Entretien avec Christophe Morgo, Vice-Président du Département de l’Hérault délégué à l’environnement.


 

En matière de gestion de la ressource, l’eau relève-t-elle d’une compétence obligatoire des Départements ?

Non, l’action conduite sur la gestion de la ressource dans l’Hérault relève d’une volonté politique affirmée ! Notre Département est le seul en France à s’être doté d’un service hydrogéologie qui évalue et surveille nos retenues d’eaux souterraines, en particulier le niveau des nappes phréatiques.

Nous accompagnons également les communes dans la recherche d’eau en apportant un appui scientifique, technique et financier. Hérault Ingénierie assure une assistance pour la réalisation des travaux allant du captage au robinet de l’usager (traitement, stockage, canalisation) et pour le maintien d’un bon niveau de fonctionnement afin de limiter les fuites et répondre aux besoins en eau potable. Le Département est aussi propriétaire de 2 barrages hydrauliques, le barrage des Olivettes avec un volume d’eau de 4,4 millions mètres cubes d’eau et le barrage du Salagou qui est beaucoup plus important avec 102 millions de mètres cubes d’eau. Ces barrages servent à écrêter les crues afin de protéger les populations, mais également aux besoins agricoles. Les lacs sont par ailleurs appréciés par les nombreux touristes qui viennent pratiquer des activités de loisirs tout au long de l’année.

 

À l’heure où l’eau devient une préoccupation nationale et internationale, quelle est la situation dans l’Hérault ?

La situation est inquiétante. On surveille avec beaucoup d’attention le niveau d’eau sur nos deux barrages ainsi que tous les cours d’eau qui sont en déficit. Depuis le mois de mars, le comité Ressource piloté par les services de l’État et auquel nous participons activement, puisque nous fournissons les données sur les niveaux des eaux souterraines et sur le niveau de remplissage et la gestion de nos barrages, s’est réuni 5 fois. Aujourd’hui, et ce depuis mars, le département est en situation de sécheresse précoce. Les niveaux d’eau dans les rivières et les nappes correspondent à des niveaux de plein été. L’Ouest du département a été le premier concerné, mais progressivement la situation s’est dégradée sur la majorité des bassins. Actuellement, la majorité du département est en niveau « d’alerte renforcée », principalement sur les bassins de l’Orb, de l’Hérault, de la nappe astienne et du Vidourle. Nous sommes en niveau d’alerte pour le bassin Lez-Mosson et en vigilance pour le Bassin de l’Or.

En avril, le Préfet a déjà pris 2 arrêtés, d’abord avec des mesures de restrictions qui ont concerné les usages dits de « confort » (remplissage des piscine, lavage des voitures, arrosage des jardins, golf, terrains de sport…) puis progressivement d’autres usages (jardins potagers, irrigation agricole hors goutte à goutte).

 

Et par rapport à d’autres départements ?

Au niveau national, à ce jour, 20 départements sont concernés par des arrêtés limitant les usages de l’eau et 26 autres sont en « vigilance », 7 en « alerte », 9 en « alerte renforcée » et 4 en « crise ». Et la quasi-totalité des Pyrénées-Orientales a été placée en « crise sécheresse » depuis début mai. Je m’attends à ce qu’on passe des moments difficiles dans les semaines et les mois à venir, que ce soit en Hérault ou ailleurs en France.

 

Justement, à quoi peut-on s’attendre pour la suite dans l’Hérault ?

Nous maintenons notre vigilance, comme nous le faisons toute l’année. Sur les niveaux d’eau dans les barrages par exemple, ou encore sur nos réserves souterraines via notre service Hydrogéologie. Et nous poursuivons également le travail collectif engagé avec nos partenaires sur la gestion de l’eau, notamment les acteurs principaux des Établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). Ces syndicats mixtes interviennent pour l’aménagement et la gestion des fleuves et des grandes rivières. Le Département les accompagne pour la plupart des cours d’eau comme l’Orb, l’Hérault, le Lez, la Mosson…

Et puis nous allons suivre les préconisations des services de l’État avec les arrêtés sécheresse notamment. En fonction de ces arrêtés, des endroits ne pourront plus être irrigués, d’autres devront utiliser l’eau potable dans des quantités peut-être moins importantes. Sur ces points, nous sommes soumis aux directives de l’État, qui nous impose et assume les décisions que nous devons appliquer sur nos territoires.

 

Les épisodes de sècheresse commencent de plus en plus tôt, quelles conséquences du changement climatique peut-on observer sur notre territoire ?

