Vasthiya est une ex-policière qui a eu de sérieux démêlés avec le fonctionnement interne du système policier. Nous suivons son affaire depuis  trois ans. À l’occasion du 5 février, Journée nationale pour la prévention des suicides, elle nous a fait parvenir ce texte.


 

Tout a commencé le jour où elle a refusé de couvrir le comportement inadéquat de ses collègues lors d’une interpellation. Elle a été successivement placardisée, harcelée, victime de propos discriminatoires, menacée physiquement, on a voulu la faire passer pour une personne psychiquement déséquilibrée. Son affaire a été portée devant les tribunaux à plusieurs reprises. Mais tout se passe comme s’il n’y avait point de lumière au bout du tunnel. La dernière chausse-trape placée sur son chemin vient d’un policier membre du syndicat Alliance qui a porté plainte contre elle pour diffamation. Attachée aux valeurs et aux principes premiers de loyauté du métier de policier comme celui du devoir d’impartialité, au début de l’année, Vasthiya a attenté à ses jours. Aujourd’hui, elle va mieux.

 


 

« À tous, je vous demande une minute de votre temps.

 

Dans votre commissariat, votre brigade, il y a sûrement une personne que vous trouvez bizarre.

Une personne qui est souvent seule, critiquée, diffamée par vos collègues, votre hiérarchie, critiquée, diffamée en direct pendant le service, durant les réunions, sur les réseaux sociaux, pendant une soirée…

Je suis sûre que vous voyez très bien de qui je parle.

Vous vous dites peut-être que ce n’est pas très grave.

Peut-être même que ça vous arrange, parfois, aussi.

Vous vous dites “Au fond, si mes collègues le font, pourquoi pas moi !”

Alors, je vous demande juste cette minute, cette minute-là d’attention, de silence, de réflexion !

Je vous demande pendant cette minute de vous mettre à ma place.

D’imaginer la solitude, l’humiliation, les blessures.

Les blessures d’aujourd’hui et celles qui vont durer à cause de cela.

Et je vous demande de choisir… parce qu’il faut choisir, très simplement.

Soit vous continuez à vous taire, à sourire de temps en temps, à participer vous aussi, alors c’est simple, vous devenez complice.

Et vous devenez complice de quelque chose qui a un nom, qui s’appelle “provocation au suicide”.

Soit vous faites un autre choix, vous faites un pas vers elle.

Vous allez vous asseoir à côté d’elle, vous lui tendez la main, vous lui parlez, vous essayez de comprendre.

Et puis, si vous êtes très courageux, vous faites un pas vers ce groupe qui mène des actions de violences physiques et/ou morales, par des actes de harcèlement, de diffamation, de discrimination, d’incitation à la haine… et vous lui dites ce que vous pensez profondément.

Ce groupe vous fait peut-être peur ?

Il tire sa force uniquement de son nombre, de leur grade, de leur notoriété… En fait, même pas, il tire sa force de votre silence, de notre silence.

Vous avez le pouvoir de tenir tête, de rompre la solitude et de sauver votre collègue victime de provocation au suicide.

Illustrons la situation par un bocal et un aimant.

Prenez un bocal et déposez un aimant représentant votre collègue disparu.

Regardez ce bocal et demandez-vous comment vous pouvez faire disparaître cet aimant : soit en déposant des pièces soit en le sortant…

Alors, prenez cette minute et je vous promets, vous aurez sans doute moins de regrets. »
Vasthiya
 
Dessin. Vasthiya
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