Du 21 au 29 octobre se tient le festival Cinemed, un rendez-vous incontournable du 7e art méditerranéen, à Montpellier. Cette 44e édition s’ouvre dans un climat tendu où le cinéma s’inquiète pour son avenir. Entretien avec son directeur, Christophe Leparc, actif et optimiste !


 

 

Dans le contexte tendu dans lequel se trouve le cinéma aujourd’hui, sous quels auspices cette 44e édition du Cinemed voit-elle le jour ?

Elle s’ouvre sur la preuve vivante que les festivals ont leur rôle à jouer dans la fréquentation des salles de cinéma. Je crois que le côté événementiel d’un festival peut provoquer le geste d’un spectateur qui voudrait revenir voir un film parce qu’il sait qu’il y aura le réalisateur ou des acteurs avec qui il peut échanger. En redécouvrant combien l’expérience culturelle collective est différente de la vision d’un film sur son ordinateur, on peut se dire : « ah ouais ! c’est bien quand même le cinéma », et donc reprendre l’habitude de fréquenter les salles de cinéma. Au Cinemed, le “vivre-ensemble” contribue à notre raison d’être. C’est-à-dire l’échange, la mise en relation en discutant avec les auteurs, les réalisateurs et les réalisatrices qui ne demandent que ça, un contact humain pour avoir un retour sur leur œuvre. c’est très important.

 

Avec une baisse moyenne de 30 % depuis le début de l’année, la fréquentation des salles de cinéma n’a pas retrouvé son niveau d’avant la pandémie. On ne sait pas toujours que c’est l’ensemble de la chaîne qui pâtit mécaniquement de la baisse des spectateurs…

Oui en effet, sur un ticket de cinéma il y a une part qui remonte aux exploitants, à la salle, mais aussi une part qui revient aux producteurs et aux distributeurs du film. Cela permet d’engendrer ce que l’on appelle un compte de soutien qui va permettre de financer les films d’après. Si ce fonds n’est plus alimenté, et bien les films ont du mal à être financés et des projets tombent à l’eau. Actuellement on constate une baisse qui touche les salles de cinéma mais c’est toute la filière qui souffre de cette baisse de fréquentation.

 

Lors de la présentation de l’édition 2022 vous avez évoqué une évolution du festival qui pourrait se rapprocher, voire concourir, à la production de film ?

Exactement, les festivals ne sont plus seulement des lieux de diffusion. Il est tout autant important de mettre en relation les artistes avec les auteurs que d’assurer un pont entre les auteurs qui ont des projets en gestation et les professionnels qui pourraient les aider à monter et à concrétiser les projets. Nous le faisons dans le cadre de Cinemed meeting — les rencontres professionnelles — où nous présentons un certain nombre de projets de films de long métrage qui viennent de tout le bassin méditerranéen à des professionnels, producteurs, financeurs, industrie technique en provenance de toute la France et même d’Europe.

 

Montpellier s’affiche comme un berceau hospitalier pour le cinéma, quels sont ses atouts ?

Actuellement une infrastructure est train de se mettre en place autour de la ville de Montpellier. Il existe plusieurs écoles de cinéma, mais on assiste aussi à l’installation de prestataires techniques en matière d’effets spéciaux et à l’arrivée de grands projets de studios de tournage. Nous avons cette chance de nous trouver dans un lieu qui pourrait permettre aux films de se faire. Le festival est un espace de médiation. Notre rôle est un rôle d’entremetteur ; les gens sont sur place, nous faisons venir les auteurs et les artistes de tout le bassin méditerranéen et le Cinemed donne l’occasion de se rencontrer pour concrétiser les projets.

 

Le Cinemed travaille en partenariat avec une plateforme à Beyrouth, comment se finance ce type d’action ?

C’est une plateforme spécialisée dans le cinéma arabe. Faire venir ces projets à Cinemed va permettre de lancer des productions. En termes de financement, il faut d’abord lancer les projets pour qu’ils existent. On n’attend pas d’être financé. C’est à nous de démontrer que ce que nous faisons nécessite des financements. On déborde de travail, mais on y croit. Le CNC est très attentif à ce genre d’initiative. Il soutient la structure libanaise afin qu’elle nous présente ses projets et il va nous aider a inviter plus de professionnels. Le financement sera progressif. Il se base sur la pertinence du rapprochement entre cette structure libanaise et le Cinemed, ils se disent qu’il faut suivre ce genre d’initiative.

 

On a beaucoup parlé de cinéma, assez peu de la programmation qui s’annonce riche et diversifiée avec notamment un focus sur le cinéma géorgien…

On aime bien les coups de projecteur sur les cinématographies de pays de la Méditerranée. Les Géorgiens se considèrent vraiment comme des Méditerranéens. J’y étais cet été. La présence de la culture méditerranéenne entretenue sur place est frappante… Et donc, nous irons à la découverte de cette jeune génération de réalisateurs géorgiens qui est très talentueuse. Ce focus est aussi un moyen de saluer le travail du Centre du Cinéma géorgien qui entreprend la restauration de son patrimoine cinématographique qui est très ancien. Petit à petit, ils sont en train de récupérer les films qui étaient disséminés un peu partout, notamment en Russie, et de les restaurer. Nous en présenterons un certain nombre pendant le festival. C’est primordial de s’appuyer sur la culture patrimoniale, pour montrer que le cinéma n’est pas seulement dans une actualité, et qu’il a aussi des racines profondes.

 

Propos recueilli par Jean-Marie Dinh

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.