Une bonne partie du Sud de la France était sous les eaux le samedi 21 septembre.


Et pourtant, cela n’a pas empêché rassemblements et manifestations de se tenir. Illustrations dans les Bouches-du-Rhône, avec à l’ordre du jour, la lutte contre le dérèglement climatique et pour la justice sociale le samedi matin à Martigues, à l’appel d’une vingtaine d’organisations…et une manifestation dans les rues de Marseille l’après midi, pour les mêmes raisons…et d’autres.


 

Si les chaînes de télé ont évidemment axé leurs images et leurs commentaires sur les « black blocs » et la convergence entre « gilets jaunes » et « défenseurs du climat » qui ne se serait pas faite dans la capitale (on omettant le fait qu’il y aurait peut-être quelque raison policière à cela), ce que nous avons pu observer dans les rues de Marseille contredit ces analyses. Des gilets jaunes aux plus jeunes mobilisés pour le climat, des militants syndicaux de Sud-Solidaires ou de la FSU aux libertaires ou à quelques membres du PCF, c’est bien une impression de joyeux mélange qui a dominé. Avec des modes d’action offensifs, comme le fait de coller au passage quelques affiches dénonçant la politique de grandes firmes (Bayer et d’autres) qui ne sont  pas précisément des « champions du climat ». Plusieurs milliers de personnes pour une manif de « rentrée », avec des conditions météo difficiles, ce n’est déjà pas si mal.  Fini le temps où tout le monde défilait sagement derrière la banderole de « son » organisation, en regardant parfois du coin de l’oeil « les autres » ? En tout cas, ça y ressemble. Et au lieu de se réjouir sans cesse de « la mobilisation des gilets jaunes qui faiblit », les ayatollahs cathodiques, soutiens aveugles du pouvoir qui a toujours raison, feraient mieux de se demander pourquoi ça tient toujours, cette affaire, dix mois après le déclenchement du mouvement, en novembre 2018.

 

Mouvements : comme un appel d’air

Dans l’action, on apprend à se connaître : bien des syndicalistes le disent depuis des décennies. Aujourd’hui, d’autres en font l’expérience. Le tee-shirt arboré par Jérôme Rodrigues, une « figure » des gilets jaunes, où est inscrit cette simple phrase, « lafamille », témoigne de cette recherche. En réunissant des individus d’horizons (très) divers, ce mouvement a dépassé le caractère éphémère que certains lui prédisaient. Sans présager de son avenir et des formes qu’il prendra demain, il a déjà produit des effets. Les méfiances initiales une fois passées, de nombreux militants associatifs, syndicaux ou « de gauche » ont appris à s’interroger sur ce mouvement, à le regarder autrement. Il agit au fond comme un stimulant, obligeant à poser la question d’une écologie populaire, à déjouer les pièges de discours médiatiques formatés , à réaffirmer des exigences en matière de démocratie, de contrôle citoyen des élus…

Tout au long de leurs quatre saisons, les « GJ », comme on les appelle, ont contribué à changer le climat (en positif cette fois), faisant reculer les frontières de la résignation et de la soumission. « Rien ne sera plus comme avant » : on sait à quel point la formule est usée jusqu à la corde. Pourtant, dans les combats qui se multiplient un peu partout, de l’Hôpital au climat, c’est un peu de cela qui se joue. La fierté retrouvée (« Je suis « un rien », je n’ ai pas de Rolex mais je suis fier » pouvait-on lire samedi au dos d’un gilet jaune), une atmosphère de contestation ludique et percutante à la fois, l’ironie envers les « grands de ce monde », les slogans anti-capitalistes qui ne se cachent plus…Jaune, vert, rouge, noir : les couleurs se mélangent et le tableau est en train de changer. Comme une forme de bonheur à être ensemble.

Les élections municipales de 2020, elles mêmes, ne seront probablement plus vues de la même manière. Déjà, l’émergence des collectifs, de Marseille à Toulouse, où l’on se prend à rêver d’ « archipel », traduit la volonté d’élaborer un vrai projet, reflet du quotidien âpre comme de l’envie d’autre chose, et non pas de se ranger derrière des têtes d’affiche. La politique autrement, dans les actes cette fois et plus seulement dans les mots. Si ce désir triomphe enfin l’année prochaine, les multiples mouvements de ces derniers mois, quelle que soit la couleur du gilet ou du tee-shirt, y seront pour beaucoup. Malgré l’odeur des lacrymos, grâce à eux, on respire encore. Mais les mutilations dues au LBD resteront comme les tâches indélébiles d’un pouvoir définitivement discrédité.

 

N.P.

 


Voir aussi : Rubrique Politique, rubrique Mouvements sociaux, rubrique Mouvement citoyen, Convergence,


 

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Reprend des études à chaque licenciement économique, ce qui lui a permis d'obtenir une Licence en Histoire de l'art et archéologie, puis un Master en administration de projets et équipements culturels. Passionnée par l'art roman et les beautés de l'Italie, elle garde aussi une tendresse particulière pour ses racines languedociennes.