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Droit d’auteur en Europe, les articles de la discorde

Photo Lionel Bonaventure. AFP

La commission des affaires juridiques du Parlement européen examine la proposition de directive en chantier depuis 2016. L’obligation de filtrage automatisé pour les gros hébergeurs de contenus et la création d’un «droit voisin» pour les éditeurs de presse font débat.

Le tempo s’accélère pour la réforme du droit d’auteur en Europe, mise en chantier en septembre 2016. Ce mercredi, la proposition de directive doit être examinée au sein de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, avant une discussion en plénière début juillet. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne fait pas l’unanimité. «Les nouvelles règles de l’Europe sur le droit d’auteur seront dévastatrices pour l’Internet tel que nous le connaissons», titrait, la semaine dernière, le site d’actu «tech» américain Motherboard. Deux articles du texte, en particulier, font débat : l’article 11, qui vise à créer un «droit voisin» du droit d’auteur pour les éditeurs et agences de presse, et l’article 13, qui instaurerait pour les «gros» hébergeurs de contenus culturels une obligation de filtrage automatisé.

«Reconnaissance des contenus»

Ces dernières semaines, c’est surtout l’article 13 qui a mobilisé les opposants. Taillé pour les industries culturelles et les ayants droit, il prévoit que les hébergeurs qui «stockent un grand nombre d’œuvres» prennent des mesures pour assurer «le bon fonctionnement des accords conclus avec les titulaires de droits», en mentionnant explicitement des «techniques efficaces de reconnaissance des contenus». Autrement dit, il s’agit de graver dans le marbre les technologies de filtrage déjà déployées «proactivement» par certains acteurs pour repérer automatiquement les contenus qui ne respecteraient pas le droit d’auteur, comme YouTube avec Content ID.

Pour la ministre française de la Culture, Françoise Nyssen, «le texte renforce la capacité des créateurs à être rémunérés par les plateformes numériques qui exploitent leurs œuvres». Mais la disposition s’est attiré les foudres de nombre d’associations de défense des libertés sur Internet, ainsi que d’un aréopage de sommités du réseau – du Britannique Tim Berners-Lee, principal inventeur du Web, à l’Américain Jimmy Wales, cofondateur de Wikipédia. «En tant que créateurs nous-mêmes, nous partageons l’idée qu’une juste distribution des revenus tirés de l’usage en ligne d’œuvres sous droit d’auteur est nécessaire, écrivent les soixante-dix signataires d’une lettre ouverte au président du Parlement européen, Antonio Tajani. Mais l’article 13 […] est une étape sans précédent dans la transformation de l’Internet, d’une plateforme ouverte de partage et d’innovation en un outil de surveillance automatisée et de contrôle des utilisateurs.»

Le retour de la «taxe Google»

Autre sujet sensible : l’article 11, qui permet aux Etats membres de mettre en place un droit voisin du droit d’auteur au bénéfice des agences et éditeurs de presse, lors d’«utilisations numériques» des articles via de courts extraits. Une disposition qui pourrait s’appliquer, au premier chef, aux agrégateurs de contenus d’information comme Google Actualités ou aux réseaux sociaux comme Facebook. En France, le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) juge ce droit «vital pour l’avenir de la presse» quand les grandes plateformes se taillent la part du lion dans la publicité en ligne, mais le Syndicat de la presse d’information indépendante en ligne (Spiil) exprime pour sa part de «fortes réserves».

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De fait, bien au-delà des organisations représentant les géants du Net à Bruxelles, la mesure s’attire également les critiques des associations de défense des libertés en ligne et d’acteurs des «biens communs numériques», qui dénoncent aussi bien l’étendue possible d’un tel droit voisin que le risque d’effets contre-productifs.

L’idée n’est pas neuve – elle rappelle la «taxe Google» déjà défendue en 2012 par les éditeurs de presse français – et a déjà été testée ailleurs. En Espagne, Google a purement et simplement fermé son service de «news», avec pour conséquence une baisse du trafic vers les sites d’information. En Allemagne, le géant de Mountain View a contraint les médias à lui accorder des licences gratuites… Pour nombre d’opposants à cette mesure, l’affaire pourrait surtout handicaper tant les petits éditeurs de presse que les potentielles alternatives à Google, Facebook et consorts. Sans régler le principal problème, sur lequel achoppe l’Europe depuis plusieurs années : celui de l’hyperdomination d’acteurs passés maîtres dans l’art de l’optimisation fiscale.

Amaelle Guiton

Source : Libération 20/06/2018
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