Les manifestations contre la loi « sécurité globale » ont fait leur retour en ce premier mois de l’année 2021, à Marseille comme dans plusieurs villes de Provence-Alpes-Côte d’Azur et d’Occitanie. Après la journée du samedi 16 janvier, la nouvelle étape est déjà fixée au 30 janvier.
La « trêve des confiseurs » n’aura pas sifflé la fin de partie pour la (déjà) trop fameuse loi « sécurité globale ». Nice, Cannes, Toulon, Marseille, Avignon, (où 400 personnes étaient au rendez-vous avec une importante présence de la CGT), Nîmes, Montpellier, Toulouse : d’un bout à l’autre des deux régions, rassemblements et manifestations ont marqué son retour au premier plan.
À Montpellier, plus de 2000 personnes ont participé à une longue marche festive (et « jeune ») partie du quartier de La Paillade, mais la « manif » a été ternie par des gardes à vue. Dans la « capitale » de Provence-Alpes-Côte d’Azur, le temps était plutôt avec celles et ceux qui avaient choisi de marcher pour les libertés. Gilets jaunes en tête de cortège, plusieurs milliers de manifestant-e-s ont parcouru les rues, entre ombre et lumière, du soleil d’hiver du Vieux Port à la Porte d’Aix. Avec une constante depuis le début du mouvement, en novembre : là aussi, la forte présence des jeunes. Une myriade d’organisations syndicales, politiques, et d’associations étaient au rendez-vous: FSU, CGT, Solidaires, CNT, France insoumise, PCF, Union communiste libertaire, P.O.I., NPA, Lutte ouvrière, Ligue des Droits de l’Homme, Libre Pensée, Mouvement de la Paix…
Décidément, le ministre de l’Intérieur n’en a pas fini avec la contestation de cette loi qui va désormais prendre le chemin du Sénat. Et s’il fallait une preuve, le slogan entendu samedi la fournirait: « On filmera, même si Darmanin ne veut pas, on filmera ». L’importance des images en cas de violences policières, un vieux monsieur digne l’illustrait aussi avec sa pancarte portant les photos des mutilés du mouvement des Gilets jaunes. Parmi elles, ce portrait d’un jeune étudiant bordelais à la main arrachée…Sans images, qui pourrait contester demain la version de la hiérarchie policière, des ministres successifs aussi zélés les uns que les autres, ou du très droitier syndicat « Alliance », devenu l’interlocuteur quasi unique des médias dominants… et le protégé du ministre qui fait grand cas de ses revendications ? Dans le cortège marseillais (et ailleurs), les militants syndicaux présents rêveraient certainement de pareille écoute.
« Aujourd’hui, nous manifestons une fois encore à Marseille et dans de nombreuses villes de France. Comment pourrait-il en être autrement quand dans le même temps, un décret validé par le Conseil d’État autorise et amplifie le fichage des citoyens, des acteurs sociaux, des militants », soulignait Bernard Eynaud, responsable de la Ligue des Droits de l’Homme à Marseille, « il sera désormais possible, même si la pratique n’est pas nouvelle en soi, d’inscrire en toute légalité des informations sur les appartenances syndicales, politiques, associatives, nos convictions religieuses et philosophiques, nos habitudes de vie, les lieux fréquentés, nos problèmes de santé ».
« Fuite en avant sécuritaire »
En ce samedi de « mobilisations », c’est aussi le nouveau « schéma de maintien de l’ordre » qui était dans le viseur, si l’on peut dire : pour les organisations ayant appelé à ce rendez-vous, ce schéma « conforte des pratiques policières qui ont, ces derniers mois, mutilé à vie des militants et tué Zineb Redouane à Marseille. Au delà des formules de politesse que les policiers devront prononcer du type « on s’excuse de vous déranger mais nous vous prions de dégager », c’est l’usage d’armes meurtrières qui reste la norme, la pratique de la nasse générant des mouvements de panique et empêchant de rentrer et surtout de sortir dans un cortège de manifestants, c’est l’interdiction faite aux journalistes, mais aussi aux observateurs des ONG, de poursuivre leur travail en cas de dispersion ».
Risque de voir l’article 24 de la loi « sécurité globale » recyclé en article du projet de loi « confortant les principes de la République » (ex-loi sur les « séparatismes »), nouveau schéma du maintien de l’ordre, refus par le Conseil d’État du recours déposé par plusieurs organisations contre un fichage qui ira bien au-delà des islamistes susceptibles de passer à l’acte, tout cela crée un climat très particulier qui s’ajoute au caractère anxiogène lié à la pandémie de Covid-19.
« Cette fuite en avant sécuritaire est incompatible avec un État de droit qui suppose le contrôle effectif des pratiques policières par les parlementaires, la justice, les médias mais aussi les citoyens que nous sommes », relevait Bernard Eynaud. Celles et ceux qui s’opposent à la loi « sécurité globale » ont déjà rendez-vous le samedi 30 janvier pour une nouvelle journée de manifestations. Pour que « sécurité globale » ne rime pas avec « liberté minimale ».
Morgan G.