Exit Jean-Paul Delevoye mais le projet reste…

et  la contestation qui va avec.

Dans les Bouches-du-Rhône, un meeting unitaire rassemblant des militant-e-s de la CGT, FSU, Solidaires, Force Ouvrière mais aussi du Syndicat des avocats de France et de l’UNEF s’est tenu avant la  nouvelle journée d’actions du 17 décembre qui s’annonce très suivie.


Trois jours après l’intervention du Premier ministre Édouard Philippe dont l’objectif (inavoué)  était de déminer le terrain du mouvement social en cours, le site pétrochimique de Lavéra, sur la commune de Martigues (13) accueillait, le samedi 14 décembre, un meeting dont la portée  a été saluée par tous les intervenants.


« Être aujourd’hui sur ce site est un symbole fort car les travailleurs de la pétrochimie sont en grève reconductible depuis le 5 décembre : on connait leur engagement central pour la défense de notre modèle social » soulignait le représentant de Solidaires, « on sait aussi combien le gouvernement et le patronat craignent l’action des raffineurs en cas de blocage des carburants ». Devant la diversité des professions, des localités et des organisations syndicales représentées, le militant de Solidaires saluait dans ce rassemblement l’occasion de « battre en brèche le discours qui voudrait que le mouvement contre la retraite à points ne concernerait que les régimes spéciaux alors qu’il concerne le privé, le public, la jeunesse et les retraités actuels ».

Les manœuvres du gouvernement

Les explications d’Edouard Philippe, à vrai dire plus attendues par le microcosme médiatique que par les militants syndicaux qui ne se faisaient guère d’illusions, ont davantage été perçues, selon le représentant de Solidaires comme « des manoeuvres pour diviser selon le statut, selon l’âge et pour désigner des boucs émissaires : elles ont clairement échoué. Au contraire, l’intervention du premier ministre a récolté de la colère. Qu’on soit Gilets jaunes, agent des finances publiques, personnel de santé, étudiants, chômeurs, le discours de mépris de classe n’est pas passé ». Le Premier ministre a eu beau faire référence au Conseil national de la Résistance dont les « libéraux » s’ingénient à saper le programme (intitulé « Les jours heureux », ce qui situait son ambition) depuis des années, les militant-e-s réunis en cette matinée ensoleillée étaient unanimes pour voir en cette « réforme », « une attaque sans précédent contre le salaire différé de l’ensemble des travailleurs ». 

Depuis le succès de la journée du 5 décembre, le pouvoir essaie de désamorcer la mobilisation en promettant  (modeste) augmentation de salaire ou primes aux enseignants par là, « universalité qui n’est pas uniformité », assurances données aux policiers par ci (l’Etat a besoin d’eux pour les raisons que l’on sait)…Mais pourtant, des syndicalistes décidément indécrottables comme…considèrent que « le mardi 17 décembre revêt une importance considérable ». Et pire, qu’ « il n’ y aura pas de trêve de Noël, pas de pause pour la défense de nos conquêtes sociales ». 

Même ces « privilégiés » de professeurs (vous savez ceux qui ont deux mois de vacances d’été !) qui ne savent pas bien lire (comme dirait  leur ministre préféré) ne sont pas convaincus par tout le bien que le macronisme veut pour eux. « Nous nous sommes engagés sans réserves dans cette bataille, nous l’avons fait en cherchant l’unité, le plus largement possible. Nous voulons améliorer le système actuel qui est encore injuste pour les femmes, pour les précaires, pour ceux qui ont eu des carrières difficiles et interrompues » rappelle Camille, militante à la FSU 13, « aujourd’hui, nous pensons que la population a compris que ce que le gouvernement fait, plus que la réforme des retraites, c’est pulvériser le modèle social français, l’héritage du CNR,et ça, on ne le laissera pas passer ». Pour cette enseignante dans les quartiers Nord de Marseille, ce combat n’est pas séparable d’autres que l’on aurait tort de considérer comme spécifiques aux « profs » : « dans l’éducation, la casse du Bac contre laquelle les enseignants sont en train de se battre, la sélection à l’entrée de l’Université nous concernent tous, quand nous combattons la réforme des retraites, nous combattons pour la jeunesse, pour les salariés d’aujourd’hui et de demain ».

Même les avocat-e-s sont dans la rue

Ce n’est pas tous les jours qu’un meeting syndical, même unitaire, accueille le Syndicat des avocats de France, régulièrement présent dans les cortèges marseillais. A Lavéra, ce fut le cas et la représentante du SAF n’ a pas manqué d’adresser un message au parterre de syndicalistes : « nous nous sommes mobilisés contre la loi travail à vos côtés, contre les barèmes Macron et on continuera à le faire contre l’intégralité de ce projet de loi. Et si le gouvernement venait à céder pour nous, on serait encore là car c’est bien contre ce projet de société que nous manifestons ». Elle considère que « le système de décote (pour celles et ceux qui prendraient leur retraite avant 64 ans, l’âge « pivot » ou  « d’équilibre », Ndlr) va conduire les travailleurs à s’épuiser au travail ».  Et comme tous les avocats ne sont pas des Dupond-Moretti, la militante du SAF a apporté des précisions sur « un régime qui va donner lieu au doublement des cotisations pour ceux qui ont le moins de revenus et ceux qui ont le moins de revenus dans notre profession sont ceux qui assurent les aides juridictionnelles ». 

De FO à Solidaires, en passant par l’UNEF, la FSU, ou la CGT, c’est le même message d’unité et de confiance dans le mouvement qui a été exprimé à plusieurs voix. « Cette photo est magnifique » s’écriait le responsable de la CGT 13, Olivier Mateu, à la vue des divers drapeaux syndicaux flottant dans le vent. « Nous accepterions de sacrifier notre jeunesse? Mais pour qui ils nous prennent ? » s’indignait-il, « ce qui les attend, c’est l’élévation du rapport de forces, l’entrée dans le mouvement de nouveaux secteurs et une période qui s’ouvre, sans train, sans bus ». 

Esprit offensif oblige, Camille (FSU 13) a donné rendez-vous « le 17 et après, dans l’unité et jusqu’à la victoire ». Si l’on ne peut connaitre l’issue du conflit, l’air ambiant est bien celui des convergences. Et ce n’est pas un hasard si la fin des interventions a été ponctuée par le désormais célèbre chant des Gilets jaunes : « On est, on est là, même si Macron ne veut pas, nous on est là, pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur ». 

Morgan G.

 

JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"