Le second tour des élections municipales n’est évidement pas la préoccupation majeure des habitants de ce pays. Reporté dans un premier temps au dimanche 21 juin (jour de la fête de la musique!), il pourrait n’ avoir lieu qu’au mois d’octobre, une période lors de laquelle nous ne sommes pas habitués à voter. Entre éléments sur le débat politique fournis par les réponses à notre questionnaire et situation déstabilisante, une tentative pour  essayer d’ y voir un peu plus clair.


 

R.A.Z ou pas R.A.Z ?

La perspective de tout recommencer à zéro, en procédant à l’organisation des deux tours se précise donc…comme l’impression que le gouvernement navigue à vue. Certains réclament même le report des élections municipales en 2021, à l’image du candidat LR « dissident » de Marseille, Bruno Gilles qui vient d’adresser une lettre à Emmanuel Macron en ce sens. « En l’état actuel de la situation nationale et internationale, il est impossible de savoir quand et comment nous sortirons de cette crise sanitaire alors que se profile déjà à l’horizon une crise économique sans précédent et sans nul doute une crise sociale  » considère-t-il. Pour le candidat qui n’a obtenu que 10% des voix le 15 mars, « la vie démocratique doit perdurer mais elle nécessite de l’apaisement et de la sérénité, tant pour les citoyens que pour les candidats et les élus ». D’où la proposition d’organiser les Municipales en mars 2021, une année où se succéderont élections départementales (en mars), sénatoriales (en septembre mais réservées aux « grands électeurs ») et régionales (en décembre) !

Quelle que soit la configuration qui sera choisie, ceci paraît encore lointain à tous points de vue et le débat actuel tourne davantage autour de la gestion de la crise par le gouvernement, du manque de masques et de gel, des gestes multiples de solidarité avec le personnel soignant, de la nécessité ou pas de continuer à faire travailler des salarié-e-s dans des secteurs qui n’apparaissent pas comme essentiels.

 

Tour d’horizon

Néanmoins, la question se pose : que faire des résultats du premier tour puisque le gouvernement a décidé de le maintenir malgré tout, que faire de toutes ces listes qui ont décidé de se présenter sur la ligne de départ du 15 mars, certaines avec l’ambition affichée de l’emporter, d’autres avec simplement l’espoir de se faire entendre ?  Toutes  les catégories de listes faisaient partie de l’échantillon auquel nous nous sommes adressés début mars, à travers un questionnaire destiné à interroger les forces en présence dans de nombreuses villes d’Occitanie et de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Nous avions alors misé sur l’expression des opinions, l’exposition des projets des uns et des autres, sans exclusive,  et dans un souci de pluralisme. Au total, 29 listes réparties sur les deux régions ont joué le jeu, des plus grandes villes ( à l’exception de Marseille) comme Toulouse, Montpellier, Nîmes, Aix-en-Provence, Avignon aux plus petites comme Vauvert (Gard) ou Vedène (Vaucluse).

Pour ce questionnaire, nous avions choisi une liste de grandes thématiques sans prétention à l’exhaustivité : dotations de l’État et marges de manœuvre des élu-e-s, émergence des métropoles, égalité hommes-femmes, thèmes écologiques (état des transports et projets dans ce domaine, économies d’énergie et économie circulaire, état du logement et rénovation des bâtiments), référendum d’initiative locale et place des citoyens, sécurité, regards sur les mouvements sociaux, quartiers populaires et mixité, économie (priorités et grands axes, place de l’économie sociale et solidaire).

Premiers enseignements : les listes des maires sortants qui bénéficient déjà d’une certaine exposition médiatique avec des quotidiens régionaux ou d’autres publications (La Dépêche à Toulouse, Midi Libre et La Gazette à Montpellier, deux quotidiens dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse) n’ont pas répondu, tout comme ceux que l’on pouvait considérer comme les « favoris » du premier tour comme Patrick De Carolis ou Nicolas Koukas, (PCF, adjoint au maire sortant) à Arles. A l’inverse, les « petites listes » citoyennes ou celles que l’on pouvait considérer comme des « outsiders » comme la liste menée par Alenka Doulain (Nous sommes) ou celle menée par  l’écologiste Clothilde Ollier qui n’avait pas reçu le soutien national d’EELV à Montpellier, ont joué le jeu. Dans la « capitale » de l’Occitanie, Toulouse, à noter le bon retour des listes de l’ancien maire PS, Pierre Cohen, (désormais à Génération-s), du NPA et de Lutte ouvrière. Si l’on considère le taux de réponses important de la part de LO réparties sur des deux régions (à Toulouse, Sète, Arles) et la réponse de la liste commune France insoumise-NPA à Avignon, on peut considérer que des formations politiques n’ayant que rarement accès aux médias ont saisi l’occasion que nous leur offrions. Tout comme des listes sans étiquette clairement identifiable.

