Une enquête du journal Le Monde révèle que le ministère de la Transition écologique avait reçu en juillet 2021 l’ancien cadre lanceur d’alerte de la centrale nucléaire du Tricastin, qui reproche à EDF une politique de dissimulation.


 

« Depuis le départ dans ce dossier, il y a une révélation et des alertes qui sont faites en interne, aussi bien auprès de la direction d’EDF qu’auprès de l’autorité de contrôle, l’ASN. Et en dépit de ces nombreuses alertes, vous avez une inertie », déplore Me Vincent Brengarth, l’un des avocats de Hugo, l’ancien cadre de la centrale nucléaire du Tricastin qui a déposé plainte contre EDF.

Hugo a été nommé chef du service de pilotage et de surveillance de la centrale du Tricastin en 2016. À l’approche de la quatrième visite décennale, qui doit ouvrir la voie à l’exploitation de la centrale pour dix années supplémentaires, il observe des dissimulations et des minimisations d’incidents au sein des équipes de direction. En octobre 2021, face à la non-prise en compte de ses alertes, il dépose plainte contre EDF et contre la direction du Tricastin devant le tribunal judiciaire de Paris pour « mise en danger de la vie d’autrui », « infractions au code pénal, au code de l’environnement, au code du travail et à la réglementation relative aux installations nucléaires » et pour « harcèlement ».

Le Monde révèle que le 30 juillet 2021, Hugo, le lanceur d’alerte de la centrale du Tricastin, a été reçu en présence de ses avocats par une proche conseillère de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et un haut fonctionnaire en charge de la politique énergétique française. Quatre mois avant son dépôt de plainte et ses révélations médiatiques, il avait informé le gouvernement de ses accusations.

 

Le gouvernement laisse faire

 

« Lors de cette rencontre, Hugo a très clairement exposé les différents dysfonctionnements structurels qu’il avait vu à l’œuvre dans la centrale du Tricastin », expose Me Vincent Brengarth joint par France Bleu Drôme Ardèche. Par la suite, l’entretien n’a suscité « aucune réaction officiellement, en tout cas faite par le ministère et par le gouvernement ». D’où la plainte. « On s’attendait à une réaction de la part de la ministre, parce que les faits dénoncés par la suite dans la plainte déposée sont d’une extrême gravité », a déclaré Me Brengarth.

Le ministère confirme l’entretien et explique avoir prévenu l’ASN (l’Autorité de Sûreté Nucléaire), le gendarme des centrales nucléaires en France. Après inspection, l’ASN a soutenu la direction d’EDF.

Sur les ondes de France Culture, Hugo se dit  « amoureux et passionné du nucléaire », mais, pour lui, il est primordial de respecter la loi en matière de sécurité. C’est là ce qu’il appelle la « culture sûreté », un principe incontournable dans le monde du nucléaire selon lequel aucune autre considération, surtout économique, ne doit prendre le pas sur la sécurité industrielle. Cet axiome est en principe garanti par l’Autorité de Sûreté Nucléaire à laquelle le groupe EDF est tenu de rapporter tout incident et toute défaillance du système.

« J’ai toujours pensé naïvement que la boussole de chacune et chacun des salariés au sein d’une centrale nucléaire, c’était la sûreté totale et absolue, et qu’aucun enjeu, quel qu’il soit, ne pouvait justifier que la sûreté ne soit pas la priorité. Je me suis vite rendu compte que ce n’était pas le cas », explique Hugo. La direction d’EDF dément toujours ses accusations.

Il importe de préciser que cette affaire n’oppose pas les partisans du nucléaire à ceux qui le contestent. Le cœur du sujet concerne le respect de la loi autour des règles de sûreté nucléaire, ce qui met en jeu la responsabilité du gouvernement en matière de sécurité publique.

 

Avec les Sources du Monde et de France Bleu Drôme Ardèche