L’intérêt que nous avions commencé à porter au printemps 2016 aux violences policières lors des manifestations contre la loi travail nous a bien vite amené à considérer le problème dans toute sa globalité.


 

Très vite, nous avons reçu des témoignages de violences à l’encontre de personnes racisées et/ou habitant les banlieues des grandes villes françaises. La violence de la police à l’encontre de ces personnes nous a frappé en pleine face, nous qui ne la subissions pas au quotidien.


P our un habitant de ces quartiers, la violence de la police n’est pas nécessairement liée à une répression politique, même si bien entendu elle contribue à instaurer un rapport de domination éminemment politique de certaines populations. Il serait aussi abusif de dépolitiser ces quartiers et les mouvements sociaux qui y existent. Sans rien nier de tout cela, force est de constater que la violence policière y porte aussi la marque de l’aléatoire : celle-ci ou celui-là se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, sur le chemin de la brigade anti-criminalité (BAC) par exemple.


Des commissariats tristement célèbres

Puisqu’elles n’ont pas lieu comme les violences contre les militant.e.s dans le cadre d’une manifestation, où on-t-elle lieu ? La réponse est un peu partout, dans l’espace public, parfois chez les personnes mais aussi dans l’enceinte des commissariats et dans les véhicules de police. Et c’est bien souvent à l’abri des regards qu’on lieu les exactions les plus graves. Dans son enquête sur les morts à la suite d’interventions policières, Bastamag dénombrait sur l’ensemble du territoire français 578 décès entre 1977 et 2018 dont 14 % ont eu lieu sur la route et 13 % dans un commissariat ou en gendarmerie.

Certains commissariats, dans ces banlieues, ont une réputation particulière de violence. C’est le cas du commissariat du Raincy en Seine-Saint-Denis, comme dans celui de Créteil dans le Val-de-Marne ou de Mantes-la-Jolie dans les Yvelines. Dans ces deux commissariats, les passages à tabac sont fréquents, sur fond de racisme explicite de la part des policiers.

Un fait également rapporté par la presse mainstream

Parfois, ce sont les véhicules de police qui offrent l’intimité suffisante pour que les policiers se livrent aux pires violences, menant parfois à la mort comme ce fut le cas en 2007 pour Lamine Dieng, tué dans un car de police à Paris.

Dans certains cas, comme dans celui du jeune homme aux mains brûlées contre le chauffage du véhicule, les violences sont aussi verbales et racistes et ont été suivies de représailles suite à un dépôt de plainte.

Dans d’autres cas, les véhicules sont utilisés comme arme, comme lors de courses-poursuites ou en tamponnant une personne avant de l’interpeller. Ces pratiques, interdites, sont pourtant monnaie courante et en particulier dans les banlieues comme en mai 2017 à Antony où Curtis, 17 ans, est mort alors qu’il tentait de fuir un contrôle de la BAC.

Agressions ultra-violentes sur fond de racisme

« Salope », « sale race » … « Ferme la, chez toi, chez les sauvages, ça serait réglé à la machette … »

C’est ce qu’ont dit les agents de police qui l’agressaient à Marie-Reine, mère de famille de 38 ans, qui raconte le calvaire qu’elle a vécu sur le site de l’Obs. Après avoir percuté son véhicule, des policiers l’interpellent violemment en la faisant tomber et la couvrent d’insultes. Sa plainte sera classée sans suite. Les humiliations sont monnaie courante lors des interpellations et des violences commises à l’encontre des racisés comme dans cette vidéo publiée sur Facebook qui montre un policier étrangler un homme au sol pendant de longues minutes à Rouen. Elles font même parfois office de provocations pour pousser la victime à la faute de façon à justifier les violences déjà commises ou à venir.

Les enfants et adolescents aussi concernés

On pourrait penser que les mineurs soient au moins épargnés par ces violences. Il n’en est rien. Qu’ils soient lycéens engagés ou simples enfants sortis jouer, les jeunes racisés et habitants des banlieues sont des cibles fréquentes de violences policières comme en témoignent les cas d’un mineur handicapé de 15 ans, tabassé au sol par des policiers aux Lilas ou d’Ilyès, 13 ans, frappé au visage à Argenteuil et placé en garde à vue, sans que ses parents en soient avertis. Ce ne sont là que quelques cas parmi tant d’autres.

Comme pour les adultes, les violences à l’encontre des enfants sont souvent doublées d’une volonté très claire d’humilier les victimes. En décembre dernier, nous avions publié une vidéo montrant des lycéens menottés à genoux face contre un mur à Mantes-la-Jolie. La scène, rappelant les techniques de rafles des régimes autoritaires plus que celles de maintien de l’ordre, avait été largement relayée et commentée.

Les humiliations avaient continué en garde-à-vue, comme en témoignait alors Yasser, 17 ans.

Une autre vidéo, datant de juin, montrait une mise en scène similaire, avec cette fois de plus jeunes enfants. Cette fois-là, peu de personnes s’en étaient fait l’écho.

Au bout du compte, les habitants de ces quartiers sont excédés par des décennies de violences arbitraires, d’humiliations, d’omerta et d’impunité. Dans ce contexte, parler de violences policières ne peut pas se limiter aux manifestations d’une partie du mouvement social. Le rôle des médias devrait être de mener un travail d’enquête approfondie en traitant ces sujets, ce qui est encore trop peu fait. Même si, grâce à de nombreux collectifs dans ces quartiers, la parole des victimes est de plus en plus relayée, au moins sur internet. Cette dernière vidéo recueille des témoignages des habitants d’Argenteuil.

Frédéric

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