Pendant le confinement, comme avant, et après, les services publics continuent de fonctionner, et de facturer. Dans le cas de services délégués à des entreprises privées, comme l’adduction d’eau, les associations d’usagers s’inquiètent de voir des pratiques habituelles, mais inacceptables pour eux, perdurer. Ainsi le collectif des usagers de l’eau du Grand Avignon a-t-il maintenu une veille et essayé de défendre les droits des usagers.


 

Les mauvaises pratiques des sociétés fermières (celles qui se voient attribuer le marché de l’eau par délégation de service public, dans notre exemple) sont connues du collectif des usagers de l’eau du Grand Avignon. Depuis la privatisation de fait du service en 1986, ces derniers n’ont cessé de dénoncer les dérives de la gestion privée. Surfacturations, coupures, pénalités de retard qui s’accumulent, non entretien du réseau, son renouvellement restant à la charge de la collectivité.

 

Ça, c’était avant sous Veolia, raison pour laquelle le collectif d’usagers a pesé de tout son poids, à la fin de la délégation de service public, pour la création d’une régie communautaire (à l’échelle de la communauté d’agglomérations).

Malheureusement, même l’engagement de la maire d’Avignon, élue en 2014, d’aller vers une régie publique n’a pu se concrétiser faute d’une majorité favorable au conseil communautaire. Les défenseurs des droits des usagers ont pourtant continué la bataille, sur le plan juridique notamment, pour contester les choix des délégataires (Suez pour l’eau et Veolia pour l’assainissement), arguant du fait que ces derniers avaient démontré essentiellement être préoccupés par leurs profits.

Depuis le 1er janvier 2019, pour Avignon, et le 1er janvier 2020 pour d’autres communes, c’est donc Suez et Veolia transformés en « Eau Grand Avignon » qui ont en charge le service. La transition entre les deux aura été compliquée pour les usagers comme le rappelle le collectif :

« Les factures émises par Suez (sous l’appellation Eau Grand Avignon) et étalées entre les mois d’août et décembre 2019 ont donné lieu à de nombreuses réclamations (plus de 400) auxquelles Suez a répondu défavorablement. Les usagers et le Collectif de l’eau initient une tentative de conciliation à l’amiable avec Suez, l’auteur des factures, en présence de Veolia (pour la partie assainissement) et du Grand Avignon (responsable de la hausse). »

Car, contrairement aux promesses qui ont servi d’argument en faveur du délégataire, les factures ont bien augmenté. Un choix voté par le conseil communautaire après une campagne pour la délégation de service public qui appuyait essentiellement sur la baisse de tarif. Rien que concernant l’année 2019, les griefs sont nombreux : factures extravagantes entre 700 et plus de 3500€ correspondant à des index estimés erronés au 31 décembre 2018 et souvent à nouveau estimés entre août et décembre 2019 ; pénalités de retard de 25€ infligées indûment à des usagers, et parfois doublées ; factures attestant d’une double facturation de mètres cubes, une fois à Veolia, une autre fois à Suez, avec index estimé erroné au 31 décembre 2018 ; usagers ayant, fin 2018, un crédit sur trop-payé par prélèvements mensuels et que Veolia ne rembourse pas systématiquement.


Dès le début de l’année 2020, le collectif des usagers formulait auprès du Grand Avignon des propositions « afin que de telles bavures ne se renouvellent pas en Avignon, à l’occasion de la prochaine facture du 1er semestre 2020, et qu’elles ne puissent pas se produire en 2021 lors du passage de la SAUR à SUEZ pour l’eau dans les communes de Morières, les Angles, Villeneuve, Jonquerettes, Pujaut, Roquemaure et Sauveterre, et de Suez à Veolia pour l’assainissement dans toutes les communes autres qu’Avignon ». 

2019 a effectivement été une année de transition avec la mise en place du nouveau délégataire Suez, succédant à Veolia au 1er janvier 2019 pour l’alimentation en eau potable de la ville d’Avignon et donc pour la facturation. Il n’y a pas eu de relevé de compteurs au 31 décembre 2018, des litiges sur les estimations se sont donc produits. Ensuite, les usagers ont eu à subir de gros retards de Suez rebaptisée Eau Grand Avignon : la première facture n’a été reçue qu’au cours du second semestre 2019 sans information préalable et sans possibilité de mensualisation. Une seule facture salée : un an d’abonnement et jusqu’à 10 mois de consommation (au lieu des 2 factures semestrielles prévues dans le règlement).

Par ailleurs, de nombreuses erreurs de facturation et des dysfonctionnements, même reconnus par le président de l’agglomération lors d’un conseil communautaire, puis des pénalités de retard exorbitantes appliquées de façon automatique sans tenir compte des réclamations, des demandes de règlements échelonnés, des oublis de coordonnées bancaires avec le RIB, etc.)

