Un master II en poche, deux amies de 24 ans se retrouvent “volontaires” en service civique. . Il transparaît au travers de leurs échanges une conscience et une maturité criante, et pourtant inhabituelle aux oreilles de leurs aînés — bien souvent sourdes… Au fil de la conversation chez l’une d’entre elles, altermidi interroge leur vécu en prenant le parti de laisser libre cours à leur dialogue.
Sur le sujet « vivre sa jeunesse », la conversation se décline en plusieurs thèmes au travers desquels ces jeunes femmes en prise avec des désirs individuels et des aspirations collectives, parfois indépendamment, souvent de concert, se racontent …
Espaces de fêtes selon le mood
Qu’est-ce que vous appelez « faire la fête » ?
S : Je dirais que c’est cyclique. En fonction des lieux où je me trouve et de la phase de ma vie dans laquelle je me place, je fais la fête de manière très différente. Je peux faire la fête avec une personne, c’est très cool, et je peux faire la fête avec beaucoup de personnes aussi.
En ce moment c’est quasi systématique de sortir après le travail, ne pas rentrer chez soi et faire quelque chose, mais ça s’appelle pas vraiment faire la fête, ça s’appelle plus… j’sais pas… vaquer à ses occupations, mais du coup tu peux rencontrer des gens.
O : Moi je faisais beaucoup la fête aux Beaux-Arts, avec de la musique et tout, qui durait tard et qui était sur le mode club, mais dans un cercle fermé. Du coup je ne vivais pas du tout la même chose que si j’allais en boîte. Déjà j’ai du mal à trouver des musiques que j’aime vraiment quand je sors juste comme ça.
S : Je pense que vu que c’est pas régulier, ça ne me dérange pas quand parfois c’est un peu intense. En fait, la musique c’est important et j’aime plein de genres, du coup ça ne me dérange pas non plus. Après il faut déterminer si tu fais la fête pour danser ou pour plein d’autres raisons : sociabiliser, boire un coup, te divertir, rencontrer de nouvelles personnes ou faire la fête avec les gens que t’aimes bien de base ?
O : Je trouve que la musique détermine un peu les personnes et l’ambiance qu’il va y avoir.
S : Quelquefois tu réunis des gens et tu n’as pas prévue la musique.
O : Oui mais si tu vas, genre au Mélomane [boîte techno], au Madrediosa [bar lesbien] ou à la Dune [club de bord de mer], tu ne vas pas avoir les mêmes musiques ni les mêmes personnes du tout tu vois.
S : Ah ben ça c’est clair. Après on sait à peu près ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas, ou avec qui on est, avec qui on est prêt à faire ça ou non, tu vois. Quelques fois je contacte des personnes spécifiques pour faire des choses spécifiques, et d’autres personnes pour faire d’autres choses, et d’autres fois j’essaie de réunir les gens et ça marche ou ça ne marche pas.
O : La fête c’est pas juste, on s’amuse, c’est très cool et puis on se réveille le lendemain et voilà. Il se passe beaucoup de choses. Les échanges sociaux sont différents à cause du contexte mais ça peut être aussi pour d’autres raisons, notamment… La consommation d’alcool, de drogues, le comportement des personnes. Il y a aussi une violence dans le monde de la nuit, je pense.
S : Beaucoup de personnes sont là pour se défouler en fait. Ça dépend du lieu de sortie — dehors ou chez quelqu’un —, et chez qui, et avec qui.
Est-ce que faire la fête est une possibilité d’émancipation ? Le rapport entre fête, émancipation et désir, n’est-ce pas une caractéristique de la jeunesse ?
O : Je ne pense pas que la fête comme espace d’émancipation des normes sociales et des attentes, ce soit quelque chose de nouveau. Je pense que ça va ensemble, c’est intrinsèque, c’est constitutif l’un de l’autre. Après, ce qui est intéressant aussi, c’est qu’il y a certains espaces qui sont des espaces de fête, mais qui sont extrêmement codifiés et qui sont vraiment dédiés au fait de parler à des personnes, rencontrer des personnes, se faire bien voir, voir les autres, donc un peu du réseautage quelque part ; une sorte de fête qui rentre presque dans la dimension du travail. Et puis après, à côté de ça, une deuxième partie, je dirais qui est complètement… ben… beaucoup plus libre, où il y a beaucoup moins de limites.
J’imagine que ça dépend aussi de l’âge et du lieu.
S : Les âges se mélangent pas mal quand même, il peut y avoir des tranches d’âge assez variées dans les mêmes endroits.
O : En fait moi je côtoie très peu de gens plus jeunes que moi. Et mon cercle très proche c’est surtout des personnes de mon âge.
Qu’est-ce qui distingue votre génération des autres générations concernant la fête ?
O : Ce n’est pas la même musique ni les mêmes stars. Il y a des soirées années 2000 et des soirées d’autres générations qui font fureur aussi.
S : Y a pas de live chez nous, d’ailleurs plein de jeunes n’ont jamais été en concert.
O : Y a des jeunes qui mixent. Ils vont en festival ou en soirée qui concentrent beaucoup beaucoup de DJs.
S : C’est pas un groupe de musique composé de cinq personnes : un à la batterie, un à la guitare, un au chant. Ça n’existe plus, quasiment, ça. Tu dis « ce soir y a telle musique qui passe dans une soirée » ; c’est un DJ qui va mixer en fait.
O : Du coup tu vas pas à un concert juste pour écouter de la musique. Tu vas en concert vraiment pour écouter tel artiste que tu aimes, c’est vraiment un événement un peu rare qui est lié au groupe, au chanteur, à la chanteuse.
S : Mais généralement quand tu vas en soirée, c’est pour une soirée spéciale à thème ou pour écouter un genre de musique. Si tu vas à une soirée pop, tu vas rarement voir l’artiste, mais il va y avoir plein de sons de tous les morceaux pop connus qui vont être remixés.
O : Les reines c’est vraiment la pop, le rap et la techno — qui comportent énormément de sous-genres.
Recueilli par Sophie Duvauchelle