mardi 21 mai 2024
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« Boléro-Paprika » : 70 ans après, l’Occitanie n’oublie pas

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Pour un geste de justice, de réparation et de gratitude envers les Espagnols résistants FFI : tel est le titre du vœu qui a été soumis au vote en séance plénière du Conseil Régional d’Occitanie, en novembre  2020 à Montpellier.


 

Ce vœu a été présenté par les groupes qui réunissent écologistes, communistes et socialistes à l’occasion du 70e anniversaire de « L’Opération Boléro-Paprika », rafle policière d’envergure dont l’Occitanie fut le théâtre principal.

Dans les 13 départements d’Occitanie, 13 brigades de guérilleros espagnols ont combattu, certaines formées dès le début de 1942. Nombreux sont les lieux de la région où des stèles, des monuments – et des cérémonies chaque année – témoignent des sacrifices subis. Le Monument National des Guérilleros, se trouve à Prayols, près de Foix, préfecture libérée le 19 août 1944 par la 3e Brigade de Guérilleros d’Ariège.

En avril 1945 fut créée, à Toulouse, l’Amicale des Anciens FFI et Résistants Espagnols, présidée par deux généraux FFI qui avaient combattu précocement en Ariège, Aude et  Haute-Garonne : Luis Fernández et Joan Blázquez.

Le 7 septembre 1950, le gouvernement français déclencha « L’Opération Boléro-Paprika » : au nom d’un prétendu intérêt national, il s’agissait d’assigner hors de métropole plusieurs centaines d’étrangers.

Le volet « Boléro » de l’opération visait des Espagnols, le volet « Paprika » ciblait des ressortissants d’Europe de l’Est. Les archives policières dénombrent 288 arrestations au 9 septembre, dont 177 Espagnols. La plupart de ceux-ci, arrêtés dans l’actuelle Occitanie, furent d’abord internés au camp des Sables (Portet-sur-Garonne, près de Toulouse), ensuite 61 Espagnols furent dirigés vers la Corse, 84 vers l’Algérie, 32 vers « les frontières de l’Est ». Peu avant la rafle, le gouvernement avait déclaré dissoutes diverses organisations de l’exil républicain espagnol, notamment le Parti Communiste d’Espagne, le Parti Socialiste Unifié de Catalogne, le Parti Communiste d’Euskadi et interdit leurs publications.

Cette répression choquante suscita de nombreuses manifestations d’indignation de la part de ceux qui demeuraient reconnaissants à l’égard des étrangers qui avaient combattu pour la libération de la France.

Néanmoins, le 7 octobre 1950, le ministre de l’intérieur prit un arrêté portant dissolution de l’Amicale des Anciens FFI et Résistants Espagnols et l’enjoignant de liquider ses biens, dont l’historique Hôpital Varsovie, installé en septembre 1944 à Toulouse (rue Varsovie), aujourd’hui Hôpital Joseph Ducuing. Nombre des membres de l’Amicale avaient déjà été détenus et bannis dans les semaines précédentes.

Cet arrêté était particulièrement infâmant : les résistants espagnols mis en cause et maltraités en 1950 n’avaient pas trahi la France ; au contraire, pour sa liberté ils avaient lutté, subi la prison, la déportation, les blessures…

Il est établi que les mesures visant les Espagnols furent décidées sous la pression du gouvernement franquiste qui bénéficia de la confusion occasionnée par la guerre froide. Peu après Boléro-Paprika, les relations diplomatiques entre Paris et Madrid furent rétablies. L’Espagne franquiste fut admise à l’UNESCO (1953) puis à l’ONU (1955) tandis que ses opposants en France étaient muselés ou réduits à la clandestinité.

Il a fallu attendre que meure le dictateur Franco (1975) pour que l’association interdite en 1950 soit autorisée à se reconstituer sous son nom actuel : Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en France – Forces Françaises de l’Intérieur (AAGEF-FFI).

En 2016, à l’initiative de l’AAGEF-FFI, 44 parlementaires – issus de tout l’arc républicain – et de nombreux autres élus, avaient demandé que soit abrogé l’arrêté du 7 octobre 1950 ; parmi eux : les maires d’Alençon, Dieppe, Hendaye, Toulouse, le Conseil départemental de la Haute-Garonne unanime, les présidents des conseils départementaux de l’Aude et de la Seine-Saint-Denis.

C’est dans ce contexte que l’assemblée régionale a voté majoritairement en faveur du texte suivant :

 

« Le Conseil Régional d’Occitanie demande aux Autorités de l’État :

1) Que soit abrogé l’arrêté prononçant la dissolution de l’Amicale des Anciens FFI et Résistants Espagnols, pris le 7 octobre 1950 par le ministre de l’intérieur, paru au Journal Officiel de la République Française le 11 octobre 1950 ;

2) Que, dans un devoir d’honneur et de justice, des excuses soient officiellement présentées par la République française aux personnes et aux familles qui ont eu à souffrir de ces sanctions indignes ;

3) Que soit rouverte, à titre exceptionnel, la procédure d’examen des demandes d’homologation des unités combattantes de guérilleros espagnols qui sont restées en instance d’examen pour cause de forclusion, notamment dans l’Aude, le Gers et les Pyrénées Orientales ;

4) Que l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre soit chargé d’une campagne d’information quant à la contribution spécifique des formations de guérilleros espagnols à la Résistance intérieure, en lien avec le Mémorial du camp de Rivesaltes. »

La droite n’a pas pris part au vote, l’extrême-droite a voté contre.

 

Voir aussi : Camp de concentration de Septfonds : Les descendant.es revivent la marche de leurs pères