Il importe de partir des constats pour que chacun comprenne les enjeux. Il y a des dates et des chiffres qui interpellent, comme la vague de chaleur d’une intensité exceptionnelle de juin 2019. Météo France a relevé 46 degrés à Vérargues (Hérault) soit la température la plus élevée jamais atteinte en France. Certaines espèces végétales, comme le chêne kermès appartenant aux plantes rustiques qui poussent dans les cailloux, n’ont pas résisté sous l’effet de la chaleur. L’année suivante, en septembre 2020 à Valleraugue, à 70 kilomètres de Montpellier, des pluies diluviennes ont provoqué des crues catastrophiques : le taux de pluviométrie a atteint 300 mm en 3 heures, et 900 mm en 10 heures. Ces cumuls n’avaient jamais été atteints. Parmi ces observations notables liées au changement climatique, on note malheureusement des périodes de sécheresse très longues et ces gros cumuls de pluie en très peu de temps.

 

Il y a donc le risque inondation à prendre en compte également, quels types d’actions mène le Département en la matière ?

Le risque inondation est un des grands enjeux de notre territoire. Il implique l’appropriation de cette question en vue de l’adoption de comportements adaptés par l’ensemble des acteurs du territoire. La prévention et l’anticipation des risques démarrent souvent au sein des EPTB, les Syndicats mixtes de bassin. En matière de lutte contre les inondations, ils élaborent et animent des PAPI (Plan d’Action de prévention des inondations). Cela se traduit par la mise en œuvre d’opérations diverses mais aussi d’actions de sensibilisation, de pédagogie, d’information auprès des populations des communes exposées. Le Département mobilise des moyens techniques et humains, et communique afin de faire connaître et d’acquérir collectivement une connaissance du risque et des comportements pertinents en cas de crise.

 

Vous parlez d’actions de sensibilisation sur le risque inondation, qu’en est-il sur les économies d’eau ?

La question des économies d’eau est un enjeu de taille, il s’agit de mobiliser tout le monde ! Elle est prise en compte sur le volet agricole par exemple, dans notre Plan Hérault irrigation qui propose un plan d’action d’envergure à l’horizon 2030, mais aussi dans les nombreuses expérimentations réalisées par la collectivité. D’ailleurs, le Département est lauréat du trophée des économies d’eau qui a été décerné par la Fédération nationale des Collectivités concédantes et Régies (FNCCR). Le jury a salué un projet mené avec le soutien de l’Agence de l’eau sur 6 sites pilote du territoire sur lesquels on a posé des systèmes de télé-relève pour prévenir des fuites, des systèmes de récupération d’eau ou de limitation de son usage, l’optimisation de l’arrosage d’espaces verts… On avance et on agit pour engager une démarche collective avec les Héraultais !

 

La problématique se situe aussi au niveau de la prise de conscience des citoyens, comment œuvrez-vous pour engager cette démarche collective ?

Dans le département, aujourd’hui, on consomme l’eau à crédit : chaque citoyen utilise 200 litres d’eau par jour, 9 qui sont consommés à crédit. Et pour cela on va chercher l’eau dans des nappes qui sont en déficit. Je pense que nous devons réduire un petit peu la voilure, à tous les niveaux, pour consommer moins. Aujourd’hui l’eau n’est pas chère. Prendre un bain, l’équivalent de 150 litres d’eau, revient à 1,50 €. Certaines collectivités majorent le prix de l’eau à partir d’un certain volume ; les premiers litres sont gratuits, puis le prix est croissant en fonction de la consommation. On peut inciter les citoyens mais aussi les entreprises à consommer beaucoup moins.

Il est important pour cela de communiquer davantage. Il faut que le citoyen enregistre où nous en sommes et prenne conscience des enjeux. Les expérimentations que nous menons servent d’exemples pour montrer que l’on peut faire avancer les choses. Le Département de l’Hérault s’est engagé dans cette démarche d’information, de grosses campagnes lancées en fin d’année dernière autour de l’économie d’énergie ont aussi porté leurs fruits très rapidement, avec une réduction de la consommation de moins 15 % et de moins 20 % à certains endroits. C’est énorme en quelques semaines. On peut agir collectivement, nous devons tous être responsables.

 

Cet entretien est un complément du cahier Le département de l’Hérault H2O à retrouver dans #altermidi Mag#8 disponible jusqu’au 15 septembre 2023 en kiosque 5€.

 

 

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.