La réouverture du Musée International des Arts Modestes à Sète coïncide avec la célébration de son vingtième anniversaire. Un bel âge, on ne le dira jamais assez, qui voit l’équipe gestionnaire nous proposer une superbe exposition, Psychédélices. Il s’agit pour le coup d’œuvres d’artistes actuels influencés par le mouvement psychédélique, un courant présenté comme « révélateur de l’âme », situé entre les sens et la conscience. Nous y avons rencontré Bernard Belluc, qui avec Hervé Di Rosa est un des deux inséparables fondateurs du MIAM. Amitié et complémentarité sont les liens qui les unissent, pour le meilleur.1


 

 

Expo Psychédélices jusqu’au Photo Dr altermidi Thierry Arcaix

 

Bernard Belluc, pouvez-vous nous présenter cet événement ?

Le MIAM a vingt ans depuis quelques mois et là, nous attaquons sa réouverture après la crise sanitaire. Je vais pouvoir accueillir mon public tous les premiers samedis du mois, à 15h15 et je lui en expliquerai beaucoup sur mes vitrines…Tout ce qu’il y a dedans raconte une histoire. En fait, j’essaie d’associer mon singulier au pluriel commun. Depuis le début, mes vitrines n’ont pas bougé, elles ne sont pas évolutives, elles constituent la partie fixe du musée.

 

Votre vie, vos passions, comment les résumer ?

En fait, moi, j’ai arrêté l’école au niveau du certificat d’études, ça ne marchait pas, j’étais un grand bègue. Mais je suis devenu un autodidacte, avec un immense appétit d’apprendre. Mon professeur principal, c’est la télévision. Il y a de très belles choses, si on choisit bien, des reportages, des émissions sur tout. Il faut savoir zapper. En plus, j’adore le cinéma. Et Napoléon. D’ailleurs, on m’a fait un film : Bernard, Albert et l’Empereur2. Petit, je modelais des figurines en pâte à modeler, les soldats de la grande armée… Puis, toute ma vie, pendant près de quarante ans, j’ai été figuriniste-faïencier. J’exposais dans une galerie à Paris mes créations en pièces uniques. Je n’en fais plus, surtout parce qu’il n’y a plus de bonne terre : les multinationales achètent tout en Europe et au Maghreb. Dans ma jeunesse, j’ai passé un an chez Paul Artus, le spécialiste du « Vieux Montpellier »3. On faisait des papillons, puis, on en a vu arriver de l’étranger, les mêmes que nous, à des prix très bas. C’était la mort des céramistes. À ce moment-là, je voulais écrire au ministre de la Culture !

 

Bizarre. Photo Dr altermidi Thierry Arcaix

 

Comment tout cela a-t-il commencé ?

Il y a trente ans, chez moi, des copains me présentent Hervé Di Rosa. Au bout d’une heure, on est devenus de grands amis. On a monté ensemble ce grand projet du MIAM, qui a mis dix ans à voir le jour. Hervé, je l’adore, car je ne pouvais me lancer dans une pareille histoire qu’avec quelqu’un de confiance, sans lui, ça n’aurait pas été possible. Je suis un collectionneur acharné et avec deux assistants principaux, le sculpteur Sylvain Corentin et l’artiste Michel Matieau, qui était comme un frère et qui est malheureusement décédé depuis, nous avons mis en place les vitrines.

 

 Pouvez-vous nous parler de ces fameuses vitrines ?

Ce sont des vitrines par thèmes. C’est de l’art modeste, absolument pas conceptuel, dont la mission est de concilier les publics, ceux qui sont avertis et ceux qui ne le sont pas. Beaucoup de thèmes4 : le travail, les vacances, l’école, autour du Pic Saint-Loup, Modern Art, les feux de l’amour, l’empire contre-attaque, etc. Vingt-huit tableaux en tout ! Mon ami Hervé Di Rosa s’est un peu effacé, même s’il a quasiment tout organisé, il n’a pas participé massivement avec ses œuvres, il exposait en bien d’autres endroits, ce qui l’intéresse ici, il vous le dira, ce qui lui fait du bien, c’est la réalité du MIAM, son ouverture sur les autres, les rencontres qu’il lui permet de faire…

 

Bernard Belluc, qu’est-ce qui vous motive ?

Pour moi, l’énergie d’un artiste, ce sont ses frustrations. Ce sont elles, les occasions ratées ou passées, la nostalgie qu’elles suscitent qui sont le moteur de la poésie et de la création. Il faut arriver à en faire quelque chose, sinon, elles sont mortifères. Si je rencontrais Freud, je lui ferais deux grosses bises, une sur chacune de ses joues roses en remerciement. Je ne fais rien de compliqué à comprendre, tout le monde s’y reconnaît. Mon travail est un genre d’antidépresseur sans aucun mauvais effet secondaire… Mais avec des bons, certainement !

Thierry Arcaix

Visiter : MIAM, 27, quai Maréchal de Lattre de Tassigny, 34200 Sète. Tel 04 99 04 76 44, miam@ville-sete.fr, www.miam.org

 

Notes:

  1. Quand on aime on a toujours vingt ans : ce titre est une citation de Pierre Dac, Les Pensées, 1972.
  2. Le documentaire écrit et réalisé par Isabelle Ros permet de suivre l’épopée de Bernard Belluc, fou de Napoléon mais plus encore d’Albert Dieudonné qui incarna l’empereur dans le film mythique d’Abel Gance de 1927.
  3. Ce que l’on appelle aujourd’hui le « Vieux Montpellier », ce sont des objets de faïence qui ont des décors floraux, sur fond bleu ou jaune, des bouquets légers, des roses de couleurs bleu vif et clair, au feuillage d’un vert jaune, de quelques fleurettes bleues et orange.
  4. « Les vitrines de Bernard Belluc. Tout est d’époque », Page Éditions et Angel Art Servanin, prix public : 22 euros.
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Thierry Arcaix a d’abord été instituteur. Titulaire d’une maîtrise en sciences et techniques du patrimoine et d’un master 2 en sciences de l’information et de la communication, il est maintenant docteur en sociologie après avoir soutenu en 2012 une thèse portant sur le quartier de Figuerolles à Montpellier. Depuis 2005, il signe une chronique hebdomadaire consacrée au patrimoine dans le quotidien La Marseillaise et depuis 2020, il est aussi correspondant Midi Libre à Claret. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages dans des genres très divers (histoire, sociologie, policier, conte pour enfants) et anime des conférences consacrées à l’histoire locale et à la sociologie.