DR-coopérative

Un peu d’histoire

L’économie sociale vient de pratiques très anciennes qui remontent au Moyen Âge (confréries, guildes, compagnonnages, associations ouvrières, patronages). Interdit sous le Premier Empire après la Révolution française (Loi Chapelier et décret Lagarde en 1791), l’associationnisme ouvrier ressurgit à l’arrivée de la révolution industrielle. De nombreux mouvements sociaux et de nouvelles théories économiques apparaissent.


Face aux limites de l’État qui ne peut subvenir aux besoins des citoyens, les penseurs du socialisme utopique prônent de nouvelles façons de produire et de consommer. Le mouvement se caractérise par la volonté de mettre en place des communautés selon des modèles et des règlements divers, qui se situent entre le socialisme utopique de Saint-Simon (1760-1825), Charles Fourier (1772-1837) et Robert Owen (1771-1858), le collectivisme libéral et autogestionnaire de Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), le catholicisme social et paternaliste de Frédéric Leplay (1806-1882) et le coopérativisme de Charles Gide (1847-1932).


 

Enfants au travail
Crédit PIXNIO

Le mouvement ne repose pas sur une révolution politique, ni sur une action réformatrice de l’État, mais plutôt sur la création par les citoyens d’une « contre-société » au sein même du système capitaliste, et sur l’idée que le processus de multiplication de ces communautés socialistes permettra progressivement de remplacer le système capitaliste.

Avec le développement du capitalisme industriel, une nouvelle classe prolétarienne aux conditions de vie extrêmement précaires apparaît. Pour subvenir à leurs besoins, des travailleurs mettent en pratique les principes de coopération, de mutualisme et de solidarité en créant des sociétés de secours mutuel, des comptoirs alimentaires, des coopératives de consommation et de production.

Sous le Second Empire, le mouvement coopératif est d’abord réprimé. Puis les sociétés de secours mutuels sont reconnues par la loi du 15 juillet 1850, signée par Louis-Napoléon Bonaparte.

À partir de la IIIe République (1870 à 1940), le cadre juridique de l’économie sociale se forme en un processus long et laborieux (1885 : création de la Fédération des coopératives de consommation, 1898 : charte de la mutualité, 1917 : loi sur les coopératives).

La loi « 1901 » consacre la liberté d’association et devient par la suite un droit constitutionnel reconnu par les traités internationaux.
Durant toutes ces années, on assiste à la mise en place de la protection sociale, des assurances, du développement de l’éducation et des loisirs, la prise en charge de la santé et de l’action sociale, mais aussi de l’organisation de la production et de la distribution en temps de guerre.

En 1945, le programme du Conseil national de la résistance (CNR) met en place l’État providence (Sécurité sociale, médico-social, éducation) et de nouveaux mouvements de l’économie sociale émergent (éducation populaire, création d’Emmaüs en 1953).

En 1947, la loi du 11 septembre fixe les principes et le fonctionnement de toute la famille coopérative.
Des structures se montent pour fédérer les organisations de l’économie sociale (Chambre régionale de l’économie solidaire, Comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives – CNALAM).

Dans les années 1970-1980, avec l’insertion par l’activité économique (IAE), l’économie solidaire voit le jour. Elle a pour but de lutter contre le chômage et l’exclusion sociale. Reconnue par le Code du travail, elle contribue notamment au développement des territoires et devient partie intégrante de l’économie sociale (ESS). En 1980, les acteurs du domaine définissent, dans une charte publiée par la CNALAM, les principes et valeurs de l’ESS.

La reconnaissance institutionnelle de l’économie sociale commence en 1981 lors de l’arrivée des socialistes au pouvoir.

À l’initiative de Michel Rocard, alors ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire (gouvernement Pierre Mauroy), est créée la Délégation Interministérielle à l’Économie Sociale (DIES) qui rassemble pour la première fois les grandes familles du domaine. L’économie sociale est reconnue par décret.

En 1983, des chambres régionales de l’économie sociale (CRESS) sont créées dans chaque région et l’Institut de Développement de l’Économie Sociale (IDES) voit le jour.

Le changement de paradigme libéral de l’ESS se situe dans les années 2000.

À la suite de la crise de 2008, la conception anglo-saxonne « social business », qui écarte les valeurs de l’ESS au profit d’une rentabilité à but social, s’impose dans les débats de l’ESS.

L’entrepreneuriat social fait son apparition avec la création du Mouves (Mouvement des entrepreneurs sociaux) par Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS1, mastodonte de l’ESS qui balaye aujourd’hui tous les domaines (jeunesse, la santé, l’emploi, les solidarités, les seniors, culture, agriculture…). Le mouvement des entrepreneurs sociaux privilégie notamment « une gestion performante des affaires pour pouvoir financer les innovations sociales et compenser les pertes ».

