Altermidi est partenaire des Rencontres musicales internationales d’Aigues-Vives qui se tiendront du 15 au 17 septembre dans le Gard. Dans ce cadre nous accueillons une contribution en quatre volets d’associations et de musiciens qui éclairent le contexte des œuvres données et de la programmation de ces Rencontres où se croisent différentes disciplines artistiques. Ce premier article de l’association « Le Mouvement Chostakovich » est consacré au rapport de la musique de Chostakovitch avec l’histoire contemporaine.


 

« J’ai composé mon Huitième Quatuor. J’ai eu beau essayer de dégrossir les musiques de film que je suis censé faire, je n’ai toujours pas réussi à obtenir un résultat satisfaisant. Au lieu de cela, j’ai écrit ce quatuor idéologiquement imparfait qui ne sert à personne. Je me suis dit que si un jour je mourais, personne n’écrirait une œuvre en ma mémoire, alors je ferais mieux d’en écrire une. La page de titre pourrait porter la dédicace  “À la mémoire du compositeur de ce quatuor”.

(…) C’est un quatuor pseudo-tragique, à tel point que pendant que je le composais, j’ai versé autant de larmes que j’aurais dû faire pipi après une demi-douzaine de bières. Quand je suis rentré, j’ai essayé plusieurs fois de le jouer, mais finissait toujours en larmes. Il s’agissait bien sûr d’une réponse non pas tant à la pseudo-tragédie qu’à mon propre émerveillement, unité de forme superlative. Mais ici, vous pouvez détecter une touche d’autoglorification, qui sans aucun doute passera bientôt et laissera à sa place l’habituel gueule de bois autocritique. » (Lettre à son ami Isaac Glikman, au moment où Chostakovitch était finalement obligé de devenir membre du Parti Communiste en 1960).

La musique de Chostakovitch occupe une place à part dans l’histoire de la musique du 20e siècle. Elle est révélatrice de contradictions fondamentales entre deux cultures pendant toute la période du communisme. En Occident, elle ne pouvait être que rejetée par les critiques et les médias qui ne voyaient en elle qu’un instrument de propagande stalinienne. Ce qui devait déplaire également en Occident, c’est souvent le lien étroit entre la musique de Chostakovitch et les événements politiques. Personne ne cherchait à y voir d’autres sources d’inspiration. C’est à croire que les critiques occidentaux sont eux-mêmes soumis à des pressions idéologiques, qui s’imposaient à une époque où existait un conflit ouvert entre le matérialisme de l’est et le conformisme bourgeois à l’ouest. C’était oublier gravement le caractère universel de la musique.

Au contraire, nous pensons que c’est ce lien qui, directement ou indirectement, donne une force incomparable à la musique de Chostakovitch, et qui jusqu’alors n’a pratiquement pas d’équivalent. Ce que, précisément, comprennent mieux les gens qui savent écouter, c’est que la musique a l’immense pouvoir d’échapper au raisonnement philosophique (et politique) et la capacité de révéler le sens caché, les passions secrètes des âmes.

C’est toute l’histoire humaine qui s’inscrit dans l’œuvre de Chostakovitch : images des champs de bataille dans ses grandes symphonies de guerre, images de toutes les formes de répression, de lutte contre le totalitarisme ou la tyrannie dans ses symphonies révolutionnaires, images des hommes désespérés devant la mort, images de tous les combats de la vie qui laissent entrevoir des visages hurlant de colère, des regards lucides ou ironiques sur les réalités de notre monde où l’on peut lire parfois des lueurs d’espoir.

C’est cette humanité de la musique qui transparait dans l’œuvre de Chostakovitch. Une musique habitée par des images qui nous sont familières, une musique qui s’adresse à notre conscience et porte en elle plus que toute autre un message de paix et d’harmonie à une humanité qui continue de s’entre-déchirer.

Sans prétendre que la musique de Chostakovitch puisse faire l’unanimité, il conviendrait de la faire découvrir au public en la délivrant des arrière-pensées qui jusque-là l’ont étouffée.

Outre l’envie naturelle de faire partager une passion, l’association Le Mouvement Chostakovich s’est fixée comme objectif de donner à ce compositeur la place qu’il mérite en France et c’est avec plaisir que nous nous associons avec l’Association Aigues-Vives en Musique en proposant un évènement unique, mariant musique, art et cinéma.

Alan Mercer

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Rencontres musicales internationales d’Aigues-Vives

du 15 au 17 septembre Programme et réservations