130 villes participeront à « la Marche d’après » le dimanche 9 mai. Pour rappeler que même après avoir été votée à l’Assemblée nationale, la loi « climat et résilience » reste loin des enjeux.


 

« Nous marchons pour dénoncer le manque d’ambition du gouvernement qui refuse de faire face à l’urgence écologique et sociale et pour nous unir face aux défis qui nous attendent » : les associations, syndicats et collectifs déjà réunis à Martigues lors de la précédente marche pour le climat le 28 mars ont décidé de remettre ça le 9 mai1. Soit cinq jours après l’adoption de la loi à l’Assemblée2 et avant son examen au Sénat en juin. Peut-être ne sont-ils pas convaincus par les propos de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili : « Avec cette loi, nous marquons un tournant en ancrant l’écologie dans le quotidien ».

À l’échelle d’une ville de 50 000 habitants, la coalition de ces acteurs divers (CGT, FSU, Alternatiba, Amnesty International, CCFD, Maison des Jeunes et de la Culture, Mouvement de la Paix, café associatif Le Rallumeur d’étoiles…) traduit les convergences qui s’expriment au niveau national avec plus de 370 mouvements, associations, partis, collectifs, syndicats qui appellent à ces marches. Devant les urgences climatique et sociale mêlées, l’heure n’est plus aux querelles de clocher : « on enlève les caricatures, c’est une belle progression », souligne Catherine Bonafé, d’Alternatiba Ouest Étang de Berre.

Des 149 mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat (CCC)3 , « 90 % ont été atténuées, reportées ou enterrées », selon les organisations. Dans la bouche d’Emmanuel Macron, la promesse d’une transmission « sans filtre »  des propositions s’est transformée en « 150 citoyens ont fait un truc mais ce n’est pas la Bible » (sic). Les membres de la CCC n’avaient certainement pas la prétention de réécrire une telle œuvre, juste de remplir la mission qui leur avait été confiée : trouver des solutions permettant une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990), « dans un esprit de justice sociale ».

 

« Une loi indigente »

 

Après le sort réservé à leurs travaux, ils et elles n’ont pas caché leur déception, comme les  associations engagées dans diverses causes écologistes. « Les enjeux de justice sociale restent absents du projet de loi : seuls 2 des 5 millions de logements passoires sont concernés par l’interdiction de location progressive d’ici 2028. Pire, pour obliger leurs propriétaires à rénover leur bien, les locataires en situation de précarité devront saisir la justice », déplorent les organisations qui appellent à cette « marche d’après ».

Elles dénoncent une même frilosité sur le « refus de mise en place d’un ISF climatique » ou la question d’un « moratoire sur la construction des entrepôts de e-commerce des multinationales comme ceux d’Amazon », l’absence de baisse de la TVA sur les billets de train ou de plan d’investissement dans le ferroviaire. La Convention citoyenne pour le climat avait fait de l’alternative aux voyages en avions réalisables en moins de 4 heures une proposition phare. Le gouvernement et les députés LREM ont retenu 2h30. « Malgré la volonté affichée d’interdire les extensions d’aéroports, aucun des projets annoncés n’est concerné  et seules une à trois lignes aériennes intérieures fermeront ».

Pour Catherine Bonafé, « cette loi est indigente, elle ignore les travaux de la Convention citoyenne » qui avait le mérite d’avoir conçu « des mesures qui se répondent entre elles ».

Depuis la reconversion de la raffinerie Total de La Mède (13), associations de défense de l’environnement et CGT ont fait un pas les uns vers les autres. « On peut travailler largement ensemble. On vit, on travaille ici et quand on pollue les écoles tout le monde en pâtit », relève Daniel Bretonnes, lui-même salarié du pôle pétrochimique de Lavéra, sur la commune de Martigues. Pour ce responsable syndical CGT, « dans les propos du gouvernement, on parle très souvent de l’effort du citoyen et très peu de celui des industriels, on doit trier nos déchets mais qu’est-ce qu’on impose à ceux qui polluent le plus ? ». Et seule la pression syndicale et citoyenne lui semble de nature à faire évoluer les choses : « si on attend que leur morale leur impose quelque chose, on va attendre longtemps ».

Engagé lui aussi dans cette démarche collective, le Mouvement de la Paix aborde une question quasi taboue : l’impact des dépenses militaires. Selon la militante locale Elisabeth Grand, « cela représente 2 000 milliards de dollars et l’équivalent de trois semaines de dépenses permettrait de résoudre beaucoup de problèmes dans le monde ». Des propos qui résonnent avec la vente, annoncée cette semaine, de trente avions Rafale à l’Égypte.

On est loin des objectifs proclamés par la vingtaine d’associations, syndicats, collectifs locaux et des dizaines d’autres dans le pays : « Il y a urgence à transformer nos modes de vie, de consommation et de production. Cela passe par une autre répartition des richesses, des modèles de production et d’échanges guidés avant tout, pas des impératifs sociaux et écologiques, aussi bien au niveau national qu’au niveau mondial ».

Dans nos deux régions, de multiples marches auront lieu ce week-end, à Toulouse, Auch, Carcassonne, Sète, Le Vigan, Alès, Digne, Avignon, Marseille, Aix-en-Provence, Toulon, Mouans-Sartoux, Nice….

                                                                                                             J-F Arnichand

 

Notes:

  1. Un « happening » est prévu de 10h à 10h45 autour des Ponts Bleus à Martigues, suivi d’une assemblée pour décrypter la loi climat et débattre sur les mesures phares à exiger au Théâtre de verdure, de 11h à 12h, dimanche 9 mai
  2. Avec 332 voix pour, 77 contre et 145 abstentions  examinées 
  3. https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/le-rapport-final/
JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"