Le président du Conseil départemental de la Haute-Garonne, Georges Méric, s’exprime à propos du projet de loi 3DS relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification de l’action publique locale.


 

Georges Méric. Photo CD31 – Aurelien Feirreira

Le projet de loi entend donner des marges de manœuvre aux élus locaux, pensez-vous qu’il est à la hauteur des enjeux ?

Cette loi est censée répondre aux attentes légitimes de proximité exprimées par nos concitoyens, lors du Grand Débat, en réaction à la politique jacobine conduite par Emmanuel Macron et son gouvernement. Les Français en ont assez que toutes les décisions soient prises de Paris, dans une méconnaissance totale des réalités de leur quotidien. Au final, ce projet de loi se révèle être une liste d’ajustements techniques, bien loin de la décentralisation que nous appelons de nos vœux depuis 3 ans, avec les associations d’élus locaux, pour répondre aux aspirations des français.

 

Avez-vous des exemples concrets de besoin accru de proximité et d’adaptation de l’action publique aux spécificités de votre territoire ?

Avec 18 autres Départements, nous militons depuis 3 ans, pour expérimenter un revenu de base sur nos territoires qui permettrait de pallier les défaillances du système social actuel, notamment en ce qui concerne les nouvelles formes de précarité. En l’absence d’une loi d’expérimentation, dont le Gouvernement a refusé le débat à l’Assemblée nationale en janvier 2019, le Département de la Haute-Garonne a malgré tout décidé de mettre en œuvre un projet expérimental de revenu de base pour les jeunes, de 18 à 24 ans, premiers impactés par la crise sociale. Ce projet a été voté à l’unanimité par le Conseil départemental de la Haute-Garonne en décembre dernier. Nous n’attendons plus que le feu vert du Préfet.

Un autre exemple concret : la prise en charge des gestionnaires des collèges par les Départements. Depuis 2004, les conseils départementaux sont chargés du recrutement et de la gestion des personnels techniques des établissements, tandis que les gestionnaires des collèges, dont ils sont sous la responsabilité, relèvent de la fonction publique d’État. Nous subissons, encore une fois, les incohérences d’une décentralisation inachevée, qui pose des problèmes au quotidien de fonctionnement dans les établissements.

 

La ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, a évoqué un possible transfert aux départements des services de médecine scolaire, y êtes-vous favorable ?

Un tel transfert aurait du sens. Les Départements sont déjà en charge des personnels dans les collèges, hors enseignants bien sûr qui restent sous la responsabilité de l’Éducation nationale, et ils ont par ailleurs la compétence de la protection de l’enfance. Nous y sommes favorables, à condition bien sûr qu’il s’accompagne d’une compensation financière de l’État.

 

À titre expérimental, le projet propose la recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA), seriez-vous candidat pour participer à cette expérimentation ?

La recentralisation du RSA est une fausse bonne idée. La prestation du RSA s’inscrit dans une politique d’insertion globale, dont l’efficacité repose sur la proximité et une parfaite connaissance du territoire. En Haute-Garonne, le Conseil départemental déploie un réel plan d’insertion qui se fonde sur un accompagnement personnalisé de chaque allocataire par un référent, en partenariat avec 150 associations de terrain. Ce plan permet 45% de sorties positives en Haute-Garonne. Recentraliser le RSA signifierait renoncer à la proximité qui reste la clé du retour à l’emploi. Ce serait en outre une remise en cause inacceptable de la décentralisation.

La vraie question, c’est plutôt le désengagement de l’État depuis plusieurs années qui conduit les Départements à supporter un reste à charge de plus en plus important au vu de l’augmentation des bénéficiaires. Depuis 2013, l’État a procédé à la revalorisation du montant du RSA de 2% par an, sans verser de compensation aux Départements. Pour la Haute-Garonne, cette non compensation représente près de 100 M€. Pour nous la question, c’est comment l’État prend ses responsabilités en participant davantage au financement d’une allocation nationale de solidarité.

 

Le texte du projet de loi 3DS apporte-t-il selon vous des réponses à la crise civique que nous traversons qui se traduit notamment par l’abstention ?

Ce projet de loi n’est malheureusement qu’une liste d’ajustements techniques, bien loin des attentes exprimées par nos concitoyens en termes de démocratie de proximité. Dans cette période de crise, la démocratie participative est plus que jamais nécessaire.

En Haute-Garonne, nous sommes pleinement conscients de la crise démocratique qui éloigne les habitants du système représentatif et des valeurs républicaines. Depuis 2015, nous avons mis en place un véritable dialogue citoyen avec les habitantes et les habitants, afin de les associer à l’ensemble des décisions de l’institution.

Cette année, nous allons encore plus loin avec la création d’une Assemblée citoyenne. Cette instance démocratique novatrice et pérenne, composée de 162 personnes, invitera les Haut-Garonnaises et Haut-Garonnais à siéger au Conseil départemental et à formuler des propositions sur des sujets de société, en lien avec les compétences départementales.

En 2023, nous créerons un droit d’interpellation qui permettra au citoyen haut-garonnais de saisir l’Assemblée départementale sur des sujets relevant de la vie locale et des compétences de la collectivité.

 

 Recueillis par Jean-Marie Dinh

 

Voir aussi : Décentralisation Hérault : Entretien avec Kléber Mesquida

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.