Rencontres Radio Toulouse
Photo: S.A.

Près d’une centaine d’animateurs bénévoles venus des quatre coins de France se sont réunis durant 5 jours à l’occasion des Rencontres des radios libres à Toulouse, avec un menu comprenant pas moins de 19 ateliers par jour, agrémenté d’une Assemblée Générale quotidienne.

Un espace dédié à l’échange, aux bilans et à l’état des radios libres et indépendantes à travers l’hexagone, qui a été chapeauté en cette édition, par Canal Sud à Toulouse et auquel nous avons participé en tant qu’Altermidi et membres de La Marseillaise en commun. Ateliers prise de son, création d’une carte sonore érotique, mutualisation des besoins et moyens, travail sur la radio en tant qu’outil de lutte ou encore nuit de la radio organisée dans les studios de Canal Sud, autant de sujets et d’évènements, parmi ceux abordés ou actés qui ont entraîné un foisonnement de réflexions et d’initiatives ouvrant le débat le plus large sur la situation et les perspectives.

Bref flashback sur un long chemin de lutte

Alors que les toutes premières années Mitterrand avaient libéré les ondes, la situation n’a fait que décliner pour ces structures actives souvent militantes, qui fonctionnent en grande partie sur du bénévolat.

Dès 1986, la Haute Autorité (ancêtre du CSA, créée pour réguler les fréquences) est remplacée par la Commission nationale de la Communication et des libertés (CNCL). En 1987, les autorisations de fréquences rendues par la CNCL font l’objet de plusieurs scandales avantageant d’abord les stations commerciales et amenuisant les radios libres et associatives non commerciales.

Affaiblie par différentes affaires, la CNCL est remplacée en 1989 par le Conseil Supérieur de l’audiovisuel (CSA). À la règlementation par le gouvernement succède alors, la loi du marché où le CSA disposerait d’un pouvoir de décision plus important, mais agit comme un médiateur pour tenter de réguler « intérêts publics et privés ». Plusieurs radios libres deviennent, alors, commerciales.

En 2012, on dénombre 578 stations (près de 700 avec les collectivités d’Outre-mer), régies par une association à but non lucratif. Elles emploient près de 3000 salariés. Si elles sont aussi autorisées à diffuser de la publicité à hauteur de 20 % de leur budget, un certain nombre de stations, attachées à leur totale indépendance éditoriale, refusent cette voie.

Le contexte se fragilise chaque jour davantage, après le désengagement de l’Etat (CSA et Fasdil) qui supprime les soutiens aux radios associatives de secteur A. Un contexte aggravé par le gouvernement Macron qui enfonce le clou avec la suppression des emplois aidés.

Pus localement, le 12 février 2018, Renaud Muselier, président de la région Paca, déclenche le tollé en supprimant toutes les subventions aux 40 radios associatives de la région.

Radios Toulouse
Photo S.A.

Une tribune pour survivre

Dans ce climat social délétère, les riches rencontres des radios libres et indépendantes à Toulouse se sont conclues par l’approbation à l’unanimité d’une tribune écrite dans la foulée, soutenue par l’ensemble des stations présentes parmi lesquelles Radio Zinzine, JET FM, Radio Vassivière, La Cucaracha, Canal Sud, Radio D’ici, Le Feu, la rage, Radio Piquez, des pirates de Abysses FM, Radio Surouate, Plijadur FM, GérinFm, Radios Rageuses, Radio RDWA, Radio Galère, Radio St Affrique, etc.

