Diffusé une première fois à l’ACID (sélection des films indépendants) du festival de Cannes et ce samedi 22 octobre au Corum, Atlantic Bar, réalisé par la photographe Fanny Molins et en compétition pour la catégorie Documentaires, propose une immersion dans le quotidien du bar du même nom tenu par Jean-Jacques et Nathalie.


 

Après avoir écumé et recherché des bars dans la ville des Rencontres de la photographie pour dénicher la future star d’un travail de photo basé notamment sur la problématique de l’alcoolisme lié à son histoire personnelle, Fanny Molins a trouvé sa perle rare et typique : l’Atlantic Bar. Alors, après la rencontre avec ses inénarrables tôliers Jean-Jacques et Nathalie, couple attachant et fort en caractères cabossés par les affres de leur parcours, la photographe choisit de délaisser son appareil et les clichés figés au profit d’une caméra pour capter en format 4/3, plus proche de la photo, la chaleur de la vie du lieu durant quatre années.

Gros accent du sud et gouaille de poissonnière, belle brune à la voix rocailleuse, Nathalie c’est celle qui remballe un peu tout le monde, même son barman de mec qu’elle rêve en string sur la plage, Jean-Jacques au caractère plus posé, fan de Johnny qui aime pousser la chansonnette. Leur bar c’est leur vie, même si Nathalie rêverait de rester derrière les fourneaux plutôt que de servir les clients habitués de toujours aux rides et cicatrices aux visages. Mais elle les aime ses clients devenus amis, voire famille de galère réunie dans ce lieu au rythme typique des villages du sud de la France. L’apéro y est sacré, se serrer les coudes et se réchauffer les cœurs aussi.

Alors, quand le couple apprend par recommandé la volonté d’éviction de leur gérance par un propriétaire trop confiant à son goût, c’est la douche froide. Guetté par la gentrification, l’Atlantic Bar entend bien résister pour rester le bastion populaire crucial pour Jean-Jacques qui refuse de monter les prix malgré des contextes financiers difficiles, pour continuer d’accueillir les vieux et jeunes arlésiens ancrés dans leur territoire, vestiges d’un temps qui meurt. Parce qu’ici pas de faux-semblant ni de dress-code : l’Atlantic Bar est un tiers-lieu où l’on vient comme on est, avec ses histoires de braquage et de prison, de vie dans la rue, de drames de vie.

Ni pathos ni voyeurisme, ni juge d’habitudes toxiques ni cynique, ce premier documentaire de Fanny Molins relate avec honnêteté et justesse la vie de ces lieux emplis de vies cassées mais toutes soudées, qui s’éteignent peu à peu. Un superbe film qu’on pourra visionner lors de la seconde et dernière projection de ce mercredi 26 octobre prochain dans la salle Einstein du Corum.

Alice Beguet

 

La réalisatrice Fanny Molins présente son film au public.
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Rédactrice passionnée de culture. De la gastronomie, qu'elle exerce au travers de son deuxième métier de cheffe et qu'elle traitera à l'écrit dans les pages du Figaro (ponctuellement) ainsi que sur son blog de critique, la Tambouille d'Alice, aux arts sonores et visuels, jusqu'au théâtre sur lequel la rédactrice sans carte de presse a écrit nombre de critiques dans le cadre du Festival d'Avignon durant quelques années de piges au Dauphiné Libéré. Curieuse des parcours et modes de vie de tous les êtres vivants, inquiète des inexorables défis climatiques et sociaux, soucieuse d'en relayer des solutions citoyennes.