En 2001, la Charte européenne de l’économie sociale est promulguée. Les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) voient le jour. Contrairement aux SCOP (Société coopérative de production ou participative dans laquelle les salariés sont associés majoritaires), leur statut permet d’associer différents types de parties prenantes à la gouvernance. Ces sociétés sont fortement ancrées dans le territoire, puisqu’elles produisent des biens et des services à forte utilité sociale.

En 2006, le Conseil supérieur de l’économie sociale, instance de concertation entre les pouvoirs publics et l’ESS est créé.

En 2012, L’ESS a son ministre en la personne de Benoît Hamon qui va porter la loi du 31 juillet 2014. Le texte, tout en reconnaissant les spécificités des coopératives, associations, mutuelles et fondations, marque la reconnaissance d’« un mode d’entreprendre différent » (Voir article de l’Humanité: Une autre façon d’entreprendre ou une vision libérale de l’ESS ?).

La loi Hamon définit une organisation nationale de l’économie sociale et solidaire avec la création de la Chambre de l’ESS, mais aussi du Conseil National des CRESS. Elle apporte également des modifications au statut et au fonctionnement des Scop, mais surtout, elle ouvre la porte aux entreprises privées sous conditions. Les sociétés doivent s’engager à respecter les principes de l’ESS, à avoir une politique salariale qui réduit les écarts de salaire, les titres (ou actions) ne pouvant pas être négociés sur les marchés financiers et il n’y a pas de dividende.

Un agrément ESUS est créé qui certifie que l’entreprise est une Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale. Gage de crédibilité, il attire les investisseurs privés au travers de l’épargne solidaire.

 

DR Union de coopératives pour travaux publics

Une économie d’intérêt général

L’ESS est une économie d’intérêt général, au service de l’Homme, basée sur quatre grands principes :

  • l’utilité sociale

Soutien aux personnes fragiles, développement du lien social, éducation à la citoyenneté, concourir au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale.

  • la démocratie

Si la gouvernance démocratique est considérée comme l’un des piliers de l’ESS, elle prend des dimensions différentes selon les structures.
La règle, 1 personne = 1 voix, ne s’applique qu’aux coopératives.
Dans une société coopérative et participative (Scop), les salariés détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote.
Le cadre légal n’impose pas nécessairement une forme de gouvernance aux société commerciales ou aux associations de la loi 1901. La gouvernance qui est définie et organisée par les statuts doit prendre en compte l’information et la participation des salariés et des parties prenantes.

  • la recherche d’un modèle économique pérenne qui est un moyen d’atteindre un objectif social

    DR-LIP-Autogestion
  • la lucrativité limitée

Redistribution des bénéfices vers un projet social, les excédents sont mis au service des Hommes et du développement du projet (mise en réserves, investissements, fonds propres, partage avec les salariés, etc). Une rémunération du capital limitée (coopérative) ou nulle (associations et mutuelles). Une échelle des salaires encadrée. Pas de dividende.

Depuis 2014, cinq familles de structures composent désormais l’ESS  : les mutuelles, les coopératives, les associations, les fonds de dotations et fondations et les sociétés commerciales.

L’ESS représente aujourd’hui près de 13 % de l’emploi, 10 % du PIB en France et 97 % des emplois de l’ESS relèvent du secteur tertiaire. Les projets sont financés par des subventions publiques, des prêts, des dons, mais aussi des fonds privés.

 

La parole de l’ESS

Le 10 décembre 2021, a eu lieu le Congrès de l’économie sociale et solidaire organisé par ESS France. Lors de cet événement, les membres de l’ESS ont échangé et débattu pour porter la parole de l’ESS à quelques semaines de l’élection présidentielle.

Quelques liens

La République de l’ESS
Construire ce que l’ESS souhaite dire au monde

https://www.ess-france.org/la-republique-de-l-ess

La déclaration d’engagement de l’ESS (décembre 2021)
https://www.ess-france.org/system/files/inline-files/FINAL_DECLARATION_A4_V2.pdf

Les raisons d’agir
https://www.ess-france.org/fr/declaration-dengagement-de-less

Le temps des conquêtes
Séquence autour de l’élection présidentielle
L’ESS a toujours suscité un consensus étonnant chez les politiques de tous horizons. Dans cette séquence autour de la présidentielle, chaque candidat interviewé dit vouloir lui accorder une place de choix dans son gouvernement.

Pour aller plus loin :
https://www.lelabo-ess.org/ess
https://www.ess-france.org/
https://www.franceactive.org/
https://www.avise.org/

Notes:

  1. Le Groupe SOS agit sur le terrain, pour répondre aux défis sociaux et environnementaux du monde actuel. Sans actionnaire, non-lucratif, les résultats du GROUPE SOS sont 100% réinvestis pour créer ou pérenniser des actions sociales et environnementales.
Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.