Cette tribune rappelle : « Bénévoles/ producteurs d’émissions, salarié.es, technicien.ne.s et administratrices.eurs de radios associatives et libres, nous sommes venu.es de toute la France pour nous rencontrer, partager autour de ce média qui nous anime. Sans avoir eu besoin d’échanger un mot ou un micro, nous sentons à quel point, pour chacun.e d’entre nous, la radio fait sens. Proche, irrévérencieuse, drôle, subversive, pirate… si nos manières de faire et de vivre la radio sont plurielles, il y a néanmoins des bases que nous partageons. Nos radios associatives ne sont pas épargnées par le climat social actuel, ni par de nombreuses logiques qui découlent du système libéral, colonial et hétéro-patriarcal. Nous avons souhaité, ensemble, prendre position et nous offrir une vision emplie de lendemains et de radios qui chantent. Aussi, nous, membres réunis, en assemblée, ce 14 Juillet 2019, lors des rencontres de radios libres affirmons que pour nous, une radio dite libre devrait être un média qui ne dépend pas d’intérêts commerciaux, un média qui offre des espaces d’expression politique et artistique à des voix exclues des médias mainstream, une radio construite, pensée, animée par ses bénévoles et soutenue, si besoin, par des salarié.es, un outil de relais des luttes, des voix invisibilisées, des paroles d’habitant.es et de celles.eux de passage, un outil d’auto-organisation de groupes minorisé·es. un espace d’échange des savoirs, d’auto-organisation, de réflexion collective permettant la remise en question et le regard critique, essentiel·les à la santé de nos radios.

Être membre d’une radio libre, c’est être en lutte contre un modèle économique qui nous précarise toujours plus, que ce soit au niveau de l’emploi, des fonds publics ou encore des subventions locales, contre les logiques de pouvoir, contre les logiques de dominations masculines, sociales, racistes, hétéronormatives,validistes et toute autre logique d’exclusion, contre l’entre-soi, lui préférer l’ouverture et la confrontation constructive, pour des pratiques horizontales, en privilégiant des modes d’organisation collective entre salarié·es, membres du bureau et productrices.eurs d’émissions de la radio ».

A la santé de nos radios libres

Eclairant notamment sur la censure qui contribue à tuer à petit feu des radios comme Kaleïdoscope à Grenoble où trois émissions « DégenréeEs », « Parloirs libres » et « Micro-ondes » ont été supprimées, l’Assemblée a également tenue à se positionner face à des situations vécues, passées et présentes au sein de radios consoeurs. Le texte de la tribune consacre un long paragraphe à ce sujet :

« Aussi nous condamnons l’exclusion de trois émissions de radio kaléidoscope a Grenoble. « Dégenré.E » « Micro-ondes » et « Parloir libre » en avril dernier. Cette situation est le résultat d’un dysfonctionnement qui a permis à son président, depuis des années, de confisquer les prises de décisions et de les orienter de manière unilatérale, sans concertation avec bénévoles et salariés. A sa retraite, cet outil, détourné de manière non démocratique, a été utilisé par le nouveau président afin d’éliminer toutes les paroles subversives et les espaces de critiques qui sont rares dans ce monde. Nous condamnons la pression au travail, l’absence des bénévoles/productrices.eurs et/ou des salarié.es dans les organes décisionnaires. Nous condamnons l’enracinement et le manque de transmission qui peuvent avoir lieu en leur sein. Nous condamnons aussi la répartition genrée des tâches au sein de nos radios, dans lesquelles, trop souvent, les femmes ont à gérer les tâches administratives et celles de soin alors que les hommes s’occupent de la technique et des postes de direction. Une pensée pour nos grands-mères pirates, Sachez que nous lutterons, pour que des espaces de paroles dissidentes, continuent à faire bande sur la FM . A la santé des Radios Libres! ».

A suivre donc de près.

H.B.

H.B
Journaliste de terrain, formée en linguiste, j'ai également étudié l'analyse du travail et l'économie sociale et solidaire. J'ai collaboré à différentes rédactions, recherches universitaires et travaillé dans divers domaines dont l'enseignement FLE. Ces multiples chemins ailleurs et ici, me donnent le goût de l'observation et me font aimer le monde, le langage des fleurs et ces mots d'André Chedid : «Cet apprentissage, cette humanité à laquelle on croit toujours».