Samedi 9 juillet, une nouvelle mouture du projet de Constitution du président tunisien Kaïs Saïed a été publiée au Journal officiel. Deux articles sont modifiés, l’un évoquant la place de l’islam et l’autre les droits et libertés.


 

Le président tunisien Kaïs Saïed* a fait publier dans la nuit de vendredi 8 à samedi 9 juillet une version amendée de son projet de nouvelle Constitution, qui doit être soumis à un référendum le 25 juillet, mais le texte continue d’accorder de larges pouvoirs au chef de l’État.

Dans la nouvelle mouture publiée au Journal officiel vers minuit, Kaïs Saïed a modifié deux articles particulièrement controversés, l’un évoquant la place de l’islam et l’autre les droits et libertés.

Au chapitre 5 de la nouvelle Constitution, le président a introduit la mention « au sein d’un système démocratique » dans la phrase affirmant que la Tunisie « fait partie de la communauté islamique » et que « l’État doit travailler pour atteindre les objectifs de l’islam ».

Cet article a été très critiqué par les défenseurs d’une séparation nette entre la religion et l’État qui dénonçaient de possibles ambigüités dans son interprétation. Amnesty International a estimé que cet article pourrait « autoriser la discrimination contre d’autres groupes religieux ».

 

Droits et libertés

Quelques heures avant la publication du nouveau texte, Kaïs Saïed a annoncé dans une vidéo officielle que « des précisions devaient être ajoutées (au premier texte publié le 30 juin) pour éviter toute confusion et interprétation ».

L’autre passage important concerne l’article 55 sur les droits et libertés. « Aucune restriction ne peut être apportée aux droits et libertés garantis dans la présente Constitution si ce n’est en vertu d’une loi et d’une nécessité imposées par un ordre démocratique », dit désormais l’article.

Et d’éventuelles restrictions ne peuvent intervenir que « dans le but de protéger les droits d’autrui ou pour les besoins de la sécurité publique, de la défense nationale ou de la santé publique ».

Les partis d’opposition et plusieurs ONG se sont inquiétés de l’article 55 qui donne, selon eux, toute latitude aux autorités pour limiter les libertés sans véritables gardes-fous.

Pour le reste, Kaïs Saïed, auteur il y a un an d’un coup de force par lequel il s’est arrogé tous les pouvoirs, n’a pas modifié les grandes lignes du texte initial qui marque une rupture radicale avec le système parlementaire en place depuis 2014.

Avec AFP

 


* Kaïs Saïed
Kaïs Saïed

Il était un ovni, un prof’ d’université, qui discutait de révolution avec ses élèves sur les bancs de la fac, un candidat antisystème. Il avait promis de rendre au peuple tunisien cet élan révolutionnaire qui, depuis 2011, s’était essoufflé, faute d’être porté. En septembre 2019, Kaïs Saïed fut élu président avec un score écrasant de 70 % des voix.  Depuis, l’homme providentiel est devenu le fossoyeur de la révolution. En moins de trois ans, il a détricoté toutes les instances représentant ce peuple qui l’a élu. Le 25 juillet 2021, il s’arroge les pleins pouvoirs en limogeant le Premier ministre. En février dernier, il dissout le Conseil supérieur de la magistrature. En mars, il dissout cette fois le Parlement et envoie en prison un député mécontent. Fin avril, à trois mois d’un référendum sur la Constitution, à huit mois des élections législatives, le président tunisien décide de nommer le chef de l’Autorité électorale. 

Virginie Roels

Rédactrice en chef du mensuel d’Amnesty International qui consacre un dossier au démantèlement de la démocratie en Tunisie.