Par René Naba

Elle a été la cible privilégiée du maccarthysme qui a soufflé sur la France à l’occasion de la guerre de Syrie (2011-2021) ; une curée abominable, aussi injustifiée que méprisable, en tout état de cause symptomatique de la pathologie dans laquelle baigne la caste académique française depuis la Guerre de Syrie (2011-2021) et de la déroute française qui s’est ensuivi.

Elle… c’est Myriam Benraad, affligée aux yeux des machistes d’un triple tort : d’être une dame qui a centré le thème de son doctorat sur l’Irak et d’avoir eu pour directeur de thèse un universitaire, sans doute l’un des rares politologues français à ne pas s’être fourvoyé dans des analyses fantaisistes sur la guerre de Syrie. Nullement par bravade, ni par préméditation, mais au terme d’une analyse concrète d’une situation concrète.

En 2011, titulaire d’un doctorat en science politique pour une thèse dirigée par Gilles Kepel, Myriam Benraad a eu en effet le grand mérite d’avoir centré ses recherches sur l’Irak — pur hasard du calendrier ? — au moment où ce pays ravissait la vedette à la Syrie, et l’État Islamique (Daech) supplantait Jabhat Al-Nosra, la filiale syrienne d’Al-Qaïda, dans l’actualité internationale.

Sa thèse portait en effet sur l’expérience sociopolitique et identitaire des Arabes sunnites irakiens au prisme de l’occupation américaine.

Une faute impardonnable pour les apparatchiks français qui avaient fait de leur pseudo-expertise sur la Syrie une rente de situation et dont la nouvelle venue sur la scène médiatique menaçait leur magistère.

Il en a découlé contre cette universitaire une curée digne du maccarthysme qui a tétanisé les États-Unis dans la décennie 1950, mais indigne de la qualité du débat universitaire dans une société démocratique. Un comportement typique des machistes.

Se targuant de leur expertise non pour éclairer l’opinion, mais pour la conditionner, ils se livreront à une véritable police de l’internet pour traquer toute opinion dissidente dans la pure tradition des officiers des affaires indigènes.

Un prescripteur d’opinion, universitaire de renom, ira jusqu’à transfuser les idées de Mryiam Benraad pour se les approprier en de doctes ouvrages. Un procédé d’une grande malhonnêteté et d’une non moins grande médiocrité.

Myriam Benraad avait eu le tort, en effet, d’évoquer dès 2006, soit quatre ans avant la guerre de Syrie, l’émergence de l’État Islamique et sa centralité dans l’évolution et les reconfigurations de la longue crise irakienne.

Dès 2005, soit bien avant que le “fiché S” Romain Caillet, alias colonel Salafi, s’érige en jihadologue spécialiste de Daech, et se livre, suprême élégance, au dénigrement systématique de celle qu’il percevait comme sa rivale, sous les encouragements du chef des meutes des islamophilistes français, François Burgat, son patron de thèse inachevée.

Si l’hypothèse d’un tribunal Russel sur la Syrie, sur le modèle du Tribunal Russel sur le Vietnam — un tribunal civique fondé par le mathématicien britannique Sir Bertrand Russel —, prenait corps un jour, François Burgat, nul doute, devrait y comparaître au titre de premier prévenu, en sa qualité de propagandiste en chef de la guerre d’intoxication et de désinformation de l’opinion française, en sus des dégâts infligés à la crédibilité de la recherche académique française. Et à ce titre, Burgat condamné aux mines de sel.

Depuis lors, le grand gourou des islamophilistes français a été lâché par certains de ses plus fervents disciples, à l’instar de Vince de Beyrouth, de Tom d’Édimbourg et de Nab de la Nièvre.

Récidiviste, donc dix ans après, Myriam Benraad traite dans son nouvel ouvrage Terrorisme : les affres de la vengeance. Aux sources liminaires de la violence d’un sujet rarement abordé par la caste académique, plus encline au sensationnalisme qu’à la prospective.

Prenant une nouvelle fois le contrepied de ses détracteurs, en les surprenant, Myriam Benraad aborde dans son dernier ouvrage le ressentiment prétendu ou fondé qui a servi de moteur et de justificatif aux actions jihadistes… au delà de leur motivation mercenaire. Un sujet que la docte caste académique ne maîtrise pas, pis, ne soupçonne même pas.

Le Cavalier Bleu est une maison d’édition française dont le nom fait écho à celui du groupe d’artistes Der Blaue Reiter1. Créé en 2000 par Marie-Laurence Dubray, Le Cavalier Bleu publie des ouvrages de sciences humaines. Les éditions du Cavalier Bleu sont membres de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants.

 

L’auteur fait d’ailleurs de son ouvrage la présentation suivante ; jugez en :

« L’histoire du terrorisme, ancien comme contemporain, est empreinte de vengeances, à l’origine de longs cycles de violence et de représailles (…) Loi du talion, prix du sang, humiliations, terrorisme d’état : La vengeance est partout présente, aussi bien dans les motivations des terroristes en justification de leurs actes, que dans les réactions que leur violence provoque parmi leurs cibles (…) Pourtant en tant qu’objet d’analyse, elle reste l’angle mort des études sur le terrorisme. »

« Radicalisation de l’islam », « islamisation de la radicalité », « nihilisme générationnel », contextes géopolitiques, ressentiments historiques… La vengeance reste en filigrane, comme si la mettre en exergue ou la reconnaître aux terroristes, comme ils s’en réclament, serait induire l’idée qu’une injustice a été perpétrée. Or, elle est une question centrale qu’il est essentiel de déchiffrer.

