A Marseille, le théâtre du Toursky a accueilli deux projections de « J’veux du soleil » en avant-première (samedi 2 mars 2019), en présence de Gilles Perret et François Ruffin. A Gardanne, le cinéma 3 Casino prenait la relève le lendemain avec une séance suivie d’un débat qui affichait également complet.

Avant la projection, c’est une promenade Léo Ferré fourmillante dès 14h qui accueillait gilets jaunes, sympathisants et journalistes dès 14h. Une avant-scène où de Jean-Luc Melenchon au député de Picardie, l’heure était aux « grands » interviewers empressés, quitte à donner au passage, quelques discrets coups de caméras.

Richard Martin

En préambule, Richard Martin, directeur du théâtre le Toursky à Marseille a informé : « Ce lieu est celui de toutes les résistances. Il appartient donc à tous les gilets jaunes. Je crois que dans leurs revendications, je n’ai malheureusement pas entendu beaucoup parler de la Culture, qui reste la dernière porte de secours. C’est une question fondamentale ! Nous travaillons sur une création « Le dernier des bouffons » dans l’objectif d’une imminente pièce de théâtre autour de ces combats ».

Gilles Perret

De son côté, et « fier d’avoir mené ce film tambour-battant », le réalisateur Gilles Perret, évoque : « On a voulu diffuser cette parole cachée, honteuse des Gilets Jaunes avec ce film. Et c’est parce qu’on est dans le mouvement des Gilets Jaunes, qu’on est arrivé à faire le film. On aimerait que ce film enlève, au plus grand nombre, les complexes d’aller sur les ronds-points. L’intérêt est de toucher la classe supérieure qui va au cinéma d’art et d’essai et qu’il y ait une réelle appropriation du film pour soutenir ce mouvement ».

François Ruffin

Sous un tonnerre d’applaudissements, François Ruffin, député France Insoumise (1ère circonscription de la Somme) poursuit : « On ne fait pas un film sur le mouvement des GJ mais sur des hommes et des femmes qui ont décidé de se rassembler en Gilets Jaunes. Ce qui me fait battre le cœur, ce sont les visages de Cindy, de Corinne ou Mary, Khaled, etc. Mon moteur c’est d’avoir ces visages en têtes pour savoir contre qui je vais me battre en tant que député. Ça fait 20 ans que je les entend, comme reporter. Et, il ne suffit pas d’être pauvre, car il y a la honte. Je dis souvent « les pauvres se cachent pour souffrir ». C’est eux mon pôle nord, ils se mettent à espérer, et ce jour là, ils sont là avec l’étincelle. Comme l’écrivait Lénine : « quelle que soit l’étincelle, on y va ». La question des Gilets Jaunes n’est pas « qu’est-ce qu’on a voté à la dernière élection ?», mais « qu’est ce qu’on va faire ensemble demain ? ». Ce sont des sensibilités qui se sont rassemblées dans les ronds-point. Ces ronds-points sont au passage, une tragédie architecturale, sociale et environnementale».

Et de déplorer : « Aucun intellectuel n’a réagi par une pétition en voyant les cabanes des pauvres, détruites. Le pouvoir a raison, c’est un lieu menaçant, le lieu où les gens se rassemble, c’est menaçant pour le pouvoir. Tant qu’on est des particules élémentaires qu’on ne fait pas corps ensemble, je dis cyniquement que le pouvoir a raison de venir détruire ces lieux de rassemblement (…) Le pouvoir a détruit les lieux où l’on pouvait construire du lien. Pourtant les gens ont rendu une âme à ces lieux. Ils sont sortis d’eux-mêmes et de chez eux pour se rencontrer. Il y a autre chose à construire mais c’est comme s’il y avait besoin de quelqu’un pour aider à accoucher. Victor Hugo écrit : « C’est de l’enfer des pauvres, qu’est fait le paradis des riches ». Sur les braséros des ronds-points, on peut lire les choses de deux façons. Soit comme le réveil, porteur d’avenir, soit un dernier acte désespéré. Moi je fais le pari que le mouvement des Gilets Jaunes, est l’acte de naissance d’un renouveau».

Paroles de Gilets Jaunes

Parmi les nombreuses interventions ce jour-là, une gilet jaune âgée de 62 ans, insurgée depuis plusieurs années, relate ses débuts dans le mouvement : « Les conditions de travail se dégradent en France depuis une quarantaine d’années. Quand j’ai vu arriver le 17 novembre, je me suis dit il y a ce petit rayon de soleil, alors on y va ». Un autre Gilet Jaune venu du Var, constate en s’adressant au public : « Si vous êtes là, c’est que vous avez envie dans la tête et le cœur de soutenir les GJ. Il serait bien que de temps en temps, on se fasse violence parce qu’on a tout perdu à cause de l’argent. Il est donc grand temps qu’on se lève tous comme en 68 et qu’on défende le peuple, parce qu’on va gagner!  Ce film est le bon moyen pour qu’on soit beaucoup plus nombreux dans la rue. Il est comme un second rappel du vaccin, car il faut qu’on retrouve cette solidarité entre nous tous».

Propos recueillis par H.B.

H.B
Journaliste de terrain, formée en linguiste, j'ai également étudié l'analyse du travail et l'économie sociale et solidaire. J'ai collaboré à différentes rédactions, recherches universitaires et travaillé dans divers domaines dont l'enseignement FLE. Ces multiples chemins ailleurs et ici, me donnent le goût de l'observation et me font aimer le monde, le langage des fleurs et ces mots d'André Chedid : «Cet apprentissage, cette humanité à laquelle on croit toujours».