité de 1,3 million de travailleurs immigrés, se voit privée du passeport en arrivant).

Tous ces chiffres sont en dessous de la triste réalité. La moitié des pays dans le monde n’ont pas ratifié de convention permettant la mise en œuvre du droit international du travail qui protège le droit d’association (liberté syndicale) et le droit à la négociation collective. Alors lorsqu’on entend les discours culpabilisateurs faisant référence à la compétitivité des travailleurs français comparativement aux autres, on fait l’impasse justement sur ces différences, y compris sur le fait que dans de nombreux pays, malgré le droit international du travail, on se permet de faire travailler des personnes en étant en infraction ou sans respecter les droits humains fondamentaux. L’interdiction du travail des enfants, de l’esclavagisme ou du droit d’association ne sont pas des droits sociaux mais un droit humain, universel ».

Propos recueillis par H.B.

H.B
Journaliste de terrain, formée en linguiste, j'ai également étudié l'analyse du travail et l'économie sociale et solidaire. J'ai collaboré à différentes rédactions, recherches universitaires et travaillé dans divers domaines dont l'enseignement FLE. Ces multiples chemins ailleurs et ici, me donnent le goût de l'observation et me font aimer le monde, le langage des fleurs et ces mots d'André Chedid : «Cet apprentissage, cette humanité à laquelle on croit toujours».