 

Sommaire

I – TERREUR ET VENGEANCE : ESSAI DE THÉORISATION.
La loi du talion dans les mots comme dans les actes.
À l’origine : une offense, un tort, une humiliation.
Des relations inhérentes à la justice et au pouvoir.
Entre « prix du sang », aveuglement et destruction.
Cycles de contagion : des crimes aux représailles.

II- ASPECTS ET RESSORTS D’UN CONTINUUM VENGEUR.
De l’individuel au collectif : résonances vengeresses.
Entre rancœur, fureur et haine sans issue discernable.
Le passage du désir de vengeance à l’acte terroriste.
Catharsis, plaisir et satisfaction face à la souffrance.
Attentat-suicide : une réplique punitive sacrificielle.

III- CONTRE-TERRORISME OU « CONTRE-VENGEANCE » ?
Châtiments d’État : une vengeance institutionnalisée.
Judiciarisation, peine de mort et vindictes populaires.
Victimes : de l’impératif de rétribution à l’abandon.
Après l’action violente, le temps de la rédemption ?
Traumatismes et mémoires : l’inatteignable pardon.

Un sujet tabou s’il en est. En tout cas hors des préoccupations politiques des gardiens du temple, les tontons flingueurs de la bureaucratie française. Une somme consistante et substantielle.

 

Myriam Benraad est membre de la Middle East Studies Association (MESA) et du Centre international de lutte contre le terrorisme (ICCT, La Haye). En dehors de sa spécialité principale, elle travaille sur le thème du cyber-harcèlement. Un sujet prometteur.

Sur le comportement des islamophilistes français lors de la guerre de Syrie, cf ces liens:

Les islamophilistes, tontons flingueurs de la bureaucratie française


Et leur fonctionnement réticulaire de ces branquignoles de la bande de LOL , cf ce lien:
https://www.madaniya.info/2016/11/18/syrie-media-stephane-grimaldi-charlie-a-paris-charlot-a-caen/
Sur les égarements du Journal le Monde dans la guerre de Syrie
https://www.madaniya.info/2016/04/05/l-oeil-borgne-sur-la-syrie-nombril-du-monde/
Et du journal Libération
https://www.madaniya.info/2016/04/01/syrie-riad-hijab-bouffon-roi/

 

Les principaux ouvrages de Myriam Benraad :

Terrorisme : les affres de la vengeance. Aux sources liminaires de la violence, le dernier ouvrage de Myriam Benraad, éditions Le Cavalier Bleu, collection Mobilisations, 2021.

L’Irak par-delà toutes les guerres. Idées reçues sur un état en transition, Paris, 2018, (ISBN 79-10-318-0289-3)
Jihad des origines religieuses à l’idéologie. Idées reçues sur une notion controversée, Paris, 2018 (ISBN 979-10-318-0256-5
L’État islamique pris aux mots, Paris, Armand Colin, 2017 (ISBN 978-2-200-61788-
Irak: de Babylone à l’État islamique: Idées reçues sur une nation complexe, Paris, 2015,
Irak, la revanche de l’histoire. De l’occupation étrangère à l’État islamique, Paris, Vendémiaire,2015,I978-2-36358-053-5
Tribus, tribalisme et transition(s) dans le monde arabo-musulman, Paris, Maghreb-Machrek, 2012, (I1762-3162
L’Irak, Paris, Le Cavalier Bleu,/ Histoire & civilisations» (no 212),2010

 

Article publié en partenariat avec le site d’information Madanïya

Photo DR Léa Crespi

Notes:

  1. Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) est un groupe d’artistes d’inspiration expressionniste, qui s’est formé à Munich. Ce groupe organise deux expositions et publie un almanach en 1912. Ses acteurs principaux sont Vassily Kandinsky, Franz Marc et August Macke.
Avatar photo
René Naba est un écrivain et journaliste, spécialiste du monde arabe. De 1969 à 1979, il est correspondant tournant au bureau régional de l’Agence France-Presse (AFP) à Beyrouth, où il a notamment couvert la guerre civile jordano-palestinienne, le « septembre noir » de 1970, la nationalisation des installations pétrolières d’Irak et de Libye (1972), une dizaine de coups d’État et de détournements d’avion, ainsi que la guerre du Liban (1975-1990), la 3e guerre israélo-arabe d'octobre 1973, les premières négociations de paix égypto-israéliennes de Mena House Le Caire (1979). De 1979 à 1989, il est responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l'AFP], puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, chargé de l'information, de 1989 à 1995. Membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), de l'Association d'amitié euro-arabe, il est aussi consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) depuis 2014. Depuis le 1er septembre 2014, il est chargé de la coordination éditoriale du site Madaniya info. Un site partenaire d' Altermidi.