Le collectif des usagers n’a pu que constater l’indignation des usagers alors que le président de l’agglomération appelle « à la bienveillance du délégataire » en cas de retard de paiement pour cette année de transition. S’adressant par courrier au président pour obtenir l’annulation des pénalités de retard 2019, le collectif a essuyé un refus « car pas d’abus constatés ». De nombreux usagers font savoir que Suez leur facture des pénalités dès la moindre demande d’explications ou réclamation sur le volume facturé. Pire, les pénalités doublent dès lors que le délai de 15 jours est dépassé.

Factures d’eau et crise du covid, ping-pong administratif


Déconfiner les factures d'eau, l'idée du collectif des usagers de l'eau du Grand Avignon était de mettre en évidence, en situation de crise, les ratés de la délégation de service public.

 

« Suez ne semble pas avoir entendu le Président de la République qui a demandé la suspension du délai de 15 jours pour le paiement des factures d'eau et d'électricité pendant la période où sévit le virus. En effet, les factures arrivent chez les usagers avec la date limite de paiement comme d'habitude. »

 

Pour le collectif des usagers de l’eau, il fallait pendant la période du confinement, suspendre les factures, les usagers se trouvant confrontés à de nouvelles difficultés.

Le collectif demande ainsi au président de l’agglo, ainsi qu’au préfet et au maire d’Avignon, de « faire le nécessaire pour que SUEZ informe les usagers de la possibilité de surseoir au paiement, jusqu'à la fin de la crise, sans pénalité bien entendu; ce d'autant que Suez ne procède plus aux relevés de compteurs et facture sur "estimations"; ainsi pour tous ceux qui ont eu des factures extravagantes en 2019, le logiciel bien programmé va les facturer sur cette base erronée. »

Il demande également de « de faire cesser immédiatement les menaces de Sogedi et autres huissiers bien pressés de déclarer qu'ils vont saisir la voiture ou le compte en banque, alors qu'ils n'ont aucun droit avant jugement. »

La réponse du Grand Avignon précise que « les annonces du gouvernement du lundi 16 mars sur la suspension des factures d’eau concernent les petites entreprises en difficulté. » Il ajoute que « Pour tenir compte de cette situation exceptionnelle, pendant la période de confinement, nous vous confirmons la suspension des processus de relances, de recouvrements et des pénalités consécutives au non-paiement des factures à compter du 17 mars 2020 et pour toute la durée du confinement.

Un ensemble de processus dématérialisés ainsi que des dispositifs d’aide au règlement sont à la disposition des usagers. » Et invite les usagers en difficulté à se rapprocher du CCAS de leur commune, rappelant que le fonds abondé au niveau de l’agglo a été réparti pour les communes concernées.

Côté mairie d’Avignon, Cécile Helle assure avoir interpellé le directeur d’Eau Grand Avignon afin qu’il fasse le nécessaire, en reportant les échéances notamment. Elle précise, « J’ai bien évidemment demandé que ce report ne fasse pas l’objet de pénalité mettant en avant qu’il s’agissait à mes yeux d’une mesure de solidarité due par Suez aux usagers. J’ai également sensibilisé le Directeur Général sur la nécessité  de demander aux huissiers mandatés par eux de surseoir aux modalités de recouvrement en cours de mise en place. »

 

Factures estimées, et salées

Mais les premières factures de 2020 sont arrivées en avril, et « de nombreux usagers nous font connaître une consommation pour beaucoup estimée et non mesurée par un relevé de compteur, il est donc recommandé de vérifier son compteur pour comparer avec l’index estimé. » Le collectif invite donc les usagers à relever le compteur 1 mois avant la facture, 6 mois après celle de 2019., et les invite aussi « à vérifier sur les  factures 2020 qui arrivent que l’on  ne vous a pas facturé des pénalités de retard correspondant à la facture 2019 et  qui seraient reportées sur cette facture sous forme de « solde antérieur » »

Enfin, face aux difficultés prévisibles de paiement des factures d'eau, le collectif a pris l'initiative de demander un bilan de l'utilisation des aides inscrites dans les contrats (chèques eau et chèques assainissement) et que doit gérer le C.C.A.S.La encore, c’est le maire d’Avignon qui répond et donne le détail des dossiers d’aide.

Il n’est donc pas simple pour l’usager lambda de s’y retrouver entre la société Eau Grand Avignon, la communauté d’agglo et la ville, quand les difficultés arrivent. Heureusement, des usagers s’organisent et se mobilisent pour décrypter tout ça.

C.C

Pour toutes ces questions, des factures « estimées » aux pénalités abusives, de nombreux usagers soutenus par le collectif vont attaquer le délégataire, et la collectivité — responsable légal — afin d’obtenir l’application de la loi.

Christophe Coffinier

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Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.