 

La gratuité des transports : une idée qui fait son chemin

En termes de contenu, certaines listes ont particulièrement argumenté sur les thèmes de l’environnement et des transports. C’est le cas de Clothide Ollier, à Montpellier qui se prononce pour une cinquième ligne de tramway,  » un développement de la gratuité par étapes », un plan d’urgence pour le vélo qu’elle juge « dramatiquement sous-utilisé ». Ou de Pauline Salingue (Toulouse anticapitaliste) qui se prononce pour la gratuité des transports dans la « ville rose » et son agglomération. « Près d’une trentaine de villes ont mis en place la gratuité avec des résultats très positifs. Le cas de l’agglomération de Dunkerque en est la meilleure illustration » souligne-t-elle. Dans le domaine de la circulation et des transports, la candidate qui n’ a recueilli que 1,52% des voix dans un contexte d’embouteillage à gauche (pas moins de six listes) et d’abstention monstre (36,6 % de participation seulement) propose d’élever les objectifs du Plan de déplacements urbains (PDU) pour l’utilisation du vélo à 10% en 2030 et de « stopper les projets routiers ou autoroutiers inutiles » portés par le maire sortant, Jean-Luc Moudenc.

A Nîmes(Gard), Vincent Bouget (PCF) qui a recueilli  15,69% des suffrages avec la liste Nîmes citoyenne à gauche se prononce également pour le passage progressif à la gratuité et pour la réduction du tarif des abonnements scolaires. La gratuité, c’est aussi ce que défend dans l’Aude, Nathalie Delvallez (Narbonne impulsion citoyenne) dans une ville moyenne de 53 000 habitants.

Sans jouer les prophètes (c’est aussi risqué qu’une déclaration de Sibeth Ndiaye), les thèmes écologiques dont cette question fait partie- comme celle du logement que plusieurs candidat-e-s ont articulé avec la question sociale- devraient être de retour lors de la prochaine campagne des Municipales. On ne sait pas quand… Mais ce que l’on peut avancer, c’est que ces enjeux ne vont pas disparaître en quelques mois, même si le confinement a des effets positifs sur la qualité de l’air, les canards « parisiens » et les rorquals « marseillais ». Et ce  d’autant moins qu’ils correspondent à une marge de manoeuvre des collectivités. En l’occurrence, on n’ a jamais entendu un Président de la République déclarer son amour pour la gratuité des transports publics.

 

Et les services publics dans tout ça ?

Il serait étonnant également que la question des services publics, après des mois d’alerte lancées par les professionnels de la santé, ne resurgisse pas avec une acuité particulière. L’ état de l’hôpital public, l’épuisement de ses acteurs imposent une rupture avec les politiques « libérales » menées depuis des décennies avec une irresponsabilité meurtrière. La compassion, les larmes de crocodile et les belles paroles ne suffiront pas. Aujourd’hui, certains citoyens qui, tous les soirs à  20 heures rendent hommage aux soignants, apposent des banderoles sur leurs balcons avec ces mots : « Du fric pour l’Hôpital public », « Des impôts pour les hôpitaux ».

Pour l’heure, difficile de savoir quels seront les effets de la pandémie sur une échéance électorale qui parait bien dérisoire : regain de participation citoyenne pour s’emparer des  » jours d’ après  » qui irait à l’encontre de l’abstention monstre du premier tour, effet de sidération après une situation inédite où l’on est confronté à une forme d’impuissance du pouvoir politique ? Décidément, sur les élections municipales, les points d’interrogation se mêlent aux points de suspension…

 

Morgan G

 


Voir aussi : Rubrique Politique, Dossier altermidi Elections Municipales, Regard sur le 1er tour en Provence, Regard sur le 1er tour en Occitanie,


 

JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"